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Le Parc National du Banc d'Arguin : Arkeiss un "paradis naturel très convoité"
Saadna Abdaty -- Le Parc National du Banc d'Arguin, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, est menacé par le tourisme de masse, qui pousse les populations autochtones à quitter leurs terres ancestrales, comme l'illustre la situation de M. HREITANI OULD HAMODY dit HARTOUN, qui témoigne des pressions croissantes qu'il subit malgré son attachement à sa terre natale et son rôle de gardien de ce "paradis naturel".
Le Banc d'Arguin est un joyau de la nature, un refuge pour de nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs, de poissons, de crustacés, de dauphins, de phoques et de tortues marines, qui y trouvent des lieux de reproduction et de nourrissage.
La zone offre un contraste saisissant entre l'austérité des dunes désertiques et la richesse biologique des eaux côtières, formant un écosystème complexe et unique. C'est une zone cruciale pour l'avifaune, abritant une grande diversité d'oiseaux nicheurs, et pour les communautés benthiques qui servent de base alimentaire à l'écosystème.
Aujourd’hui, l’essor du tourisme dans le Banc d’Arguin, bien qu’il soit parfois présenté comme une opportunité pour promouvoir un tourisme durable, suscite de nombreuses convoitises. Cette dynamique engendre des conflits d’intérêts, notamment avec les populations autochtones. Gardiennes ancestrales de ces territoires, ces communautés se retrouvent sous pression, contraintes de céder leurs terres pour laisser place à un tourisme de masse en pleine expansion.
La déclaration de cet autochtone M. HREITANI OULD HAMODY dit HARTOUN illustre cette situation. Il exprime sa détermination à rester malgré les pressions, rappelant l'histoire de sa famille et son rôle au sein de la communauté locale :
« Je suis originaire d'Arkeiss, un village pittoresque situé dans le Parc National du Banc d'Arguin, un endroit qui résonne profondément en moi. J'y habite depuis toujours, et ma connexion à cette localité est indéfectible. Mes parents et mes grands-parents ont également vécu ici, tissant une histoire familiale riche et ancrée dans ce paysage unique.
Mon père, Sid’Ahmed Ould Hamody, est né à Tidra, l'île la plus vaste du parc, en 1906. En 1912, mon grand-père maternel, Ahmed Ould Chreif, était le responsable de la célèbre boutique de Tanoudert. Ce lieu, qui se trouve à 9 km d'Arkeiss, était un point de ravitaillement crucial pour les nomades qui traversaient notre région, offrant un refuge où ils pouvaient se reposer et se réhydrater.
Grâce à son ponton accueillant les voiliers venant de Port-Etienne (Actuel Nouadhibou), Tanoudert était un carrefour d'échanges et de rencontres, reliant les nomades de Dakhlet Nouadhibou, Inchiri, Ouadane et Chinguitti.
Arkeiss n'est pas seulement un lieu sur une carte ; c'est ma maison. C'est ici que je suis né, que j'ai grandi, et où je continuerai à vivre. Cette terre, chargée d'histoire, a vu mes ancêtres et a été le témoin des sacrifices et des efforts pour préserver son écosystème et favoriser un tourisme durable, bénéfique pour nos populations locales.
Après plus de 30 ans de protection et de gestion de cet endroit naturel, je n'ai jamais imaginé qu'un jour, quelqu'un pourrait me contraindre à quitter la terre qui m'a vu grandir. Chaque grain de sable, chaque vague qui caresse le rivage, chaque sourire d'un voisin me rappelle pourquoi je suis ici et pourquoi je dois me battre pour préserver notre héritage.
Arkeiss est plus qu'un simple village ; c'est un symbole de notre culture, de notre histoire et de notre avenir. En tant que gardien de cet endroit, je suis déterminé à défendre notre mode de vie et à assurer que les générations futures puissent également découvrir la beauté et la richesse d'Arkeiss » déclare M. HREITANI OULD HAMODY dit HARTOUN .
Le cas de M.HREITANI OULD HAMODY, dit HARTOUN, illustre de manière concrète la situation préoccupante d’un autochtone né sur ces terres, aujourd’hui confronté à des pressions croissantes menaçant son droit fondamental à y vivre en paix.
Dans le littoral mauritanien, M. HREITANI OULD HAMODY est une figure locale respectée, reconnue pour son engagement en faveur de la culture et du développement communautaire. Il est notamment l’un des fondateurs du village d’Arkeiss, et à l’origine de son festival emblématique, véritable vitrine du patrimoine local.
À ce jour, six éditions de ce festival ont été organisées sous son impulsion, mettant à l’honneur la richesse de la culture mauritanienne à travers :
1. - des spectacles de musique traditionnelle,
2. - des danses folkloriques,
3. - des courses de chameaux,
4. - de la pêche sportive,
5. - des courses au large.
Ce festival représente non seulement un moment fort pour les communautés locales, mais également un levier essentiel pour la valorisation du tourisme culturel et durable dans la région.
Or, aujourd’hui, M. HREITANI OULD HAMODY fait face à une situation critique, mettant en péril non seulement ses droits en tant qu’habitant autochtone, mais aussi l’héritage culturel qu’il a contribué à préserver et à promouvoir.
Nous lançons un appel solennel aux autorités compétentes pour qu’elles interviennent dans les plus brefs délais afin de résoudre cette situation qui a largement dépassé les limites du tolérable. Il en va de la justice sociale, du respect des droits des populations autochtones, et de la préservation de la mémoire culturelle du littoral mauritanien.
Sur la photo : M. HREITANI OULD HAMODY dit HARTOUN en boubou recevant des mains de Claude Wolff maire de Chamalières (Puy-de-Dôme, France) la médaille de Chamalières. On voit également, André Chalier, Président d’Auvergne Pêche Aventure.
Saadna ABDATY
Les Amis du Parc National du Banc d'Arguin (Mauritanie)