13-11-2011 17:41 - Coordination de l’Opposition Démocratique : Les faits sont têtus : sous Ould Abdel Aziz...
...la gabegie est trop flagrante pour être cachée.
Contrairement au discours officiel et à la propagande du Pouvoir, relayés notamment par les medias publics et selon lesquels le Gouvernement de Ould Abdel Aziz mène une politique de redressement national et d’éradication de la gabegie, un survol rapide de la situation des principaux secteurs économiques montre que c’est exactement l’inverse qui y prévaut. Pour illustrer notre propos, nous examinerons successivement les secteurs suivants :
- Les mines et le pétrole
- Les ressources halieutiques
- Les marchés publics
- Le budget de l’Etat
- Le domaine privé de l’Etat ( gazras et concessions rurales)
A. Les mines et le pétrole
1. L’or de Tasiast
Au départ, le projet était construit sur la base d’un potentiel exploitable de 10 millions d’onces, une production annuelle de 200.000 onces et un prix moyen de 400 USD l’once, mais avec les nouvelles découvertes et une conjoncture favorable, ces données ont radicalement changé, en passant respectivement à 21 millions d’onces, 1.500.000 onces et 1.600/1800 USD l’once. Il s’agit donc d’une situation tout à fait nouvelle avec des investissements de l’ordre de 1, 5 milliard USD, devant hisser la mine de Tasiast au rang des toutes premières mines d’or du monde.
Mais alors qu’une renégociation du contrat initial s’imposait de toute évidence pour augmenter la part de l’Etat Mauritanien qui était fixée de façon scandaleuse à 3% de la production, Ould Abdel Aziz s’est contenté d’un relèvement de 1 % seulement pour porter la redevance à 4%, au moment où d’autres pays comme la Guinée, par exemple, ont obtenu des résultats nettement meilleurs. Comment peut-on expliquer une telle attitude ?
2. Le cuivre d’Akjoujt
La production de la MCM est passée de 120.000 tonnes concentré à 25% au début des années 2000 à 200.000 tonnes en 2010/2011, soit une augmentation de 67%, pendant que le cours de la livre de cuivre est passé sur la même période de 0,75 USD à 3,55 USD, sans parler des cours de l’or et de l’argent qui sont extrait de ce métal. Alors que les principaux paramètres du projet ont donc, là aussi, fondamentalement changé à la hausse, Ould Abdel Aziz n’a pas jugé utile de renégocier le contrat léonin par lequel la MCM qui exploite la mine nous réserve une part de 3% de la production. Comment peut-on expliquer une telle attitude ?
3. Le phosphate de Bofal
Le potentiel de cette mine est estimé à 150 millions de tonnes et l’intérêt stratégique du produit n’est pas à démontrer puisque les engrais dont il constitue la base seront de plus en plus demandés dans les prochaines années, dans un monde où la population augmente rapidement et les terres cultivables se raréfient de plus en plus, une partie non négligeable étant affectée désormais à la production des biocarburants.
On se souvient que Ould Abdel Aziz avait retiré le permis d’exploitation de cette mine à un groupe privé mauritanien pour l’accorder à la SNIM, avant de finir par le lui retirer et l’attribuer dans la plus grande opacité à un groupe privé indien, sans appel d’offres et sans cahier de charges. Comment peut-on expliquer une telle attitude ?
4. Le quartz
Il s’agit d’un minerai important servant notamment dans la production de l’industrie du verre et dont l’exploitation a été accordée en catimini à u n privé étranger, sans aucune forme d’appel d’offres ou de cahier de charges. Comment peut-on expliquer une telle attitude ?
5. Le pétrole
L’opacité totale entoure aussi bien l’exploration offshore que celle onshore, mais le plus curieux a été la dernière loi votée à l’Assemblée Nationale par 20 députés seulement sur 95 et au terme de laquelle les contrats de partage de la production pétrolière sortiront désormais du domaine législatif pour être seulement du ressort de l’exécutif…Comment expliquer une telle attitude ?
B. Les ressources halieutiques
L’exemple de la convention que Ould Abdel Aziz vient de passer avec la société chinoise Poly Hondone Fishery est fort instructif, s’agissant de la gestion gabegique du Pouvoir. Examinons rapidement les points fondamentaux de cet accord :
1. Le Pouvoir présente la convention comme rentrant dans le cadre de l’exploitation des ressources pélagiques supposées être abondantes alors que dans l’énumération de la flotte mobilisée par la partie chinoise au terme de cette convention, on compte aussi des navires et embarcations destinés en fait à la pêche démersale, augmentant du coup la pression sur un potentiel déjà surexploité
2. La convention prévoit la création d’une usine de farine et huiles de poisson, or il existe déjà sept autorisations accordés à des groupes privés dans ce créneau, sans grande valeur ajoutée d’ailleurs
3. La convention parle d’usines de traitement, mais ne précise pas la nature de ce traitement. Toutefois, si l’on en juge par le nombre d’emplois créés (2.463) et de leur répartition (800 à terre et 1.663 en mer), on constate que le projet est principalement orienté vers l’exportation et que le ravitaillement des usines à terre risque de ne bénéficier que d’une faible part des captures. Aussi, la valeur ajoutée induite au niveau national, principal justificatif de la convention, constitue un véritable leurre.
4. Les entrepôts frigorifiques prévus par la convention sont inopportuns puisque les capacités déjà existantes ne sont utilisées qu’à hauteur de 30%
5. L’atelier de fabrication des pirogues ne se justifie pas, lui non plus, puisque d’un côté le Ministère des Pêches a gelé leur nombre aux 6.000 unités déjà immatriculées et de l’autre il existerait 15 PME locales en mesure de fabriquer des pirogues en polyester
6. La convention prévoit la création d’un centre de formation, or le pays dispose déjà d’une école (ENEMP) et cinq centres de formations regroupés au sein du CASAMPAC. Ne vaut-il pas mieux rentabiliser d’abord l’utilisation de ces unités de formation ?
7. La dérogation accordée à la société chinoise par rapport au système obligatoire de commercialisation via la SMCP est une porte ouverte à la non-transparence
8. Les avantages fiscaux accordés à la société sont énormes et totalement injustifiés (exonération de l’IMF pendant 25 ans, les transferts d’actions et les augmentations de capital se font hors frais ou taxes, réduction de 50% du taux de la TPS sur les transactions bancaires locales, exemption de la patente et de la contribution foncière sur les propriétés bâties etc..)
9. En plus de tout cela, l’investisseur chinois a le droit d’ouvrir un compte en devises pour y loger 70% de ses recettes d’exportation et les transférer librement…
En conclusion, on peut se demander légitimement pourquoi Ould Abdel Aziz a engagé notre pays dans cette convention aux faibles retombées, alors que de toute évidence, sa mise en œuvre contribuera de façon évidente à la surexploitation et au pillage de nos ressources halieutiques.
C. Le budget de l’Etat
Les violations suivantes sont systématiquement commises en matière de dépenses publiques :
1. Alors que, conformément à la Constitution, la loi des finances est approuvée chaque année par le Parlement, cette approbation reste de pure forme sous le règne de Ould Abdel Aziz puisque dans la pratique de tous les jours, la dépense publique s’effectue selon des instructions orales ou écrites du Ministre des Finances , reprises ensuite sous forme de décrets d’avance pour ne passer en régularisation devant le Parlement qu’à la dernière semaine du mois de décembre. Autrement dit, le pays fonctionne en réalité durant toute l’année avec des finances échappant à tout contrôle du législateur.
2. La loi de finances initiale est toujours présentée avec des dépenses communes de près de 30% du budget, mais qui finissent par représenter 40% dans la version de la loi rectificative
3. Des comptes d’affectation spéciale sont ouverts à tort et à travers en dehors de la procédure normale réservant ce type de compte pour loger des financements extérieurs de projet. Ainsi, Ould Abdel Aziz a créé en 2008 , juste après son coup d’Etat, un fonds de 16 milliards d’UM et en 2009 le fonds dit FAID de 20 milliards d’UM , alimenté à hauteur de 15 milliards d’UM par une taxe sur les communications téléphoniques et une taxe de 20 UM sur chaque litre d’hydrocarbures liquides.
En fait, il s’agit en quelque sorte pour Ould Abdel Aziz de « mettre de l’argent de côté » dans un compte prétendument d’affectation spéciale pour faciliter son utilisation et la rendre encore plus opaque
4. L’aval de l’Etat est donné à certaines opérations sans l’autorisation du législateur. Ainsi en est-il de la garantie donnée en faveur de la SNAT pour 5.682.091 Euros et de celle donnée en faveur de la SONIMEX pour un montant de 760 millions d’UM. A ce jour, ces deux opérations n’ont toujours pas été présentées devant le Parlement pour examen
5. L’engagement de dépenses publiques en dehors de quelque procédure budgétaire que ce soit et jamais régularisé, au moins pour la forme, dans une loi rectificative. Il en est ainsi du don saoudien de 50 millions de dollars dont le sort n’a jamais été élucidé.
Il ressort clairement de ces nombreux exemples que la Mauritanie de Ould Abdel Aziz fonctionne en réalité sans budget à proprement parler. Ainsi et selon son bon vouloir, des secteurs pour lesquels le budget officiel n’a pas prévu de dépenses reçoivent une couverture plus que suffisante alors que des secteurs bénéficiant d’inscriptions budgétaires explicites restent sevrés, le tout s’effectuant dans un chaos général qui finit au mieux par être régularisé en fin d’année par une prétendue loi rectificative, grâce à la majorité automatique dont dispose Ould Abdel Aziz au Parlement…
D. Les marchés de gré à gré
Comme on le sait, l’appel d’offres est la règle la plus transparente et la plus saine pour l’attribution des marchés publics. La formule du gré à gré est une exception prévue uniquement dans les cas d’extrême urgence ou de monopole du produit ou du service par un seul fournisseur.
Voici une liste de marchés publics accordés de gré à gré en contradiction flagrante avec le Code des Marchés Publics et sur lesquels pèsent de forts soupçons de corruption :
1. La construction de l’aéroport international de Nouakchott confiée, dans le cadre d’une convention tenue secrète, pour la contrevaleur de plusieurs centaines de millions de dollars à un groupement d’entreprises nationales, sans aucune référence technique dans le domaine de la construction des aéroports internationaux et qui va très probablement sous-traiter le marché à des entreprises étrangères
2. L’achat des trois avions de seconde main de Mauritanie Airlines
3. L’assainissement de sept moughataas de Nouakchott pour près de près de 200 millions de dollars
4. La route El Ghaira/Barkeol.
5. Le projet reboisement de la ceinture de Nouakchott reconnu comme fiasco total et dilapidation de l’argent public par Ould Abdel Aziz lui-même
6. L’unité de radiothérapie du Centre d’Oncologie de Nouakchott
7. Les équipements hospitaliers de l’hôpital de Kiffa
8. Les équipements hospitaliers de l’hôpital de Néma
9. Tous les marchés de voirie urbaine à Nouakchott ou ailleurs, attribués officiellement à ATTM en tant qu’entreprise publique soit disant prioritaire, mais qui une fois déclarée adjudicataire, les réattribue à son tour de gré à gré à l’entourage proche du Pouvoir…
10. Idem pour les marchés d’aménagement des gazras de Nouakchott, de certaines routes et adductions d’eau potable à l’intérieur du pays, officiellement attribués au Génie Militaire, mais en fait redistribués de gré à gré à l’entourage proche….
E. Le domaine privé de l’Etat
On peut constater aisément que sous le pouvoir de Ould Abdel Aziz , le domaine privé de l’Etat a constitué un levier important dans le dispositif clientéliste d’ensemble. Dans ce cadre, on peut constater :
1. La distribution à tour de bras de terrains d’une superficie atteignant parfois plusieurs millions de m2, pour un même bénéficiaire, sous forme de « concessions rurales », notamment dans la zone de Nouakchott, alors qu’il est clair que ces terrains ne sont nullement destinés à un quelconque usage rural, mais uniquement à la spéculation immobilière et à l’enrichissement personnel des bénéficiaires.
Ces prétendues concessions rurales sont ces immenses terrains bornés ou clôturés que l’on peut voir aisément sur l’avenue de la Moukkawama, la zone Soukouk, la ceinture verte de Nouakchott, jamais déclassifiée comme telle, la sortie de Nouakchott vers Nouadhibou, toute la zone comprise entre la Plage des Pêcheurs et le Port de l’Amitié, etc…
2. L’attribution des meilleurs terrains de la gazra, en particulier ceux qui sont situés sur les bords des avenues principales et au croisement des routes (les groun), à la même clientèle politique, en s’abritant derrière la grosse campagne politico-médiatique menée autour de l’aménagement de la zone des quartiers précaires pour couvrir cette énième forme de gabegie
3. Le bradage de certains terrains et immeubles en plein centre ville (blocs et fanfare militaire)