28-08-2013 18:25 - L’association Sherpa s’attaque à l’accord de pêche Mauritanie-Chine - [Fac Similés]
Dans une déclaration intitulée: « Accord de pêche Mauritanie – Chine :
le cri d’alarme de la société civile auprès de l’UE et du gouvernement mauritanien » l’association française Sherpa a rendu public une déclaration dans laquelle elle s’en prend à la convention de pêche passée entre la Mauritanie et la société chinoise Polyhondone. Voici l’intégralité du texte:
L’exploitation des ressources halieutiques représente un enjeu stratégique pour l’économie mauritanienne : principal pourvoyeur de devises après les mines, le secteur de la pêche représente 10% du PIB du pays, entre 35% et 50% des exportations et près de 36% des emplois[1].
Soucieux de préserver le potentiel de ce secteur, le gouvernement mauritanien a adopté une « Stratégie de Gestion du Secteur des Pêches et de l’Aquaculture 2008-2012 » destinée à « assurer, dans le cadre d’une gestion durable des ressources halieutiques, l’optimisation des bénéfices socio-économiques tirés du secteur, en termes de recettes budgétaires, de revenus des opérateurs privés, d’emplois, de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté »[2].
Or, les termes de la convention sur la pêche conclue par la Mauritanie avec la société chinoise Poly-Hondone Pelagic FisherY Co, reliée à la société POLY TECHNOLOGIES INC soupçonnée de faits de vente illégale d’armes chinoises à l’étranger (Annexe 2), s’éloignent « sensiblement » de cette stratégie. Signé le 7 juin 2010, ce contrat prévoit que, moyennant un simple investissement de 100 millions USD en nature via la construction et l’exploitation d’une usine de transformation de poisson à Nouadhibou, la société chinoise bénéficie d’un droit de pêche sur une durée de 25 ans dans des conditions fiscales et commerciales extrêmement avantageuses (Annexe 1).
Alors même que les stocks de poissons mauritaniens sont gravement menacés, aucune restriction aux modalités de pêche n’est prévue par cette convention. Ce droit de pêche illimité se traduit par un pillage des ressources halieutiques par la société chinoise, aggravé par un contexte général de captures illégales et non déclarées (Annexe 3). Cette surexploitation des ressources halieutiques a pour conséquence des atteintes irréversibles à l’environnement et à l’écosystème, caractérisant de facto un véritable « préjudice écologique ».[3]
Aucune obligation en termes de développement économique et social n’est non plus envisagée si ce n’est la création de 2 463 emplois destinés prioritairement au personnel mauritanien qualifié. Un engagement bien négligeable au regard des importantes pertes d’emploi chez les pêcheurs traditionnels : environ 13 000 emplois sont déjà concernés à ce jour.
Les termes de la convention avec la société chinoise sont d’autant plus surprenants qu’ils s’éloignent largement de ceux du nouveau protocole d’accord de partenariat sur la pêche (APP) et actuellement en cours de négociation avec l’UE depuis le 27 juillet 2012. La seule comparaison coût-durée des accords est éloquente : 4 millions USD d’investissement de la société chinoise par an sur 25 ans, contre 70 millions € par an sur 2 ans pour l’APP avec l’UE. A qui cette différence de traitement profite-t-elle ?
De nombreux parlementaires et organisations de la société civile locale s’étaient vainement opposés à l’approbation par le Parlement mauritanien de cette convention qui a finalement été adoptée le 6 juin 2011 dans un climat très controversé[1]. Le contrat est d’autant plus disproportionné qu’aucun investissement n’a été réalisé par la société chinoise et que ses obligations en terme d’emploi n’ont pas été respectées.
Cette disproportion se traduit en termes juridiques par une illicéité de la convention qui devrait pour cette raison être dénoncée sur le fondement de l’absence d’objet, de cause, ou la violation de l’ordre public mauritanien. La dénonciation de cette convention et sa renégociation à l’initiative de la Mauritanie est donc impérative et indispensable afin de préserver les intérêts des mauritaniens.
Par ailleurs, en juin 2013, le nouvel accord avec l’UE a été rejeté par la Commission de pêche du Parlement européen, notamment en raison des coûts trop élevés pour l’Union européenne (UE) et les armateurs, et devrait être examiné, en séance plénière, par le Parlement, le 8 octobre 2013. Lors de leur réunion des 19 et 20 février derniers, l’UE avait aussi réitéré « la nécessité de recevoir (…) les informations demandées sur l’utilisation du reliquat » des fonds apportés « de 25 millions d’euros » et « de disposer de ces informations avant d’envisager le déclenchement du nouvel appui financier »[2]. Ce rappel fait par l’UE à la Mauritanie quant à la traçabilité de l’appui financier européen était prévisible au regard des risques élevés de corruption en Mauritanie mais demeure insuffisant[3].
L’UE, promoteur des « mesures destinées à garantir la prospérité et le caractère durable du secteur » de la pêche, devrait donc à la fois dénoncer les agissements de pêche illicite par des sociétés étrangères en accord avec la Mauritanie[4], et négocier prochainement le nouveau protocole d’accord de façon à favoriser une meilleure transparence de ses investissements dans ce pays et garantir l’intérêt des mauritaniens. A défaut l’accord avec l’UE ne sera guère plus crédible que celui conclu avec la Chine.
Nous appelons donc le gouvernement Mauritanien à dénoncer la convention de pêche conclue avec la société POLY-HONDONE PELAGIC FISHERY CO et nous demandons à l’Union européenne de prendre toutes les dispositions nécessaires pour empêcher que l’argent public européen ne soit utilisé à des fins contraires aux principes qui gouvernent son action en faveur des pays en développement.