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16-05-2025

06:42

« Bulletin de gouvernance » : Moktar Ould Diay, l’élève appliqué face aux blocages du système

Le Rénovateur Quotidien - Moktar Ould Diay, récemment nommé à la tête du gouvernement, a entamé son parcours avec méthode et rigueur. D’emblée, il a affiché sa volonté d’insuffler une nouvelle dynamique : réunions intensifiées, distribution de lettres de mission, recentrage des priorités gouvernementales autour d’une stratégie multisectorielle. Sérieux, organisé, discret mais actif, il donne l’image d’un Premier ministre studieux, soucieux de faire ses preuves.

En matière d’infrastructures, les résultats sont visibles. Les chantiers structurants – routes, énergie, logistique – avancent, même si certains accusent du retard. C’est dans ce domaine que l’élève affiche ses meilleures performances. Il semble avoir compris l’importance des symboles visibles du développement et s’y investit avec une certaine efficacité.

Mais l’évaluation devient moins favorable dès qu’on aborde les secteurs sociaux. Santé, eau, agriculture, urbanisme : autant de matières fondamentales dans lesquelles les retards d’exécution sont préoccupants. Malgré les engagements pris, la réalité sur le terrain reste largement insatisfaisante. Les effets d’annonce ne suffisent plus : les citoyens attendent des résultats concrets. Et pour l’instant, ils peinent à en voir les bénéfices.

Cette situation est d’autant plus paradoxale que la Mauritanie entre dans une phase charnière de son développement. L’exploitation des premiers stocks du gisement gazier offshore, combinée aux revenus continus issus des ressources minières, ouvre une fenêtre d’opportunité unique.

Les richesses générées par ces ressources doivent impérativement impacter le niveau de vie des populations. Il est temps que les discours flatteurs et les déclarations d’intention cèdent la place au pragmatisme. Le pays dispose désormais des moyens de ses ambitions, à condition de traduire les promesses économiques en justice sociale et en gains tangibles pour les citoyens ordinaires.

Mais si les résultats ne suivent pas, ce n’est pas faute de volonté. Le Premier ministre se heurte aussi à un environnement politique pesant. Plusieurs apparatchiks, solidement ancrés dans l’appareil d’État, freinent l’élan de réforme. Gardiens d’un système hérité de décennies de gestion clientéliste, ils voient dans toute tentative de changement une menace à leur influence. Ces blocages internes, souvent discrets mais efficaces, entravent la mise en œuvre de décisions pourtant stratégiques. L’élève doit ainsi composer avec des résistances, des inerties, voire des sabotages passifs. La marge de manœuvre dont il dispose reste limitée par des équilibres politiques qu’il ne contrôle pas totalement.

À cette difficulté politique s’ajoute une autre priorité longtemps négligée : la réorganisation de l’architecture financière de l’État. De nombreux dispositifs publics, souvent créés dans l’élan d’une volonté présidentielle de lutte contre la pauvreté, fonctionnent aujourd’hui sans réelle lisibilité ni efficacité.

C’est notamment le cas de l’Agence Taazour, censée être dédiée aux populations les plus vulnérables, mais qui, dans les faits, s’apparente de plus en plus à un gouffre financier. Mal structurée, peu transparente, et lourdement bureaucratisée, cette entité — comme bien d’autres initiatives sociales similaires — peine à remplir ses objectifs. Elle illustre une tendance persistante à créer des structures parallèles à fort coût de fonctionnement, sans mécanismes d’évaluation ni cohérence avec les politiques publiques existantes.

Il est donc urgent de repenser ces dispositifs. La réforme, voire la dissolution de certaines structures devenues redondantes ou inopérantes, s’impose pour alléger la pression sur les finances publiques et réorienter les ressources vers des politiques plus ciblées et efficaces. Cela exige un courage politique certain, mais aussi une vision claire du rôle de l’État social.

Et comme souvent dans ce type de configuration, les remaniements viennent trop tard. On attend que la machine s’essouffle avant de la réparer. Cette gestion par réaction, et non par anticipation, affaiblit la cohérence de l’action publique. Or, une équipe gouvernementale performante ne se résume pas à l’addition de profils, mais repose sur une complémentarité assumée et une vision partagée. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire.

Contrairement aux discours habituels, ce n’est pas tant un déficit de compétences qui plombe l’administration, mais l’incapacité à opérer des choix basés sur le mérite. Les nominations continuent de répondre à des logiques politiques, tribales ou régionalistes, empêchant la constitution d’un exécutif soudé et compétent. Même le chef de gouvernement, malgré sa rigueur, peine à s’en affranchir.

Avis du conseil pédagogique :

L’élève Moktar Ould Diay affiche un comportement sérieux et appliqué, ainsi qu’une volonté de redonner un cap à la gestion publique. Il a su poser des bases organisationnelles solides et avancer sur certains chantiers.

Toutefois, son action reste entravée par un environnement politique rigide, une gestion humaine perfectible, et une difficulté à produire des effets concrets dans les secteurs sociaux. Le conseil note également une absence de réforme structurelle dans la gestion des finances publiques et des agences sociales, dont certaines — à l’image de Taazour — devraient être repensées ou dissoutes.

Le conseil recommande donc un maintien sous observation, avec encouragements conditionnels. Des efforts soutenus sont attendus pour s’affirmer face aux blocages internes, rationaliser les structures publiques, privilégier les compétences et transformer les intentions en résultats tangible.





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