15-08-2010 09:07 - De nos rapports avec la France

De nos rapports avec la France

Depuis quelques temps j’écoute, je lis des prises des positions qui ont trait à nos rapports avec la France. Depuis que nous sommes territoire, puis colonie, puis Etat indépendant, nos rapports avec la France ont toujours connu des hauts et des bas mais ils ont toujours été fondamentalement solides.

La Mauritanie a été colonisée pour des raisons uniquement stratégiques. « L’ensemble mauritanien » non administré de façon centralisée pouvait constituer une source d’instabilité pour les colonies françaises du Maghreb et celles d’Afrique noire à cause de sa position géographique. Les recettes des impôts perçus uniquement sur le cheptel mauritanien ne couvraient pas les charges et le peu d’infrastructures sur ce vaste territoire.

Plus tard, la découverte, dans les années cinquante, de la mine de fer et les revenus que tiraient les pécheurs français de la cote mauritanienne ajoutaient un regain d intérêt. Mais, tout cela ne constituait pas un enjeu suffisant pour justifier, à lui seul que la France s'opposât farouchement au phagocytage de la Mauritanie par ses vieilles colonies dont elle tire tant d’avantages pour elle-même que pour ses opérateurs économiques.

La présence française, ici, a toujours fait débat depuis que la Mauritanie a été érigée en colonie et ce, jusqu’à l’indépendance et quelques fois bien après. La résistance est restée vivace par les arguments et les armes jusqu’en 1932. Après cette date, d’autres tentatives de résistance, ont vu le jour sous la forme de groupes politiques: l’Entente, la JM, la Nahda, la section mauritanienne du RDA.

Ceux qui ont cautionné l'occupation française ont largement justifié leur choix tout comme ceux qui l’ont combattue ont justifié le leur. Ce débat est partout présent en Afrique sous diverses formes : politique, économique et culturelle. Il n'est pas un particularisme mauritanien.

Il n’empêche que dans le cas de la Mauritanie et malgré les formes de résistance et d’acceptations citées plus haut, la France a toujours été aux côtés de notre pays dans les périodes difficiles. Les considérations stratégiques ont toujours pris le pas sur les intérêts économiques. La France a juste administrée la Mauritanie.

J’ai dit que, malgré des hauts et des bas, le soutien de la France ne nous a jamais fait défaut. Les événements ci-dessous relatés en sont une parfaite illustration.

1956: Au plus fort de la contestation de la présence française par les groupes politiques mauritaniens, NAHDA, JM, le mouvement syndical naissant et pendant que le Jeich Tahrir, (armée de libération) venant du Maroc, était aux portes d’Atar, à l’époque la plus grande ville de Mauritanie, la France monta l’opération "Ecouvillon" à partir de Dakar et mit en déroute les colonnes venues du nord, alors encerclées dans la montagne de Teguel. A l'époque l’armée mauritanienne n’était pas encore constituée. Les quelques officiers; sous-officiers et hommes de troupes mauritaniens servaient encore sous l'uniforme français.

1961 : une guérilla menée par des mauritaniens et installée au Mali par le Maroc, ayant des cellules dormantes et des dépôts d'armes sur tout le territoire, provoque l’émoi dans le pays nouvellement indépendant (attentats, assassinats, soulèvements à l’Est et migrations de pans entiers de tribus vers le Mali voisin). L’armée mauritanienne venait juste de naitre. La France mit à sa disposition les meilleurs instructeurs et officiers de renseignements (dont le célèbre commandant Léger, officier français exfiltré d’Algérie où il aurait monté l’opération "bleuité" entraînant une guerre fratricide entre certains des chefs militaires de la révolution algérienne). Avec l’armée mauritanienne naissante, ils ont opéré un quadrillage du pays et démonté toutes les cellules dormantes et les dépôts d’armes.

1966 : la France a prépositionné les troupes de Dakar au cas où la situation deviendrait grave en Mauritanie. Feu Moktar et l’armée mauritanienne purent maitriser la situation grâce aux seuls moyens mauritaniens.

1977 : la Mauritanie avait rompu tous les accords qui la liaient à la France depuis 1972 y compris l’accord de défense. La guerre de guérilla menée par le Polisario tenait la Mauritanie comme maillon faible de l’axe Rabat-Nouakchott. Avec un territoire immense, une armée manquant cruellement de moyens, des installations économiques situées a l’intérieur des zones des combats, tous les mauritaniens étaient inquiets sur le sort de leur pays qui pliait inexorablement sous les coups de boutoir répétés du Polisario et ce, malgré les efforts de nos officiers et hommes de troupes. Les installations économiques étaient toutes asphyxiées ou détruites. La France, sollicitée, mit rapidement en opération les avions Jaguar et les Breguet-Atlantic de surveillance. Elle plaça aussi des officiers d’assistance technique à l’Etat-major de l’Armée. La situation fut maîtrisée rapidement.

2007-2010 : le meurtre de quatre français sur l’axe d’Aleg, l’annulation du célèbre rallye Paris-Dakar, les attaques contre des garnissons de l’armée, le meurtre d’un américain à Nouakchott, les prises d’otages répétées, les cellules qui tuent à Nouakchott et les kamikazes qui se font exploser, tout cela mit le pays dans une situation inconfortable, sur tous les plans. La France met alors à la disposition de la Mauritanie des instructeurs spécialistes dans les différents domaines militaires de lutte anti-terroriste.

En 2010, notre armée sera la première de la région, et même du continent peut-être, à prendre l’initiative de mener une opération commando réussie à des milliers de kms de son commandement central. Rien de tout ce que je viens d’évoquer ne met en péril l’honneur du pays, ni sa capacité de décision. Il est légitime que l’Arabie saoudite, plus riche, ou la Jordanie, fassent la même chose avec les Anglais si le besoin s’en fait sentir. Que l’Inde, le Pakistan en fassent de même avec l’Angleterre, rien de cela n'est déshonorant.

Les transferts de technologie et les échanges de connaissance sont plus productifs entre gens parlant la même langue et ayant les mêmes référentiels. Ils peuvent être de nature militaire, culturelle ou sociale. Je ne vois là rien qui puisse donner lieu à un tapage médiatique ou politique. Ce sont des relations normales de coopération entre Etats amis et que les conjonctures internationale et régionale imposent.

Ceux qui connaissent ma génération diront voilà ce que pensent les « TIYAB NASSARA » (les repentis des français), les fils des interprètes et des hommes des troupes coloniales.

Les fils d’interprètes et des hommes des troupes coloniales, ont fait le Coran la grammaire, le Figh, la poésie épique et l'histoire arabe avant de venir à l’école française. Ils sont férus de culture arabe et européenne de façon générale et spécialement française. Ils ont fait leurs humanités dans les meilleures universités du monde et sont, en général, au moins parfaitement bilingues sinon polyglottes. Ils ont vu fonctionner correctement des administrations et admirer l'ordre et la discipline des casernes.

Ils ont appris à respecter le drapeau et les symboles de l’Etat. Ils ont profité d'un enseignement de qualité et d'une organisation administrative léguée par la France et fondée sur les concepts de méritocratie et de méthodologie. Cela les a prédisposés, jusque date récente, à être les piliers de l’Etat ; tout au moins pour ceux d'entre eux qui n'ont pas été dévoyés par la rigueur qu'exige le service public.

En un mot, cette génération est l’essence même de ce qui nous reste de tradition administrative républicaine.

Malgré le legs colonial, ils n’ont jamais émargé aux officines coloniales anciennes ou nouvelles, ils n'ont jamais été décorés de médailles pour « services rendus ». Leurs rapports avec les européens et particulièrement les Français sont décomplexés et imprégnés d’un respect mutuel.

J’ai longtemps entendu la litanie contre les « TIYAB NASSARA » ressassée par une "certaine élite". Désormais dégagé de la contrainte de réserve du service public, je tiens à briser cette omerta, lever les tabous et les sous-entendus imposés par l'absence de culture et de savoir-faire de ceux-là même qui ne trouvent leur compte que dans le règne de la médiocrité pour justifier leur présence dans notre système administratif.

Nouakchott août 2010

Brahim Salem Ould Bouleiba

Commentaires : 6
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Commentaires (6)

  • geronimo (H) 16/08/2010 17:15 X

    PS : Je ne sais pas comment on fait pour être ami avec individu comme Ely ; mais ça c'est vous que ça regarde !!!

  • bokhari (H) 16/08/2010 13:32 X

    A Monsieur liamsi qui se cache derriere un pseudonyme

    Depuis le feu le President Moktar j'ai toujours ete nomme directement par les chefs d'etat de ce pays et cela depuis l'age de 23 ans. Je n'ai pas ete releve du port. J'ai fait valoir, mes droits a la retraite juste apres le coup d'etat de 2005.

    La retraite que j'ai demande etait anticipee car je ne partais a la retraite qu'en 2011. J'ai donc demissionne dans le bureau d'Ely ould Mohamed Vall alors chef d'etat. Il a fallu batailler dur pour avoir son accord car on est de grands amis.

    Une fois ma demission acceptee, j'ai demande a faire valoir, mes droits a la retraite et j'ai ete libere en mai 2006; Monsieur Mrabih qui m'a remplace a toujours ete membre du conseil des deux ports en tant que gouverneur. Sa nomination faite par Ely ould Mohamed Vall n'a rien a voir avec le hasard ni les liens de famille puisqu'il connait la situation des deux ports.

    Tous les mauritaniens savent que je ne postule a aucun poste ni administratif ni politique. Depuis je n'essaye de me rappeler au souvenir de personne puisque depuis feu Moktar jusqu'au President de la Republique Mohamed ould Abdel Aziz, me connaissent et me respectent.

    A bon entendeur salut et evitez desormais d'essayer vainement de salir des personnes que tous les mauritaniens connaissent et se rappelent de leur itineraire.

    Brahim Salem ould Bouleiba

  • liamsi (H) 16/08/2010 10:01 X

    Monsieur veut rappeler à Mohamed O/ Abdel Aziz qu'il est toujours au chomage et ce depuis qu'il l'a relevé du poste de Directeur Général du Port Artisanal de Nouadhibou au profit de son cousin M'Rabih Rabou Ould Abidine.

  • malawnder (H) 16/08/2010 09:31 X

    Tout simplement fabuleux. Dans le fond et la forme.

    Dans le fond, il est grand temps de ne plus laisser la place du verbe et de la "gesticulation" à ces démagogues qui, à longueur de journée se masturbent leurs débiles méninges pour déclamer ce qui, à leurs yeux doit être la Mauritanie dont ils se fichent royalement d'ailleurs.

    Il est de bon ton de taper sur la "puissance colonisatrice", "les colons", etc... oubliant que depuis plus de cinquante ans ces gens ne sont plus là et même s'ils sont là, il est tout à fait logique qu'ils veillent à leurs intérêts comme nous devrions aussi faire.

    Je rêve d'une "main-mise" mauritanienne sur l'Ile de France ou la région PACA. Mais quand on ne maitrise même pas l'Inchiri on ne saurait avoir des ambitions de conquête.

    Et puis, ceux qui nous pompent l'air par leurs attaques contre la France sont ceux-là mêmes qui font le pied de grue dans les anti-chambres de l'ambassade de France et ses annexes pour mendier des avantages (invitation au 14 juillet, visas pour leur famille et proches, subventions-"sadgué", etc..) et dont la progéniture peuple l'école française de Nouakchott. Exigeons un respect mutuel et veillons à une convergence d'intérêts. Point barre. Sinon basta des rodomontades par des gens les moins placés pour en faire.

    Thomas Sankara disait :" ce qui me gêne le plus, c'est qu'à longueur de journée je tape sur les impérialistes et le soir c'est eux qui apportent la nourriture à mon peuple!" Aïe, c'est dur comme aveu !

    Quant à la forme, oui, cheikh Tidjane Bathily a raison, cette espèce n'a pas encore disparue et pour la revivifier soyons leurs clones.

    Monsieur Bouleiba, bravo pour votre courage et attendez vous à une volée de bois vert de ces prétentieux. Plus il y'aura de vomi plus votre thème aura porté. J'aurais juste rajouté à votre texte quand vous dites "fils d'interprètes et des hommes de troupe coloniales", "fils de boy" comme avait dit un triste personnage à une époque et qui a fini par disparaitre de la circulation au grand bonheur des générations montantes.


  • Cheikh-TijaneBathily (H) 15/08/2010 22:39 X

    Alors-là, c'est plus tendu que l'arc d'Hercule! Cet homme n'occupe pas la place qui lui revient de droit! A la vérité, je croyais cette espèce complètement éteinte! Merci de nous avoir offert une lecture si instructive. Dieu vous garde.


  • nimaba (H) 15/08/2010 11:22 X

    tres bon article, d'un intellectuel pas du tout complexe.