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Le troisième mandat : un faux débat, une vraie diversion
SHEMS MAARIF - À peine le Président de la République, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a-t-il entamé les premières semaines de son second mandat de cinq ans, que certaines voix s’élèvent déjà pour l’appeler à briguer un troisième mandat. Un appel déroutant, tant il est prématuré, inopportun, et surtout déconnecté des priorités du moment.
Pourtant, la Constitution mauritanienne est formelle : deux mandats, pas un de plus. Le président vient tout juste d’être investi pour son second quinquennat. Le peuple ne l’a pas réélu pour spéculer sur une possible prolongation de pouvoir, mais pour gouverner, agir, et accomplir les promesses faites.
Ce deuxième mandat est d’ailleurs perçu, à juste titre, comme celui des réalisations. Le premier, marqué par la pandémie de COVID-19 et le très lourd dossier judiciaire de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, avait été largement accaparé par la gestion des urgences et des crises. Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour passer à l’étape de la construction et du progrès.
Et cela commence à se voir. Sur le terrain, des projets concrets prennent forme : des routes sont réhabilitées ou construites, des hôpitaux voient le jour, des écoles s’ouvrent dans des zones longtemps délaissées. Ces signaux positifs témoignent de la volonté du président d’inscrire son action dans le concret, au service des citoyens.
Dans ce contexte, agiter dès maintenant la question d’un troisième mandat revient à briser l’élan, à détourner l’attention de la mission essentielle : mettre en œuvre un programme ambitieux pour la Mauritanie. Ce débat anticipé perturbe le climat politique et empêche le président et son entourage de se concentrer sur les priorités nationales. Il installe, dans les premiers mois du quinquennat, une atmosphère de calculs politiciens, alors que le temps devrait être à l’action, à la rigueur, au travail.
Mais plus grave encore, cette campagne autour d’un troisième mandat risque de fragiliser le consensus national que le président Ghazouani avait su instaurer dès le début de son premier mandat. En pacifiant le climat politique, en tendant la main à l’opposition, en plaçant le dialogue au cœur de sa méthode, il avait réussi à apaiser une scène politique longtemps tendue. Raviver dès maintenant une controverse aussi sensible, c’est mettre en péril cet équilibre fragile et risquer de faire entrer le pays dans une spirale de tiraillements inutiles et contre-productifs.
On ne peut s’empêcher de voir ici un scénario qui se répète. L’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz avait lui aussi été entouré, dès son second mandat, par des appels au maintien au pouvoir. L’histoire a montré où cela a mené : crispation, isolement, perte de légitimité. Ce sont rarement les chefs de l’État eux-mêmes qui lancent ces appels. Ils viennent souvent de cercles qui cherchent à sécuriser leurs intérêts personnels, bien plus qu’à servir l’intérêt national.
Alors que cherchent réellement ceux qui évoquent un troisième mandat si tôt ? À garantir la continuité d’un projet politique ou à préserver leur accès au pouvoir et à ses privilèges ? Sont-ils sincèrement soucieux de la réussite du président, ou simplement préoccupés par leur propre avenir politique ? À quoi bon parler de succession quand la mission de gouvernance commence à peine ?
Une chose est sûre : ceux qui parlent déjà de troisième mandat ne servent ni le président, ni la Constitution, ni la Mauritanie. Ils ne cherchent pas à construire, mais à s’accrocher. Ils installent le doute, sèment la confusion, et détournent l’effort national de là où il doit être : dans les chantiers, dans les réformes, dans le service de tous.
Le président Ghazouani a été réélu pour réussir. Il a cinq ans pour le faire. Laissons-le gouverner. Qu’il reste concentré sur son programme, et non sur les ambitions de ceux qui parlent à sa place.
Le vrai soutien aujourd’hui, ce n’est pas de l’encourager à dépasser la loi. C’est de l’aider à respecter sa parole, à renforcer la République, et à marquer son mandat par des réalisations, non par des polémiques.
Le vrai patriotisme, ce n’est pas d’appeler à un troisième mandat. C’est de faire réussir le second.
Yedaly Fall