09-12-2012 19:58 - Nord Mali : Création d’un groupe islamiste armé «Signataires par le sang»
Responsable présumé de l’enlèvement et de la mort de plusieurs ressortissants français dans les pays du Sahel, l’algérien Mokhtar Belmokhtar annonce, dans une déclaration vidéo dont Libération a reçu une copie, sa rupture avec Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et la création d’un nouveau groupe islamiste armé dénommé les «Signataires par le sang».
La vidéo, si elle est authentifiée, constitue une première pour cet homme dont aucune image n’a jamais circulé jusqu’ici. Il y apparaît à visage découvert, une kalachnikov à la main et le drapeau noir des djihadistes au côté.
Sa base est installée dans la ville malienne de Gao, contrôlée par les islamistes du Mouvement pour le Djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), une dissidence d’Aqmi. [Cliquez sur la carte pour l'agrandir]
La vocation du nouveau groupe de Belmokhtar est, selon ses propres mots, d’aider à la consolidation du règne de la Charia dans le Nord Mali où les islamistes armés, après en avoir chassé l’armée malienne au printemps dernier, appliquent la loi islamique de manière très stricte.
Belmokhar met aussi en garde contre toute intervention étrangère dans la région et appelle les Musulmans du monde entier à venir renforcer les rangs des djihadistes dans le Nord du Mali. Il évoque aussi la «France mécréante» qu’il accuse d’être l’une des causes principales des problèmes actuels de son pays d’origine, l’Algérie, dont il qualifie les élites politiques, militaires, économiques et culturelles de «fils de la France».
Surnommé «l’insaisissable» pour n’avoir jamais été arrêté, Belmokhar est l’un des premiers djihadistes installé au Sahara malien, où il est parvenu à se créer de solides alliances tribales et familiales avec des groupes locaux pour sillonner à sa guise cette vaste «zone grise», très difficile à contrôler, aux confins du sud Algérien, du Tchad, du Mali du Niger et de Mauritanie.
Né en juin 1972 à Ghardaia, à 600 km au sud d’Alger, Belmokhtar est très jeune quand il commence à s’intéresser au djihad, notamment celui moudjahidines afghans, en lutte contre l’armée soviétique au début des années 1980. Il les rejoint en 1991, à peine âgé de 19 ans, et s’entraîne dans les camps afghans de ce qui allait plus tard devenir Al-Qaïda, rencontrant des hommes qui deviendraient des responsables du réseau. Touché à œil par un éclat d’obus, il y gagne l’un de ses nombreux surnoms: «Laouar» (le borgne).
De retour en Algérie en 1993, juste après l’annulation par le régime des élections remportées par le Front Islamique du Salut (FIS), il met à profit son expérience afghane pour devenir l’un des chefs militaires du Groupe islamiste armé (GIA), dans sa région natale. Lors de la scission survenue en 1998 au sein du GIA, il prend part à la fondation du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), qui deviendra en 2007 la branche maghrébine d’Al Qaida. C’est l’époque où il part s’installer dans le Sahara malien.
Pour financer ses activités, notamment l’achat d’armes, Belmokhtar se spécialise alors dans le rapt d’occidentaux, qu’il a l’habitude d’échanger contre d’importantes rançons. «Beaucoup de pays européens, dont la France, nous versent régulièrement des dizaines de millions d’euros pour laisser leurs ressortissants tranquilles», reconnaissait, voici quelques semaines, un de ses proches, Oumar Ould Hamaha, un chef djihadiste malien dont l’Algérien a épousé une nièce. Une thèse soutenue par des journaux algériens proches des services de renseignement, l’accuse aussi de s’adonner à la contrebande, notamment de cigarettes, d’où son autre surnom de «Mister Marlboro», ce que contestent toutefois ses proches.
Belmokhtar est présumé responsable de la mort, survenue le 24 décembre 2007 en Mauritanie, de quatre Français. Une opération qui entraînera l’annulation de l’édition 2008 du rallye Paris-Dakar, ainsi que l’enlèvement en janvier 2011 de deux jeunes Français à Niamey, au Niger, finalement tués lors d’un assaut lancé par les troupes spéciales françaises contre les ravisseurs qui tentaient alors de regagner leur bases dans le nord du Mali.
Par Lemine ould M. Salem correspondance
Libération