23-07-2013 08:17 - Interview du maire de Boghé, Adama Moussa
Le maire de Boghé, Adama Moussa Bâ a fait sa formation au Maroc puis plus tard en Allemagne ? Dans le royaume chérifien, il est sorti avec un diplôme d’ingénieur en machinisme agricole.
Depuis sa sortie en 1983, le jeune cadre a travaillé à Boghé au sein de la SONADER. En 2001, il est élu maire de Boghé à la suite d’élections historiques qui ont consacré la défaite du PRDS.
Auparavant, il avait tenté de se faire élire en 1996 comme député sous les couleurs de l’UFD et puis en 1999 sous les couleurs du même parti comme maire de la commune. Depuis son élection à la tête de la mairie de Boghé, il a réussi d’importantes réalisations.
Le Terroir : Au mois de décembre dernier, la commune de Boghé avec sa consœur de Demett au Sénégal ont organisé la 8ème édition du festival « Les Blues du Fleuve » dont le promoteur est l’artiste Baba Maal. Quel bilan tirez-vous de ce grand rendez-vous culturel international ?
Adama Moussa Bâ : merci beaucoup de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer dans les colonnes de votre journal pour donner mon point de vue et faire le bilan de cette manifestation culturelle.
Je remercie avant tout Baba Maal sur sa proposition d’organiser le festival Blues du Fleuve à Boghé et Demett en partenariat avec les deux municipalités riveraines du fleuve. Les dates convenues avec le Dandé Léniol n’ont pas été repoussées bien que nous ayons eues des craintes par rapport à l’ampleur du programme, au défi qui s’était imposé à nous.
Car nous avons voulu associer tout le monde à commencer par le ministère de tutelle. Nous avons compris dès le début que l’évènement demandait des moyens importants. C’est pourquoi, nous sommes allés faire de la mobilisation auprès des partenaires au développement, des ONG, des cadres ressortissants du département et de la diaspora en dehors des moyens de l’Etat.
Pour cette raison, nous avons sollicité l’autorisation et l’appui nécessaire auprès du ministère de la culture, de la jeunesse et des sports pour organiser ce festival. Le ministère avait fait des promesses et nous a accompagné certes, mais à mi parcours nous avons buté sur des blocages, il faut le dire clairement.
Heureusement que les partenaires au développement ont répondu entre temps favorablement à nos requêtes. Là je me limite côté commue Boghé qui me concerne. Mieux encore une autre vision avait été proposée par les cadres de la ville qui sont à Nouakchott en ramenant le patronage de l’évènement au niveau du chef de l’Etat dans l’espoir de voir l’Etat prendre en charge tout le financement du festival.
Nous avons suivi cette voie aussi en adressant une lettre de parrainage au président de la république que nous avons remise main à main à son directeur de cabinet au palais présidentiel. Une lettre accompagnée d’un projet de budget pour l’organisation du festival qui se chiffre à 63 millions environs.
A deux jours de l’ouverture officielle, le directeur de cabinet m’a remis une enveloppe de 2 millions d’ouguiyas pour la commune. Le ministère de la culture, de la jeunesse et des sports à ce jour, n’a pas mis à notre disposition une seule ouguiya. Cependant, nous avons fait un plaidoyer auprès des partenaires au développement et qui ont contribué.
L’UNICEF à hauteur de 12 millions dans le cadre d’un programme de la jeunesse qu’on a inséré dans l’agenda du festival car ils ne pouvaient pas financer directement les Blues du Fleuve sans passer par cette acrobatie). L’UNFPA plus de 9 millions, la GIZ 2 millions, l’OMS 1.000.000, le Projet Sida 300 000, la SNIM 600 000 UM, le Sa 500 000 Um et d’autres pour un total de 23 à 24 millions.
Il y’a eu les jeunes de la commune qui ont fait de la mobilisation N°000 du 02 juillet au 02 août 2013 – Edité pour des quêtes auprès des bonnes volontés qui ont contribué financièrement. Nous avons fait un bilan contenu dans un rapport narratif que nous avons adressé à nos bailleurs pour justifier de l’utilisation de ces fonds.
Cependant, nous tenons à saluer particulièrement les efforts du gouvernement Mauritanien qui a mobilisé plus de 400 hommes de lois pour assurer la sécurité des festivaliers.
« S’agissant maintenant de la manifestation proprement dite, ça a été un grand évènement, objectivement parlant.
Là permettez- moi de remercier tous ceux qui de prés ou de loin ont participé à la réussite de cet événement. Pour nous, il a été une grande réussite. Il a non seulement permis de revivifier le patrimoine culturel des peuples de la vallée du fleuve et de créer une intégration beaucoup plus profonde entre le Sénégal et la Mauritanie.
Toutes les cultures Mauritaniennes, Malienne, Guinéenne et Sénégalaises se sont exprimées et ont montré leur désir de vivre ensemble, dans la paix, l’harmonie et le respect mutuel. Le festival organisé concomitamment à Demett et à Boghé a montré que les frontières héritées de la colonisation sont une fiction aux yeux des populations riveraines.
Il a permis de raffermir les liens d’unité, d’amitié, de parenté et de solidarité entre tous les fils du terroir qu’ils soient maures ou négro-africain d’une part et les sénégalais et mauritaniens d’autre part. Il y’a seulement une vingtaine d’années, éclataient sur les rives du fleuve, les douloureux événements de 1989 entre le Sénégal et la Mauritanie.
Et partant de ce point de vue, on peut considérer que des pas géants ont été franchis dans le sens de la consolidation de l’unité nationale des Mauritaniens qui avait été mise à rude épreuve à cette période là , d’un côté et surtout le raffermissement des liens entre peuples sénégalais et mauritaniens de l’autre.
Pour cela, nous disons merci à Baba Maal, l’artiste qui nous a permis de parvenir à ces objectifs. Les fils de Boghé, toutes tendances politiques et ethniques confondues ont démontré à la face du monde qu’ils sont capables de transcender leurs clivages politiques pour œuvrer pour l’intérêt général et le développement local au grand malheur des détracteurs du festival qui ont tout fait pour faire échec à la tenue de l’évènement.
Les peules aspirent à vivre ensemble et faire de la libre circulation des biens et des personnes une réalité. Les blues du fleuve ont été marquants dans leurs aspects développement.
Les débats abordés par des intellectuels de renom comme le professeur Lô Gourmo, ou le professeur Alhousseynou Sy pour ne citer que ceux là autour des fléaux, des maladies qui menacent et hypothèquent l’avenir de notre jeunesse ou sur les voies et moyens de mettre en valeur le potentiel hydro agricole de la vallée du fleuve montrent que nous avons la possibilité de vaincre la pauvreté rurale et la faim en créant beaucoup d’emplois chez les jeunes qui chôment.
Malgré le déficit criant en infrastructures auquel reste confronté la ville de Boghé qui n’a jamais organisé un évènement d’une telle dimension régionale voire internationale, je peux affirmer sans oser de m’y tromper que nous avons relevé le défi et que cette manifestation a été une réussite nonobstant les manquements qui sont inhérents à la nature d’un tel évènement.
En termes de retombées palpables, nous avons réussi avec l’aide de nos partenaires de Dandé Léniol à immobiliser sur place un bac, ceci est une œuvre de mon collègue Maire de Demette. Et nous espérons très prochainement qu’il sera mis en service au grand bonheur des populations des deux rives. »
Le Terroir : On ne saurait terminer cet entretien sans aborder un point très important. Comme vous le savez, monsieur le maire ; les conseils municipaux de manière générale ont achevé leurs mandats électifs depuis deux années. Après dix ans passés à la tête de la commune de Boghé, quel bilan faites vous en termes de réalisations ?
Adama Moussa Bâ : Vous avez posé une question qui n’est pas facile à aborder. Mais, je pense que les populations sont mieux placées pour juger notre action. Nous avions hérités une mairie dépourvue de tout à notre arrivé en 2001, il est vrai.
Mais grâce à un travail pénible et long accompagné par l’appui des pouvoirs publics, les partenaires au développement, la société civile, les associations, de la diaspora à l’extérieur du pays, les cadres, les notables et fils du terroir de toutes les sensibilités politiques mais aussi du soutien sans faille de mon parti, l’UFP nous avons réussi à améliorer notablement les conditions de vie des populations locales qui avaient placé en nous leur confiance.
En fait dès le départ, nous nous sommes fixés comme objectif de mettre l’accent sur les services sociaux de base, l’éducation (tout ce qui est réhabilitation ou construction de salles de classes, de murs de clôture, d’équipement en tables bancs, de mobilisation des fournitures scolaires), l’accès à l’eau potable sur lequel, nous avons investi beaucoup de financements.
Sur ce plan là , nous avons pu réaliser avec l’appui de nos partenaires de l’Union Européenne, le Gret et l’Union des maires du Brakna dans le cadre d’un projet appelé PIR Brakna, de grandes infrastructures hydrauliques qui ont résolu le problème d’eau dans plusieurs localités (Waboundé, Roti, Dra El Khadra, Pk 16, Dioullom, Niakaka, Gourel Boubou, Roueîmdi Taleb Mohamed, M’Bone Dièri, Douboungué, Sayé, Lopel et Bakaw).
Il est vrai que ce projet important n’a pas marché dans certaines localités comme Bakaw, Lopel, Niakaka, Gourel Boubou pour des raisons de qualité d’eau. Avec le fonds Japonais non remboursable via le MAED, nous avions pu aussi réaliser une APE au profit de Ganki et de Daghvec. A Touwey Dièri, l’Association Mauritanienne pour le Développement Durable nous a aidés à faire un forage.
Avec, l’ONG Dare El Hadisse, la commune a réussi à diminuer la soif à Mabrouk Tabôit et Afniya. Sans compter les nombreux forages que nous avons Réhabilités)/ Grâce au plaidoyer que nous avons fait auprès du chef de l’Etat lors de son passage à Maghta Lahjar, la SNDE a raccordé son réseau au forage de la SONADER et puis elle a étendu son réseau d’adduction en eau potable à plusieurs quartiers de Boghé même si aujourd’hui une bonne partie de la ville ne trouve pas l’eau.
Le secteur de la santé n’a pas été négligé. Nous avons mis l’accent sur les secours d’urgence, l’équipement et la réhabilitation des structures sanitaires. A cet effet, nous avons équipé le centre de santé en ambulances.
Ou l’organisation périodique de campagnes de consultation médicales avec des spécialistes en faveur des populations. Des consultations qui touchent toutes les spécialités de la médecine. La santé maternelle et infantile a bénéficié aussi d’une attention particulière.
Le côté paramédical a reçu une attention particulière avec l’appareillage des toutes les personnes vivants avec le handicape physique. Plusieurs partenaires (la World Vision, l’UNICEF, l’UNFPA, le PNUD, le CARITAS, AMAD,) se sont mobilisés à nos côtés pour abréger les souffrances de la population de Boghé qui croit jour après jour avec ses besoins. La petite enfance et la femme se trouvent au cœur de nos priorités.
C’est dans ce cadre que plusieurs coopératives féminines ont reçu des motopompes, des moulins à grains, des décortiqueuses, des clôtures en grillage, des semences, et divers appuis en aménagement ou comme la prise en charge de la facture des maraîchers du canal.
La world vision s’est engagée sur une période trois années à soutenir les maraichers en prenant à sa charge le payement de la facture énergétique de la station de pompage. Une chose que nous saluons et profitons de cette occasion pour remercier l’ADP de Boghé. Un abattoir et une poissonnerie communale existent désormais grâce à la coopération Espagnole, OXFAM, IJEHI.
Les jeunes n’ont pas été oubliés.
En plus des infrastructures scolaires, sanitaires, hydrauliques et agricoles sur lesquels nous sommes intervenues et qui impactent directement sur leur vécu quotidien, nous avons doté les ASC d’une maison des associations, unique en son genre dans notre pays et qui est fréquenté à temps plein par les mouvements de jeunesse.
Toujours, notre plaidoyer auprès des pouvoirs publics associé au dynamisme des jeunes de Boghé a attiré un financement de 300 millions d’ouguiyas pour la construction d’un stade de football avec des gradins de 1000 places dont les travaux sont actuellement en cours. La mobilisation de bus pour aider au transport des élèves venant des localités environnantes.
Nous profitons de l’occasion pour lancer un appel aux bonnes volontés pour nous aider à remettre à neuf ces voitures ou à acquérir d’autres bus scolaires ils permettent de lutter contre la déperdition scolaire des filles.
Je rappelle que le plaidoyer de la commune auprès du président de la république a aussi permis la réhabilitation de la station de pompage du CPB à hauteur de 200 millions d’ouguiyas. La commune agit sur tous les fronts et en faveur de toute la population sans distinction de l’appartenance politique ou ethnique.
Avec l’appui du ministère de l’intérieur, nous avons crée un poste de secours d’urgence avancée pour la protection civile. Grosso modo, en une décennie de travail, nous avons redressé les comptes déficitaires de la commune. A ce jour, les recettes de la commune de Boghé sont devenues excédentaires.
Nous avons attiré en plus beaucoup de partenaires et des investissements pour le développement de la commune. Boghé est aujourd’hui devenue une ville en plein essor et c’est un acquis à préserver. Nous remercions au passage le gouvernement Mauritanien qui prête une attention particulière à nos préoccupations. Grâce à la subvention annuelle de 40 millions mise à la disposition de la commune, nous pouvons faire face à d’importants défis.
Nous remercions également les partenaires au développement (l’UNICEF, l’UNFPA, le PNUD, l’Union Européenne, le CR2 d’Aleg, la coopération Espagnole, IEJI, AMAD, AREMAU, la commune de Bruguière, la direction générale des collectivités) qui ont tout mis en œuvre pour accompagner le développement de la commune.
En résumé, en une dizaine d’années, nous avons réussi d’énormes progrès. Nous étions à 7 forages en 2001. Aujourd’hui nous avons des problèmes pour les compter. Je dirai nous sommes à deux doigts de l’atteinte des OMD eau dans la commune de Boghé et nous avons beaucoup avancé s’agissant des OMD santé et éducation.
Le Terroir : Quelles sont les projets d’avenir de la commune auxquels peuvent s’attendre les populations de Boghé de la part de l’institution communale?
Adama moussa Bâ : A ce niveau, la mairie sur la base d’une évaluation de ses performances par deux équipes d’experts différents et indépendants, la comme de Baghé a été déclarée éligible au projet PNIDDLE ainsi qu’aux financements de la GIZ. Dans le cadre du premier projet, la commune de Boghé a bénéficié cette année de 130 millions d’ouguiyas pour la réalisation de quatre projets.
Un hôtel de ville, un marché, une école de cycle complet et une salle des fêtes de 500 places en faveur des jeunes à la maison des associations. Des projets qui seront réalisés en principe cette année. En plus, une gare routière est en cours de réalisation sur une superficie de 1000 m2 et elle sera achevée bientôt.
En 2014, s’il plait à Dieu, nous entreprendrons la réalisation du mur de clôture du cimetière de Boghé avec tous les ouvrages nécessaires ajoutés à d’autres projets structurants avec les financements de la banque mondiale, de l’Union européenne et de l’Etat Mauritanien.
Concernant le volet assainissement de la ville qui pose un grand problème à la mairie, nous avons initié des projets avec certains partenaires pour augmenter la capacité d’intervention de nos services sur le terrain et pérenniser ces actions en continuant mobiliser la communauté.
Quand il s’agit d’enlèvement d’ordures ménagères, il ne peut y avoir de réussite si la communauté ne s’approprie pas elle-même la gestion.
Nous avons acquit un chargeur et deux camions bennes, nous attendons un troisième et nous voulons rendre la gestion de ces ordures mécanique. Le dépôt final se trouve à 12 kilomètres de la ville. Le volume d’ordure à évacuer de la ville est énorme. On ne s’inquiète pas, on a fait beaucoup de réalisations, nous ne sommes pas les meilleurs mais nous sommes cités parmi les meilleurs.
Le Terroir : Votre dernier mot à l’endroit des populations ?
Adama Moussa Bâ : Continuer les actions, ce n’est pas chercher à rester maire, non ! C’est amener les gens à prendre conscience du défis qui les interpelle et à compter sur eux-mêmes d’abord et savoir qu’ils ne peuvent pas tout le temps compter sur l’action de l’Etat.
Il y’a deux projets importants en cours, le stade municipal et le projet d’hôpital. C’est de continuer à plaider pour la réalisation de ces projets vitaux pour la population. Il faut faire plus et travailler davantage pour améliorer les conditions de vie des populations dans cet environnement marqué par des conflits à nos frontières avec la situation qui règne au Mali voisin.
Propos recueillis par Nafisatou N’Diath (stagiaire)
Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité