11-10-2010 19:07 - Mauritanie: Le manichéisme politique d’une classe désoeuvrée.
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«Une âme pessimiste ne voit des roses que leurs épines et reste aveugle devant la splendeur des gouttes d’ondées qui suintent sur leurs douces pétales.» (Poète arabe).
Manichéistes, masochistes ou éternels pessimistes? Qui sont-ils réellement ces groupuscules politiques qui ne disent pas leur nom, accrochés comme des verrues à la République et qui résistent à toutes les thérapies. Ils en ternissent l’image, jouent avec les deniers publics et usurpent les voix du peuple.
Alchimistes, druides des temps modernes, stratèges machiavéliques; ils sont tout à la fois ou peut-être, seraient-ils tout simplement le produit d’une société décadente, et à qui plusieurs décennies de désordre moral, ont procuré une forte résistance comme beaucoup de ces virus qui circulent aujourd’hui dans notre monde.
Il ne se passe une accalmie politique ou un espoir de début de paix sociale dans le pays sans qu’une certaine classe ne se mette à raviver une querelle ancienne, réveiller un vieux démon, amplifier une rumeur nocive et même parfois pousser la démence jusqu’à l’extrême : ternir par le mensonge ce qui, en temps normal, mérite plutôt d’être applaudi.
Récemment, les forces armées qui ont eu le courage et même la témérité d’aller chercher l’ennemi jusqu’à dans sa tanière pour lui asséner un coup fatal, ont été accusées "d’entreprendre une guerre par procuration".
Une semaine après, la mission du FMI, institution, dont pourtant les loupes grossissent les points à en cacher les "i", n’avait rien eu à dire quant à la gestion du pays, sauf que pour elle, l’amorce d’un décollage économique était là . Mais cette annonce plutôt rassurante, a été faite sans tenir compte des éternels pessimistes qui ont cette fâcheuse habitude d’enrober les bonnes nouvelles, au seuil des portes des institutions internationales comme sur les bouts de lèvres des badauds, d’une rumeur où se mêlent fourberies et mauvaise foi.
Ils sèment le doute dans les esprits simples et comblent la frustration de ceux dont les préjugés priment sur le réel. Ils ne s’accaparent, ni du respect de la sainteté, ni même de sentir son odeur. Bien avant les heureux événements cités plus haut, ne disaient-ils pas de ces routes, venues désengorger la circulation dans une capitale qui en avait tant besoin, "que les goudrons ne se mangent pas." Et quoi d’autre? Oui, l’argent public, qui se trouve désormais à sa place dans les caisses de l’Etat au lieu des poches des "Samsara", n’a-t-il pas "tout simplement disparu" à leurs yeux.
Ces groupuscules et leurs hommes de terrain, ceux qui applaudissent de jour, manquent-ils de pudeur ou cherchent-ils, plutôt, à détruire le peu qui en reste dans leur pays. Si, de la vie et du bonheur des autres, ils ne se soucient point, peuvent-ils au moins s’apitoyer sur le sort de ce qu’ils ont, avec eux, de commun? L’Etat, cette vache à lait que l’on a, jusqu’ici, trait beaucoup plus que nourri. Seraient-ils gênés de la voir, depuis quelques temps, engraisser, devenir plus belle et produire plus de lait sans pour autant laisser mourir son veau, le vrai, le légitime : un peuple mauritanien si longtemps sevré de cette tétée maternelle.
Hélas, c’est tout ça l’Etat! Et dans quel état! Plutôt piteux, celui d’une nation où l’on s’enrichit, tout bas, sans pudeur et que l’on décrie, tout haut, avec un discours plutôt pervers. Un Etat où la majorité travaille pour le développer et s’en nourrir alors qu’une autre partie, moins nombreuse, se croyant plus intelligente, travaille peu ou pas du tout, mange bien, beaucoup et même souvent trop.
Dans ces marécages où les roseaux pourtant si flexibles somnolent tout en restant rigides pour atteindre le peu de sèves que vont puiser leurs racines dans les profondeurs du sol pendant que des essaims d’abeilles voltigent dans un brouhaha flatteur autour de leur pollen, la nature semble devenir, ainsi, par moment, monotone.
Et pourtant, par l’un de ces miracles : un souffle de vent, un éclair, des gouttes d’eau tombées du ciel, et elle se déchaîne, rugit, se tord et se calme. Quelques instants plus tard, arborant ses mille couleurs, elle devient sereine, belle, même sage et surtout flamboyante de splendeur.
Les hommes, eux, miment souvent la nature. Il leur suffit de peu pour se déchaîner : une étincelle, juste une seule pour enflammer un flambeau tenu par la main de l’un des leurs, un seul, mais lequel?... ils le sentiront, celui d’entre eux, capable, en ces moments historiques et rares, d’être un grand homme.
Ahmed Baba Deida
Ancien ambassadeur
Conseiller spécial du DG de l’UNESCO