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15-09-2025

14:33

Santé : L’urgence de réguler le secteur sanitaire privé en Mauritanie

Le Quotidien de Nouakchott -- À Nouakchott, se soigner dans une clinique privée est un luxe qui devient de plus en plus inabordable pour de nombreux Mauritaniens.

Au-delà du coût élevé, c’est l’anarchie tarifaire et des pratiques commerciales abusives qui règnent en maîtres, transformant le droit aux soins en un parcours du combattant financier.

Des tarifs exorbitants et incohérents

La première barrière est financière. Les tarifs des consultations, déjà chers, varient de manière vertigineuse et souvent incompréhensible pour le patient. Il n’est pas rare de constater des écarts du simple au double pour des spécialités comparables. Un urologue réputé facturera 600 MRU, tandis que son voisin dermatologue exigera 800 MRU.

Pire, un jeune psychiatre, souvent moins expérimenté, n’hésitera pas à réclamer jusqu’à 1 200 MRU pour une consultation. Cette absence totale de grille tarifaire référence crée une injustice flagrante et place les patients dans une situation de détresse, obligés de choisir entre leur santé et leur stabilité financière.

La double peine : payer pour une erreur de diagnostic

Mais le système révèle une faille encore plus cynique : la pratique scandaleuse de la double consultation payante pour une même pathologie. Concrètement, un patient doit souvent revenir pour un second rendez-vous et s’acquitter à nouveau du montant de la consultation, même si la raison de cette seconde visite est un diagnostic initial erroné ou incomplet.

Cette pratique équivaut à faire payer au patient les carences de son médecin. C’est une « récompense à la carence du toubib » qui est non seulement injuste, mais aussi moralement condamnable.

Un modèle basé sur la quantité et l’opacité

Ce phénomène s’inscrit dans un contexte de gestion pour le moins opaque du secteur. Pour justifier ces tarifs et maximiser leurs profits, de nombreuses cliniques privées fonctionnent sur un modèle de « consultations à la chaîne ». Certains médecins voient jusqu’à une quarantaine de patients en un temps limité, sacrifiant ainsi la qualité et la minutie de l’examen médical au profit du rendement.

Cette course au chiffre s’accompagne souvent d’une gestion financière trouble, sans comptabilité formalisée, et de l’exploitation de personnel soignant dans l’informel, sans contrat ni protection sociale. Cette opacité généralisée profite aux propriétaires de cliniques au détriment de tout le monde : des employés précaires et des patients lésés.

L’appel pressant à une intervention de l’État

Face à ce constat alarmant d’un secteur sensé être dédié au soin et à l’éthique, l’intervention de la puissance publique n’est plus une option, mais une urgence absolue. Il est grand temps que l’État mauritanien impose de l’ordre dans ce secteur crucial.

Plusieurs mesures s’imposent :

-L’uniformisation impérative des tarifs : L’État doit, par le biais du ministère de la Santé, établir et imposer une grille tarifaire nationale claire, raisonnable et contraignante pour l’ensemble de la médecine privée. Cette transparence est la base de la justice et de l’accès aux soins pour tous ;

-Le principe du paiement unique pour une même maladie : Il est crucial de légiférer pour que la consultation ne soit payée qu’une seule et unique fois pour le traitement d’une même pathologie. Aucun patient ne doit supporter le coût d’une erreur ou d’une insuffisance médicale.

-Renforcement des contrôles et sanctions : Des mécanismes de contrôle stricts doivent être mis en place pour surveiller les pratiques tarifaires, la qualité des soins, les conditions d’emploi du personnel et la tenue d’une comptabilité régulière.

Les établissements contrevenants doivent être sévèrement sanctionnés. Par pudeur, certaines cliniques exigent que les infirmières portent la blouse sur leurs habits de ville mais en même temps elles les font travailler sans au aucun contrat de travail: quelle hypocrisie !

La santé n’est pas une marchandise comme les autres. Il en va de la dignité et du bien-être de la population mauritanienne. L’État se doit d’être le garant d’un système de santé privé juste, transparent et éthique. Le temps de l’action est maintenant.



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