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07-10-2025

17:30

Tahara Amadou Diagana, le lion de la communauté : une vie au service de tous

Souley Manga -- La Maison de Mpaly KA une institution vivante, un foyer de sagesse, de spiritualité et de cohésion sociale. Fondée autour des valeurs de solidarité, de transmission et de service, cette maison a vu passer des générations de leaders, de formateurs et de bâtisseurs communautaires. Elle est le cœur battant de Kaédi, un repère pour tout Foutanké.

Tahara Amadou Diagana (TAD) : Le Gardien du Temple

Né en 1923 à Kaédi, Tahara Amadou Diagana est l’un des piliers de Mpaly Kaba. Compagnon fidèle du patriarche Mpaly Kaba, il fut pendant dix ans son bras droit, son confident, D’aucuns le surnommaient « l’aîné de Mpaly Kaba », tant son autorité naturelle et sa sagesse rayonnaient. Il devint très tôt le gérant de la Maison, veillant à son bon fonctionnement et à la préservation de ses valeurs.

"L’arbre parti chercher la pluie est revenu avec des fruits pour nourrir toute la forêt." En 1944, TAD quitte Kaédi avec son mentor Mpaly KABA pour la Côte d’Ivoire, il découvre un mode de vie différent, marqué par la solidarité et l'effervescence communautaire.

Très vite, il s’intègre à la communauté de Yacouba Sylla, patriarche respecté et figure emblématique de la spiritualité et du travail. Sous son aile, TAD se forme à une multitude de métiers : mécanique, transport, vulcanisation, entre autres.

Sa polyvalence impressionne. Dans notre jargon Dimbeen, on le surnomme affectueusement « douze métiers », tant ses compétences étaient vastes et maîtrisées. Pendant dix années, il met son savoir-faire au service de la communauté Yacoubiste, incarnant les valeurs de dévouement, de rigueur et d’excellence.

Mais son engagement ne s’arrête pas là. Lorsqu’il retourne à Kaédi, fort de son expérience et de son apprentissage, il devient à nouveau un pilier de sa communauté d’origine. Il transmet son savoir, forme les jeunes, inspire par son parcours et son humilité.

Son retour marque une nouvelle ère : celle d’un homme qui, après avoir appris ailleurs, revient pour bâtir chez lui. TAD incarne alors la figure du sage, du bâtisseur, du lien entre générations.

TAD , Artisan du Savoir et du Savoir-Faire

« Le feu du savoir brûle plus fort quand il est attisé par des mains habiles » De retour à Kaédi en 1954, TAD reprend son rôle au sein de Mpaly Kaba, cette fois en tant que formateur. Il transmet son savoir aux jeunes : conduite automobile, entretien de véhicules, gestion de machines à moulin… Son talent en mécanique était tel que même les professionnels les plus aguerris faisaient appel à lui.

Il avait un don : il suffisait qu’il touche un moteur pour que la panne disparaisse. Les tracteurs, en particulier, n’avaient aucun secret pour lui.

Au fil du temps, les jeunes transporteurs formés par TAD ont acquis une parfaite maîtrise des véhicules. Grâce à son encadrement rigoureux et à son savoir-faire exceptionnel, ils sont devenus de véritables experts en conduite et en entretien mécanique.

À un certain moment, leur professionnalisme et leur fiabilité leur ont permis d’obtenir le monopole du transport entre Kaédi, Lexeiba, Mbout, Matam pour ne citer que ces localités. Leur réputation dépassait les frontières de la communauté, et leur service était reconnu pour sa ponctualité, sa sécurité et son respect des passagers. Il formait des hommes, pas seulement des ouvriers.

À la zawiya, son discours était clair et constant : le travail est la voie de la dignité. Il ne prêchait pas une idéologie abstraite, mais une pratique quotidienne. Fidèle à la devise de Mpaly Kaba "Travailler, c’est prier"

Conscient des besoins de sa famille et de sa communauté, TAD se lance dans l’entrepreneuriat avec audace et détermination. Il investit dans des tracteurs pour le labour des terres, ouvre des ateliers de soudure, et développe des activités dans le transport Devant sa maison, on pouvait voir des bennes, des petits camions signes visibles d’un homme qui avait fait du travail son étendard.

Son parcours est celui d’un homme qui a su unir foi, savoir-faire et esprit d’entreprise pour transformer son environnement. TAD n’était pas seulement un modèle : il était une école vivante

La Prière comme Pilier de la Vie

À la Zawiya, TAD prêchait avec ferveur. Il insistait sur l’importance de la prière, du rôle du père dans l’éducation spirituelle, de l’apprentissage des enfants. Il rappelait la nécessité de corriger la prière, d’enseigner la grande purification. Pour lui, la spiritualité était indissociable du service communautaire.

L’héritier d’un érudit : le Coran comme boussole

Fils de Hodie Amadou Diagana, un érudit respecté pour sa maîtrise du tafsir coranique, de la jurisprudence islamique et des sciences religieuses, TAD a grandi dans une atmosphère imprégnée de spiritualité et de savoir. Cet héritage, il l’a porté avec fierté et humilité.

Son amour pour le Coran était profond et constant. Même sous le hangar de chez Mpaly Kaba, il gardait toujours son livre coranique à portée de main. Dans ses prêches à la Zawiya, il mettait en garde ceux qui négligeaient le Livre Saint., il exhortait les parents à enseigner le Coran à leurs enfants

Chez lui, il avait une école coranique, ouverte à tous. Il ne faisait aucune concession : ses enfants et petits-enfants devaient apprendre le Coran, car pour lui, la connaissance religieuse était la clé de la dignité et de la paix intérieure.

Dix ans déjà : L’héritage vivant de TAD

Le 24 septembre 2015, jour béni de la Tabaski, juste après la prière, une nouvelle bouleversante s’abattait sur Kaédi : TAD nous avait quittés. Ce jour-là, le temps semblait suspendu. Le cimetière débordait de monde, une marée humaine venue saluer une dernière fois celui qui avait tant donné, tant inspiré, tant construit.

Dix ans ont passé depuis ce moment de recueillement, et pourtant, son empreinte reste intacte. TAD n’était pas simplement un homme de foi, il était un bâtisseur de vies, un entrepreneur infatigable, un éducateur silencieux, un pilier de la zawiya Mpaly KABA, et un modèle de dignité. Les zikrs qui ont accompagné son départ résonnent encore : La ilaha illa Allah.

Ce chant d’adieu est devenu un rappel quotidien de la foi qui guidait chacun de ses pas. À la zawiya, son nom est évoqué avec respect, son parcours cité comme exemple, et sa mémoire honorée comme celle d’un homme qui a su allier spiritualité et action.

À la mémoire de Grand-père Tahara Amadou Diagana (TAD)

La vie de Grand-père Tahara Amadou Diagana, est si inspirante qu’elle m’a poussé à m’intéresser à sa biographie, à retracer son parcours, à comprendre l’homme mais je suis conscient d’une chose : ce que je raconte ici ne représente peut-être que 20 % de sa vie.

Le reste vit dans les souvenirs, les silences, les gestes, et dans les cœurs de ceux qui l’ont connu. TAD avait un regard profond sur les liens de parenté, sur le cousinage à plaisanterie, cette tradition qui unit au lieu de diviser.

Et quand l’occasion se présentait, il ne manquait jamais de terrasser les Diakité dans les joutes verbales, avec humour, finesse et une joie contagieuse. Son existence était un livre ouvert, mais dont chaque page était écrite avec discrétion et dignité. Il ne cherchait pas la lumière, mais il éclairait. Il ne parlait pas fort, mais ses paroles résonnaient. Il ne possédait pas tout, mais il donnait beaucoup.

Aujourd’hui, en écrivant ces lignes, je ne fais que poser quelques pierres sur l’immense édifice qu’il a construit. Ce témoignage est une offrande, un murmure d’amour et de reconnaissance à celui qui nous a appris que la grandeur ne se mesure pas en mots, mais en actes.

Ô mon Dieu, accorde à KA TAHARA BAYI KHOUBA une place dans ton paradis céleste.

Fais que son œuvre continue à inspirer, que sa lumière ne s’éteigne jamais.

Par : Souleymane Mangassouba dit Jules

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