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Communiqué de presse / La culture est un droit… pas une faveur
Depuis plus de dix ans, le Centre Teranim pour les arts populaires œuvre avec détermination à la sauvegarde du patrimoine mauritanien contre l’oubli et à la revalorisation des arts populaires et du chant de louange prophétique (MEDH), à une époque où ces expressions culturelles étaient marginalisées et largement absentes de l’espace public.
Grâce à l’engagement bénévole de jeunes issus de toutes les composantes de la société, le Centre a su bâtir un projet national fédérateur, reconnu et respecté. Cette reconnaissance s’est récemment concrétisée par le parrainage de la Première Dame de la 12ᵉ édition du Festival Layali al-Madh, par l’octroi du statut d’association d’utilité publique par décision du Conseil des ministres (Décret n° 130-2025), ainsi que par l’obtention du Prix international de Sharjah pour le patrimoine culturel 2023.
La défense par le Centre Teranim de son droit à la participation culturelle ne repose pas uniquement sur ses réalisations et son action de terrain, mais également sur des engagements nationaux et internationaux clairs, notamment :
– la Convention de l’UNESCO de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, qui oblige les États à protéger les pratiques culturelles vivantes, à soutenir les détenteurs de ce patrimoine et à associer les communautés locales à la planification et à la mise en œuvre des activités liées à leur héritage ;
– la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui garantit aux institutions culturelles indépendantes un accès équitable aux manifestations et aux ressources publiques, et affirme la nécessité de promouvoir la pluralité culturelle et de prévenir toute forme de monopole culturel.
En conséquence, la participation du Centre Teranim aux manifestations nationales ne saurait être considérée comme un privilège accordé, mais bien comme un droit culturel légitime, consacré par les textes internationaux et les lois nationales.
Le 27 octobre 2025, le Centre Teranim a déposé un dossier officiel (n° 2847) en vue de participer à la 14ᵉ édition du Festival des Villes du Patrimoine à Oualata, proposant :
1. Des prestations de chants de louange du prophète (PSL) et d’arts folkloriques lors des soirées du festival ;
2. Un stand dédié au projet « Voix de Teslem » (école de promotion de la culture, de l’intégration et de la cohésion sociale à travers la louange du Prophète, paix et salut sur Lui) ;
3. L’encadrement et la formation des troupes populaires participantes afin de garantir la qualité des prestations.
Après plus de deux semaines de contacts et de rencontres, il est apparu clairement qu’il existait une volonté préalable d’exclure le Centre, et que toute éventuelle acceptation — si elle devait avoir lieu — serait présentée comme une « faveur », et non comme un droit fondé sur une expertise avérée et des réalisations reconnues au service du patrimoine.
Alors que le Centre est ainsi écarté, le ministère continue de gérer les fonds publics selon une logique sélective au bénéfice de groupes précis cumulant influence administrative et intérêts particuliers. Les chiffres officiels du budget du ministère pour l’année 2026 illustrent ce déséquilibre :
– 100 millions d’ouguiyas pour les poètes de la poésie classique ;
– 80 millions d’ouguiyas pour les poètes de la poésie hassaniya ;
– 50 millions d’ouguiyas pour les artistes traditionnels (Iguawene).
Ces dotations annuelles fixes sont attribuées sans critères transparents ni mécanismes clairs garantissant une répartition équitable du soutien public entre l’ensemble des acteurs culturels.
Plus grave encore, la majorité des conseillers et chargés de mission du cabinet du ministre sont membres de ces mêmes structures, se trouvant ainsi à la fois juges et parties, disposant du pouvoir de décider qui participe, qui est exclu et selon quels critères sont dépensés les fonds publics.
Lorsque nous avons réclamé des droits élémentaires pour les chanteurs de louanges du Prophète ﷺ et des conditions de participation au Festival des Villes du Patrimoine respectueuses de leur dignité, la réponse a été une exclusion pure et simple, suivie de démarches visant à contacter individuellement certains artistes pour contourner l’institution qui porte et protège cet art depuis treize ans.
Face à cette situation, le Centre Teranim pour les arts populaires exprime son rejet catégorique :
– Du traitement dévalorisant qui lui est imposé ;
– De la discrimination culturelle et du cloisonnement social qui persistent au sein de certains rouages du ministère de la Culture et des Arts ;
– De la transformation des droits en faveurs accordées ou retirées selon les allégeances ;
– De l’exploitation saisonnière des arts populaires sans reconnaissance de leurs porteurs et de leurs institutions.
Le Centre affirme que de telles pratiques portent atteinte à l’unité et à la cohésion de la société, contredisent les orientations de Son Excellence le Président de la République en matière de justice et d’égalité des chances, et violent les engagements internationaux de la Mauritanie relatifs à la sauvegarde du patrimoine et à la protection de la diversité culturelle.
Appel à Son Excellence le Président de la République
En conclusion, le Centre Teranim adresse ce communiqué à Son Excellence le Président de la République afin de l’informer de la situation illégale et contraire à l’éthique qu’il subit, et de souligner que ce qui se déroule dans le secteur culturel ne correspond ni à la vision de l’État ni à l’esprit de réforme proclamé par les plus hautes autorités.
Centre Teranim pour les arts populaires
Nouakchott
13/12/2025