11-12-2013 14:57 - D’un fils d’esclavagistes repentis, à un militant descendant d’esclaves

D’un fils d’esclavagistes repentis, à un militant descendant d’esclaves

En ma qualité peu glorifiante, mais non délibérée, de fils d’anciens esclavagistes, et au nom de tous les miens, j’adresse mes félicitations sincères à ce concitoyen, descendant d’esclaves, aujourd’hui militant des droits de l’Homme, pour l’honneur qui nous est fait à travers lui, par l’ONU.

Les lauréats du prestigieux Prix des Nations Unies pour la cause des droits de l’homme pour 2013 ont été révélés le 2 décembre par le Comité de sélection. Le Chef de l’ONG mauritanienne de lutte pour l’abolition de l’esclavage IRA (Initiative pour la résurgence abolitionniste) fait partie des personnalités à honorer au titre du prix en question.

Ce n’est pas la première fois que Monsieur Birame Dah Abeid se voit attribuer un prix en récompense à son combat contre ce qu’il considère une pratique de l’esclavage en Mauritanie. Il avait été honoré à l'échelle internationale par la ville allemande de Weimar, qui lui avait décerné en 2011 son prix des droits de l'homme.

Il n’est pas étonnant qu’un activiste, même controversé, dans le domaine de la défense des droits humains, soit attitré de la manière. Par contre, je trouve particulièrement surprenant, que ces faits donnent lieu à une grande stupéfaction, voire de l’indignation, parmi les compatriotes de l’intéressé.

Paradoxalement, la très officielle CNDH (commission nationale des droits de l’Homme) serait particulièrement agacée par cet événement. Si la CNDH est agacée, c’est qu’en haut lieu, on est, au moins, irrité.

Personnellement, je ne trouve pas de motivation objective qui justifierait une telle attitude, ni de la part des autorités du pays, ni de celle de l’opinion nationale. Mais le silence assourdissant du pouvoir, les commentaires parfois clairs, tantôt par allusions perfides qu’on constate ces derniers jours, dénotent d’un climat de malaise sinon de réprobation.

Je pense sincèrement, qu’on devait ensemble, fêter cet événement, pour la double-raison que ce qui fait honneur à un compatriote est source de fierté pour la communauté nationale, et que celle-ci a, comme lui, le devoir de défendre les droits humains.

En ma qualité peu glorifiante de fils d’anciens esclavagistes, et au nom de tous les miens, j’adresse mes félicitations sincères à ce concitoyen, descendant d’esclaves, aujourd’hui militant des droits de l’Homme, pour l’honneur qui nous est fait à travers lui par l’ONU.

Je le fais parce que je trouve que sa cause est juste, et que son combat est légitime. Par contre, je considère que son discours, parfois, atteint des extrêmes qui ne servent pas nécessairement la cause. J’aurai mieux apprécié, qu’il puisse être moins acerbes dans ses propos, et moins belliqueux dans les actions qu’il mène. Notre bataille, aujourd’hui, anciens esclaves et nouveaux asservis, est la même.

Tous, ensemble, et maintenant, nous devons nous donner les mains pour conjuguer nos efforts contre notre véritable ennemi commun qui est le sous-développement. Pour éviter les dérapages, les malentendus, les sous-entendus, et les arrière-pensées, nous veillerons à ce que nos efforts soient conjugués au présent positif et au futur constructif. Evitons le passé, ou nous trouverons du composé et de l’imparfait.

Continuer à nous dresser les uns contre les autres, c’est à la fois perdre son temps, gaspiller son énergie, et se tromper tout simplement d’adversaire. Combien de Mauritaniens (noirs ou basanés), d'africains, et d'américains sont-ils descendants d'esclaves ou fils d'esclavagistes ? Des centaines de millions, sans doute.

C'est une réalité historique indéniable. La traite négrière n’a jamais, pour autant, donné lieu, à des compensations ou des règlements de compte. Au mieux, les grands de ce monde, viennent à Gorée du Sénégal pour afficher une tristesse, ou exprimer des regrets. Pourtant, ce qui a irréfutablement eu lieu est odieux, inhumain, abominable. Mais on ne peut pas réinventer l’histoire, ni tourner sa roue en sens inverse.

De nos jours, et sur tous les continents, l’esclavage a pris de nouvelles formes. Il est devenu culturel, spirituel, économique, et même sexuel. Il est décrié par tous, et combattu autant que faire se peut. Il est une honte qui continue à faire rougir l’humanité au troisième millénaire. Il constitue une réelle et grave tare.

L’esclavage, ses résidus et ses séquelles, à l’instar d’autres réalités socio-culturelles héritées de traditions et pratiques séculaires, telles que le tribalisme, ne peuvent s’éradiquer que par la consolidation de l’Etat de droit. Si les structures de l’Etat arrivent à fonctionner comme il se doit, nous verrons que ces amères réalités changeront d’elles-mêmes.

Ce n’est pas avec des décrets que nous pouvons changer le tissu et la pratique sociale. Mais en créant des conditions économiques où chacun peut gagner sa vie dignement, où tous peuvent recouvrer leurs droits sans notables-courtiers, où une sécurité sociale fiable est assurée par l’Etat et non la tribu, nous pourrons alors fêter l’éradication de l’esclavage, la fin de l’esclavagisme, la mort du népotisme et l’euthanasie du tribalisme. C’est un combat de longue haleine qu’il va nous falloir mener.

Que ce soit Birame, c'est tant mieux. Nous avons tous été honorés à travers lui. Mais œuvrons avec Birame, et il a le devoir de mutualiser avec nous les efforts pour éliminer, sans complexes ou arrière-pensées, les tares du passé, et jeter les bases d'un avenir où chacun aura la place qui lui sied.

Dépassionnons, dans l'intérêt de tous, les débats autour des questions nationales, en particulier le passif humanitaire. N'oublions pas aussi de valoriser notre actif, que nous avons, malgré les vicissitudes de l'histoire, crédité avec de bonnes et belles choses, réalisées ensemble.

Au moment où le monde se transforme en grand orphelinat avec le départ du géant Mandela, capitalisons la sagesse de celui-ci pour décider, que si nous ne pouvons oublier, nous acceptons, quand même, de pardonner. Pour ce faire, nous avons le devoir historique de nous mettre, toutes composantes confondues, autour d’une table pour envisager notre avenir inévitablement indissociable.


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Source : Debellahi
Commentaires : 15
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Commentaires (15)

  • temporise (H) 12/12/2013 00:57 X

    vous:"La traite négrière n’a jamais, pour autant, donné lieu, à des compensations ou des règlements de compte". Remqrauez que l'entètement des esclavagiste a causé la guerre de secession, la discrimination positive était une sorte de compensation pour les noirs americains. Pourquoi ne ferions nous pas mieux que l'Amérique dans ce sens ? Nous meilleur Ummqh par ses actions.

  • mahity (F) 11/12/2013 20:50 X

    Franchement Merci pour c'est mots bien agencés. je suis contente de savoir qu' il ya en RIM des mentalités comme sa. qui restent sans complexe après tout. bravo debellahi et nous vous soutenons dans toutes vos entreprises qui irons de ce sens. vivre la Mauritanie

  • DEBELLAHI (H) 11/12/2013 20:45 X

    Je remercie tous ceux qui ont consacré une partie de leur temps précieux à la lecture, et la consignation de leurs valeureux commentaires au sujet du contenu de ce modeste billet. Son contenu reflète de façon sincère, et tout à fait fidèle, ce que je pense. Pour exprimer mes modestes idées, je n'ai pas l'habitude de me cacher derrière des mots, ou derrière une combinaison alphabétique ou alphanumérique. Je n'écris pas pour être lu. Non plus pour être certifié conforme par quelque détenteur de monopole de vérité.

    J'écris pour partager ce que je pense, pour ceux qui ne se sentent pas autosuffisants. Moi, j'ai besoin des idées de tous. Je crois fermement que tout se discute, se solutionne. Les invectives, et les arrière-pensées ne font guère avancer. Les pensées, par contre, le respect de l'autre, sont salutaires; Hanefi avait demandé aux cris démiens de parler des idées, et non des personnes qui n'en valent pas la peine. Aussi, celui qui s'abrite derrière une vitrerie, ne gagnerait pas en s'amusant à jeter une pierre vers un passant anonyme.

  • mohamed hanefi (H) 11/12/2013 19:14 X

    Merci Debellahi. "New Paradigm", je pense que votre jugement à l'égard de Debellahi est plutôt injuste. Sinon injustement passionné.

    Nous n'avancerons jamais, en restant toujours là à chercher la petite bête pour détruire en une seconde ce qui a été construit pendant des années. Les hommes comme Debellahi, ont au minimum le mérite d'avoir le courage de dire, ce que personne ne veut reconnaitre. Les blâmer serait de la pure violence verbale qui n'avancera, ni ne reculera rien du tout.

    Encore une fois, cher ami Debellahi, merci pour ton courage et ta franchise.

  • NEW PARADIGM (H) 11/12/2013 17:28 X

    Je cite d’après toi : « à son combat contre ce qu’il considère une pratique de l’esclavage en Mauritanie ». Il y’a du cynisme dans ton expression et peu de conviction dans ton argumentation... Il ne s’agit pas simplement de lancer de bons et agréables mots et/ou phrases, mais plutôt de supporter un principe fondamental à savoir le droit de liberté. Et pour cela tu dois choisir ton camp ; Si tu es anti-esclavagiste, alors tu es du camp de Biran, donc soutient le sans réserve. Ou alors tu es esclavagiste donc on peu comprendre le fond de ton message... Ah oui ton message est très ambigu, contradictoire, et peu sincère.

    Ironiquement tu dissimiles ta position et ton adhésion complète au combat de Biran. Dans tous les cas Biran et tous les Mauritaniens ont un long chemin avant l’éradication de ce fléau. Mais nous n’avons guère besoin d’individus comme toi lequel semble attiser de part et d’autre les forces antagonistes.

    En attendant disons BRAVO et bon courage a Biran et a tous ceux qui ont décidé de se hisser contre l’injustice en Mauritanie…..

  • yawonni (H) 11/12/2013 17:11 X

    Bachry se presenta devant le cadi pour lui faire part de ses aventures:

    - ``pourquoi ta bouche saigne tant ? demanda le cadi.
    - ``je me bagarrais avec quelqu'un qui me traitait d'esclave !´´repondit Bachry.
    - ``Une bouche qui saigne dira toujours de mauvaises choses ! repondit le Cadi.
    -``Tu le répètes encore et je te ferai saigner la bouche,tordu !!s'enflamma Bachry !
    Voila comment Biram combat et voila... le résultat.

    Châpeau et révérence !

  • ppdadiallo (H) 11/12/2013 17:06 X

    Cet article et celui de Ould Oumeir sur la liberté d’expression méritent d’être largement diffusés, surtout chez les jeunes. On en a besoin pour construire une Mauritanie juste, libre et prospère...

  • Hamdoulah (H) 11/12/2013 17:02 X

    Mandela allait être fier de toi ! Cependant il ne faut pas s'arrêter en aussi bon chemin, il faut avoir le courage de porter la contradiction même là où tu peux perdre contre les tiens.

  • mdmdlemine (H) 11/12/2013 16:48 X

    Une gigantesque réflexion pour l'unité de la Mauritanie qu'il faut encourager et entretenir. même s'il existe par endroit, l'esclavage est désormais impossible sinon s'opère dans le sens inverse. Je m'explique.

    Un haratani ou un ancien esclavage vit à la sueur de son front, gaiement, avec fierté et avec pudeur et dignité. Il n'a rien à se reprocher. Les femmes haratani et les enfants produisent.

    C'est totalement le contraire chez les maures. Les hommes ne produisent pas et vivent à cause du teuib tieub. Les femmes sont impruductives et constituent meme des lourdes charges pour leurs époux.

    Cette équation montre que la communauté maure court vers sa fin, car rôdée en une société improductive, circonstantiellement favorisée par un régime qui offre plus d'opportunités à ses constituantes qu'aux autres communautés.

    Le jour où la justice sociale sera de fait, le tissu social sera sens dessus dessous. Les haratins déjà producteurs n'auront à se reprocher alors que les beidanes paresseux par nature trainant des femmes acculturées à l'oisivité seront contraints pour des raisons de survie de faire le domestique, d'enrouler le couscous, de cerhche le bois de laver les habits comme des blanchisseurs et de monter les charettes pour vendre l'eau. Le fossé sera très grand entre les deux communautés parce que les haratins ont mis à profit leur exclusion pour travailler produire de leurs bras alors que les maures ont été obnibulés par leur confort pour ne rien produire.

    A propos de la CNDH, je crois que le grand intellectuel qu'est Debellahi doit savoir que c'est une commission qui ne peut faire son travail sans moyens; ce qui la dispense comme d'autres portefeuilles publics sans ressources de la responsabilité de la situation.

    Il faut appeler un chat par son nom. Autrement dit, c'est la politique des droits de l'homme voulue par le pouvoir qui sera mise en œuvre par n'importe que président (e) de la CNDH. Celui qui ne respectera pas ces consignes sera viré immédiatement. Je me rappelle le cas de Cheikh Saad Bouh Kamara quand il a été nommé à la CENI lors des élections et qui a été limogé parce que ses convictions réformistes se sont averées par la suite inaliénables pour le pouvoir.

    Il faut donc plutôt chargé l'executif de la situation qui prévaut dés lors où tous les maux qui sévissent dans le pays, dans l'éducation, la santé, les infrastructures ne sont que l'image de ce qu'en veut le pouvoir. ignorer cette vérité c'est pecher en eaux troubles.

    Le jour où Ould Abdel Aziz et le PM voudront que les choses changent réellement, en jurant de juguler les forces opposées à la trajectoire de l'histoire, vous réaliserez à ce moment que partout dans les ministères et les départements, le sang de la réforme fait son petit chemin.

    C'est dans ce blocage que tout ce résume. C'est comme montrer à quelqu'un un tunnel qu'il ne mene finalement nulle part sinon au point de départ.

    respectueusement

  • caalido (H) 11/12/2013 16:26 X

    Vraiment un discours simple ,sincère. Je me demande pourquoi certains gens veulent que perpétue l'esclavage ,l'exclusion et l'oppression dans notre chère patrie ? Pourquoi ne voient ils pas le bonheur dans cohabitation et de la tolérance dicté par notre sainte religion .

  • kolliyadio (H) 11/12/2013 16:18 X

    Article bien écrit et réfléchi, mais pour arriver a cela il faudrait plutôt des actions concrètes coordonnées et concertées. Nous ne pouvons plus agir en communautés différentes isolées les unes des autres, mais plutôt en mauritaniens que tout uni et que tout devrait unir y compris, demander la justice pour les victimes, l'égalité pour tous et un état protecteur pour tous ces fils.

    commençons par refuser qu'on recense comme Kowri, bidhani, etc.. et parait-il qu'un autre terme est en train de naitre "zounoudj" invention locale des islamistes de Tawassoul en l'occurrence Jemil, mais j'ose espérer que ce n'est encore pour cataloguer.

    Merci mon frère continue

  • biye (H) 11/12/2013 16:10 X

    En tous cas, toi tu es notre Mandela national. Il faut avoir le courage de dire ces choses comme elles sont. Peut être que d'autres pensent comme toi, malheureusement la majorité refuse d'admettre la réalité. Sans quoi, ce problème est très simple à resoudre. Mais quand des intérêts sont en jeu l'on devient aveugle et trouve toutes les astuces pour rester dans le statu quo.

    Heureusement, la vérité finie toujours par triompher.

  • rororo (H) 11/12/2013 15:57 X

    ARTICLE TRES JUSTE,
    BROVO MONSIEUR DEBELLAHI

  • baliou.ablay (H) 11/12/2013 15:56 X

    partageons cette vérité "œuvrons avec Birame, et il a le devoir de mutualiser avec nous les efforts pour éliminer, sans complexes ou arrière-pensées, les tares du passé, et jeter les bases d'un avenir où chacun aura la place qui lui sied. "

    Une Mauritanie nouvelle est à ce prix

  • gongiyanké (H) 11/12/2013 15:05 X

    LA CONDITION SINE QUA NONE DE LA COEXISTENCE PACIFIQUE DANS NOTRE PAYS, C'EST LE JUGEMENT DE MAOUYA OULD SID'AHMED TAYA ET TOUT LES AUTRES GÉNOCIDAIRES QUI SONT DANS LES HAUTES SPHÈRES DE L’ÉTAT MAURITANIEN.