17-12-2007 17:35 - Kiffa fête ses 100 ans !
A l’occasion du centenaire de la ville de Kiffa, du 13 au 15 décembre 2007, dont les préparatifs battent le plein avec le retour massif de ses ressortissants venus assister à la fête, L’Authentique vous propose un flash sur la ville et son histoire, avec pour source, la thèse de mémoire de Jiddou Ould Ahmed Taleb soutenue en 1984, sous le titre «Quelques aspects de l’histoire de Kiffa 1906-1960».
La cité de Kiffa est la conséquence d’une conjoncture historique en cette première moitié du siècle précédent. Les «Kiffistes», véritables autochtones de la ville, notamment les anciens qui ont été témoin de son passé si récent, se retrouvent aujourd’hui à peine dans cette bruyante agglomération où le ruban noir se le dispute aux édifices modernes qui bousculent les espaces et font entrechoquer les générations.
Emigration, conquête, marché, enseignement…autant de mondes qui s’entre pénètrent et permettent de connaître le passé de cette ville. Kiffa n’est pas né et ne s’est pas développé aisément, ni d’une manière spontanée.
Son évolution est le fruit d’un long processus et de plusieurs mutations qui s’étalent sur plus d’un demi siècle, englobant trois générations. Plus les rapports entre le colonisateur et les colonisés se sont renforcés, plus la ville s’est développée, au détriment d’une civilisation nomade qui a longtemps tenté de se maintenir et de survivre.
Ses empreintes ont persisté jusqu’à une date récente, lors d’ultimes confrontations avec l’urbanisme galopant, la sédentarisation massive et les occupations de l’espace citadin. Conditions de vie nouvelle, qui imposent de nouveaux comportements qui ont eu du mal à s’ancrer.
C’est le 24 novembre 1906, qu’une colonne de 20 tirailleurs sénégalais et 60 goumiers maures dirigés par le Commandant Arnauld quitta la ville de Nioro, Soudan Français, en direction de Tijikja, tenue en état de siège. Le 11 décembre de la même année, la colonne s’arrêta dans R’Gueiba, à côté de la mare de Kiffa où elle reçut l’ordre de camper. Tijikja dégagé, les combattants durent replier vers le Nord. La bataille de Neimlane n’aura duré qu’un seul jour, le 25 décembre 1906.
A Kiffa, la colonne éleva son premier poste, mais le ravitaillement en eau se révélant assez rude, le premier poste fut abandonné et la colonne d’Arnauld se fixa à 12 kilomètres plus au sud. Le 1er février 1907, le lieu dit «Hassi Babou» donna son nom à Kiffa, tel qu’il apparut dans les premières correspondances officielles entre le commandant de l’unité et ses supérieurs. Ce nouveau poste se situait sur un cordon dunaire qui surplomb à l’ouest l’Oued Kiffa et à l’est, une colline de jaspes utilisés pour les constructions. Plusieurs mares subsistent autour de ce poste, tels Aghoje, Boumlana, Belemtar, Mouchgag…
L’existence d’une nappe phréatique assurait aux puits creusés des débits suffisants pour les besoins en eau du poste nouvellement créé. Ce poste colonial serait sans nul doute resté provisoire si les tribus soumises à Tijikja n’étaient pas venues se fixer à R’Gueiba, non loin de Kiffa. Dès janvier 1907 en effet, Souaker et Messouma s’installèrent aux alentours du poste.
A la suite de cette concentration, il fut décidé de créer officiellement le poste de Kiffa. Ce sera fait par arrêté général du 28 mars 1907. La nouvelle unité est directement rattachée à la colonie du Haut Sénégal-Niger. Cette décision fut suivie par l’arrêté du Lieutenant-Gouverneur de la colonie, qui créa sa résidence à Kiffa le 1er juillet 1907 en lui fixant ses limites partielles. La nouvelle entité s’étendait alors du Plateau de l’Assaba à l’Ouest, aux Cercles de Nioro et de Kayes à l’Est et au Sud.
Le capitaine Mangeot, nommé commandant de la nouvelle résidence prit l’initiative de mettre sur pied une section méhariste, adaptée aux exigences du milieu, apte à sillonner toutes les zones d’accès difficiles, et à intervenir rapidement pour pourchasser les résistants où qu’ils se trouvent. Il est à noter que Kiffa, le lieu dit Ghadima plus précisément, est une entité composée d’autochtones divers. Y cohabitent en effet, des populations d’origine malienne, soninké, burkinabé, sénégalaise, maure, peulhs, haratines…
Cet harmonieux cosmopolitisme à visage humain, descendants d’anciens tirailleurs, d’administrateurs des colonies, de commerçants, de transporteurs, de fonctionnaires coloniaux, de dioulas, de paysans, d’ouvriers, est une véritable richesse nationale, la symbiose de plusieurs civilisations, qui fait de la ville de Kiffa, une perle nationale rarissime.
Chaque fils de la Ghadima a des affinités et des alliances compte tenu d’une structure sociale qui a traversé les siècles. Ainsi, les habitants de Kiffa-Ghadima ont-ils toujours joué un rôle d’émancipateurs, rejetant souvent la politique de béquilles, les jeux d’influence au niveau de l’ensemble de la région de l’Assaba. L’ensemble des tribus de cette vaste zone géographique ne peuvent jouer la moindre carte sur la scène politique, sans la participation pleine et entière des ressortissants de la Ghadima
Fouad Barrada