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Affaire des pilules hallucinogènes : la justice avait-elle les mains libres?
(Le Rénovateur Quotidien) -
Alors que l’opinion publique mauritanienne s’attendait à un verdict fort, à la hauteur de la gravité des faits reprochés dans l’affaire emblématique des pilules hallucinogènes, la Cour Suprême a créé la surprise, voire l’incompréhension, en ordonnant la remise en liberté de l’accusé principal. Un tournant judiciaire qui marque, pour beaucoup, la fin des espoirs placés dans une justice résolument engagée contre la prolifération des substances psychotropes dans le pays.
Cette affaire, qui avait cristallisé l’attention nationale, est désormais à une étape charnière. Le principal prévenu, dont l’image était devenue celle d’un symbole de lutte contre un trafic menaçant la jeunesse, a vu sa détention levée après l’acceptation de son pourvoi en cassation. La décision annule la peine initiale et ouvre la voie à un nouveau jugement.
Une libération conditionnée au versement d’une caution d’un million d’ouguiyas, accompagnée d’une garantie de comparution. Mais surtout, elle est perçue par une grande partie de la population comme un recul dans la volonté affichée de combattre le fléau de la drogue.
Autre élément marquant : la Cour a également annulé les cautions imposées à hauteur de cinq millions d’ouguiyas à plusieurs autres prévenus. Une mesure qui, loin de calmer les esprits, alimente le sentiment croissant d’un décalage entre les discours officiels martelant une « tolérance zéro » et les faits qui s’enchaînent dans les prétoires.
Des tonnes de déclarations, des conférences de presse, des images spectaculaires de saisies diffusées dans les médias nationaux, tout cela laissait présager une volonté ferme de juguler ce phénomène aux lourdes conséquences sanitaires et sociales. Mais aujourd’hui, nombreux sont les citoyens à se sentir trahis par une justice qu’ils espéraient plus rigoureuse.
Certes, le droit doit prévaloir, et les garanties procédurales sont le socle d’un État de droit. Mais dans ce contexte précis, où le pays s’est voulu exemplaire face à la montée des trafics de substances illicites, cette décision judiciaire sonne comme une douche froide. Elle relance le débat sur la cohérence entre les engagements politiques et l’action judiciaire, sur l’indépendance des procédures et sur la capacité des institutions à traduire les promesses de fermeté en sanctions effectives.
Pour les Mauritaniens qui pensaient assister à une inflexion historique dans la lutte contre la drogue, ce retournement laisse un goût amer. Le procès reprendra, certes, mais la confiance, elle, devra être regagnée.