La Mauritanie, pays à la diversité culturelle et ethnique marquée, est engagée depuis plusieurs décennies dans un processus complexe de construction nationale. 

Toutefois, les fractures sociales, les discriminations et les inégalités entre les citoyens constituent des défis majeurs pour la cohésion nationale.

Dans ce contexte sensible, l’instrumentalisation de ces problématiques par des discours politiques populistes et propagandistes représente un danger réel pour l’unité nationale et la stabilité du pays.

Le danger du populisme et de la propagande politique

Instrumentalisation des souffrances réelles

Certains acteurs politiques, mus par des ambitions personnelles, exploitent les souffrances historiques et contemporaines de certaines catégories sociales, notamment les victimes de discrimination ou d’exclusion, à des fins électoralistes. Ce type de discours :

- Simplifie abusivement des problématiques complexes ;

- Alimente le ressentiment et le rejet de l’autre ;

- Focalise le débat politique sur les émotions plutôt que sur les solutions concrètes ;

- Fait de la division un outil de mobilisation.

Discours identitaires et communautaristes

En Mauritanie, le recours à des discours qui opposent les communautés ethniques, raciales ou sociales sous couvert de "défense des opprimés" fragilise davantage le tissu national. Cette rhétorique mène à :

- Une montée des tensions intercommunautaires ;

- Une perte de confiance envers les institutions ;

- Un affaiblissement de l’idée même de nation unie et solidaire.

Reconnaître les discriminations sans les instrumentaliser

Il est impératif de reconnaître l’existence de discriminations et d'injustices subies par certains segments de la population, et les nier ou les minimiser serait irresponsable. Toutefois, les exploiter politiquement, sans projet de société inclusif et sans appel à la responsabilité collective, aggrave la fracture nationale.

Promouvoir un discours responsable et unificateur

Pour aborder les problèmes sociaux et les revendications légitimes des populations sans tomber dans la haine ou la division, plusieurs principes doivent être respectés :

Un langage de justice, non de revanche

Il s’agit de parler de réparation, de droits et d’égalité, non de vengeance ou d’exclusion. Le langage de la justice permet de rassembler, là où le langage de la revanche divise.

L’approche inclusive

Tout discours politique responsable doit s’adresser à l’ensemble des Mauritaniens, indépendamment de leurs origines, tout en étant à l’écoute des souffrances particulières. Cela implique :

- De formuler les revendications dans un cadre républicain et universel ;

- D’impliquer toutes les composantes du pays dans la recherche de solutions ;

- De rejeter les appels à la division, au séparatisme ou à l’ethnicisation des débats.

La pédagogie de la cohésion

Les leaders d’opinion, les médias et les partis politiques ont le devoir de former les citoyens à la coexistence, au respect mutuel et à la solidarité nationale. Cela suppose de :

- Refuser les discours simplistes et incendiaires ;

- Promouvoir des valeurs de vivre-ensemble et de citoyenneté ;

- Encourager les jeunes à s’engager dans des initiatives de dialogue intercommunautaire.

La cohésion nationale est un bien précieux, fragile et non acquis. Elle se construit chaque jour par des choix politiques responsables, un langage respectueux et une volonté sincère d’inclusion. Si les injustices doivent être combattues, elles ne doivent jamais servir de tremplin à des ambitions personnelles fondées sur la division. La Mauritanie a besoin d’un projet de société partagé, juste et équitable, porté par un discours apaisé et constructif.

SY Samba

Sociologue