19-01-2014 10:39 - La laïcité dans le débat

La laïcité dans le débat

Comment la question de la laïcité est devenue centrale dans le débat national ? Déjà que nous pouvons suspecter qu’elle le soit en France où cette notion est née. Pour résumer et simplifier, il faut rappeler que l’Eglise a longtemps dominé la vie publique, toute la vie publique.

L’Etat moderne a dû s’émanciper de cette mainmise pour asseoir la citoyenneté et l’égalité. Même si les fondements sont restés ceux du christianisme (catholicisme particulièrement), la religion ne pouvait plus servir à distinguer les citoyens.

On peut reprocher à la France d’aujourd’hui d’être incapable d’assumer cette ambition d’Etat égalitaire, mais il y a quand même un débat constant autour de la question et un rappel des objectifs de départ qui visaient la garantie des droits de chacun.

La laïcité est un débat français, purement français. En Allemagne ou en Angleterre, la question ne se pose pas. Nous faisons partie de cette aire culturelle où la problématique n’a pas de raison d’être discutée. L’absence d’un ordre clérical chez nous y est pour quelque chose.

Mais aussi la compréhension et la pratique font que la ligne de partage entre le religieux et le reste n’existe pas. Tout découle de notre profession de foi qui nous fournit en même temps cette conscience de la liberté de choix et de la responsabilité de soi.

Que l’on tourne la tête dans tous les sens, que l’on scrute les différentes phases de l’histoire de la pensée islamique, nulle trace d’un débat sur la question de la laïcité si l’on excepte quelques penseurs qui ont fait un «transfert» de la problématique pour en faire un thème central. Ce qui explique d’ailleurs la traduction que nous avons trouvé du mot «laïcité» : ‘ilamaaniya.

Si l’on avait à revenir à la racine de ce mot, on trouverait ‘ilm qui désigne ici science. Les obscurantistes de l’époque moderne ont voulu opposer Modernité à Islam et ils ont trouvé la formule qui laisserait entendre une sorte de «scientisme» qui serait à l’opposé du «religieux».

Une bonne manière de refuser à la pensée islamique moderne de s’approprier les avancées techniques, scientifiques et politiques (démocratie) de l’Humanité. On oubliait du coup que l’apport de l’âge d’or musulman (Khalifats Omeyade et Abbasside, notamment) est l’un des socles de cette civilisation moderne.Pour revenir à la situation mauritanienne, il faut remarquer que de temps en temps, le débat revient sur la scène publique. Dans les années 60 et 70, le mouvement des Kadihine a été accusé par ses concurrents et par les autorités d’être d’essence athée.

Ce n’est pas absolument faux, mais personne dans le mouvement n’a finalement affiché publiquement son a-religiosité. Plus tard, les Baathistes seront accusés d’adopter une démarche «socialiste laïque». Ce qui ne voulait rien dire dans un environnement comme le nôtre. D’ailleurs on a vu comment cela a fini : avec la profession de foi islamique au milieu du drapeau irakien et la revendication d’une profonde religiosité pour les militants.

Puis vint le tour des jeunes du Mouvement des démocrates indépendants (MDI, futur Conscience et Résistance) qui ont assumé un moment, l’espace de l’adolescence du mouvement. Ils sont pour la plupart aujourd’hui «rangés» et plus question pour eux d’exprimer publiquement cette attitude assimilée ou non à l’athéisme.

Quelques indépendants – souvent des jeunes mal formés intellectuellement – ont exprimé ici et là des attitudes antireligieuses. Ce fut toujours sans lendemain parce que cela découlait d’un mouvement d’humeur, d’une attitude rebelle plus que d’un cheminement intellectuel soutenu par une solide culture iconoclaste.

Remettre la laïcité au centre du débat en Mauritanie est une perte de temps. Le débat est ailleurs. Il est au niveau de la refondation de l’Etat citoyen garantissant l’égalité, la justice, la liberté à tous, la libération de tous les jougs, l’épanouissement, l’émancipation de tous les génies… Le débat, le vrai, est celui qui dénonce le sectarisme, la mainmise de la tribu, de l’ethnie, l’ordre de l’arbitraire, l’esclavage, l’exclusion…, et qui cherche à asseoir définitivement une société égalitaire et juste.

Le débat qui s’impose doit être autour de la liberté d’expression. Comment équilibrer entre ce droit à tout dire, y compris des bêtises, et la nécessité de respecter l’autre ? comment laisser ceux qui ont envie (ou besoin) de dire des bêtises, de les dire et actionner a posteriori les lois qui sont là pour fixer les règles équitables pour la société ? comment ne pas revendiquer une demande de contrôle ou de limitation préalable, mais d’exiger de rendre compte après ? comment – et c’est un problème fondamental en Mauritanie – en finir avec l’impunité qui fait que tout un chacun peut dire et faire sans craindre de rendre un compte un jour ?

Publié par Mohamed Fall Oumeir




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Commentaires (10)

  • najoorebonde (F) 20/01/2014 04:41 X

    Le Mohamed Fall Oumar qui avait boudé notre site de prédilection cridem depuis plusieurs mois, pour cause de crime de lèse-majesté, revient maintenant en tentant d'"impressionner" son monde avec des contributions de plus en plus délicates et controversées. Alors pour lui et pour "Homme Noir", nous disons que ces questions abordées ne sont que du pipi de chat. La seule chose que nous retenons et émanant de la religion musulmane est la suivante: "LA IKRAAH FI-DIIN!" un point et c'est tout! Quant aux débats aliénants de savoir si les mamelles des arrière-grands-mères de Darel el Barka contiennent encore du lait, on n'en a rien à cirer.

  • Homme Noir (H) 19/01/2014 22:55 X

    Coolez nous la paix nous ne serons jamais laic

  • sijelmassa (H) 19/01/2014 16:25 X

    Salam, comme à l'accoutumé Oumeir caresse dans le sens du poil. Je pense personnellement que le débat n'est pas laïcité ou pas, le débat doit tourner autour des libertés de chacun sans heurter, bien sur,celles des autres. il y'a des Etat qui ne sont pas laïques comme les cite Oumeir, mais qui est correcte c'est plutôt de donner la chance aux citoyens de penser et de croire on oblige pas quelqu'un à croire en une religion, c'est une affaire privée entre lui et Dieu.

    il faut que l’état mette fin aux courants extrémistes de tout genre.

    Actuellement tout le monde sait que la Mauritanie est un pays où vivre n'est agréable, coté loisirs coté jeunesse, coté culturel, religieux, philosophique etc. ceci n'avance en rien le pays. Le pouvoir joue au caméléon pour avoir des votants mais n'a aucune vision pour l'avenir du pays. A nous donc de lutter pour notre destin et ne pas jouer au caméléon comme le font malheureusement la majorité de nos concitoyens

  • dykrim (H) 19/01/2014 14:21 X

    @Fr !
    Malheureusement ce qui se passe ici sur ce terrain vague appelé la RIM, que moi j’appele Islam aux bouts des lèvres, que Dieu nous en garde.

    Tu sembles être séduit en partie par mon ponsting, mais je voudrai aussi vous rappeler que j’accord beaucoup plus de crédit à un état qui se dit laïc, ou même animiste et respectant les principes de l’islam fut’ il par inattention, qu’un état qui crie haut et fort sur tous les toits du monde qu’il est une république islamique dont ces injustices sont flagrantes.

  • Fr (F) 19/01/2014 13:26 X

    ''Un État peut adopter une religion en lui donnant une valeur dominante dans sa législation et dans la vie de ses sujets, mais ne peut jamais dire, comme on fait en Mauritanie, que lui même en n’a une!! Et pour cause: l’État est une entité morale qui ne peut pas s’en acquitter des devoirs fondamentaux de notre sainte religion : LA PRIÈRE, LE ZAKATT, LE SAWM, EL HADJ''

    Marième, expliquez-moi: une valeur dominante par rapport à quoi?

    Et, sachez que la personne morale peur prier et empêcher de prier. Elle peut faire le pelerinage et empêcher de faire le pelerinage. Il est donc, possible et indispensable que l'Islam soit le réligion de l'Etat. Notre constitution est bien redigée mais pas suffisamment respectée comme l'a si bien noté dykrim

  • Fr (F) 19/01/2014 13:19 X

    dykrim
    Je crois que le terme ''se venter d'être dans une république islamique'' est inappropié car ça n'a aucun sens. Par rapport aux musulmans cela ne peut pas se faire et par rapport aux non musulmans c'est plutôt une tare. Mais je suis quand-même d'accord avec vous que dans une république islamique on ne doit pas ''choisir de vivre ouvertement et clandestinement dans l’injustice et dans la mécréance''.

    Mais quelle est la solution qui n'ont pas fait ce choix? Faut-il rejoindre les injustes et les mécréants? Je ne pense pas, pour ma part.

  • gongoba (H) 19/01/2014 13:17 X

    Bonjour Mohamed Fall Oumeir
    . je ne suis pas du tout d'accord avec toi pour ce passage, le problème en Mauritanie c'est de dire que tout les mauritaniens sont musulmans qu il le veulent ou pas. ou tout ce qui ne sont plus convaincu de cette religion le font pour une raison matérielle ou par ingérence si vous ne voyait pas des intellectuelles mauritaniens non musulmans c'est par peur de représailles familiale..., je suis d'accord pour n'est pas critiquer les religions mais qu ont critique pas aussi notre non croyance c'est sacré pour nous aussi
    Mauritanien Athé.

  • Mariem Mohamed (F) 19/01/2014 12:05 X

    Le défi le plus important pour la Mauritanie d'aujourd’hui est de circonscrire la VALEUR DE NOTRE CONSTITUTION, expression d’un consensus social et de droits civiques, par rapport à l’Islam en tant que religion! Les gens travestissent la vérité quand ils disent que l’Islam est la religion de l’État. Un État peut adopter une religion en lui donnant une valeur dominante dans sa législation et dans la vie de ses sujets, mais ne peut jamais dire, comme on fait en Mauritanie, que lui même en n’a une!! Et pour cause: l’État est une entité morale qui ne peut pas s’en acquitter des devoirs fondamentaux de notre sainte religion : LA PRIÈRE, LE ZAKATT, LE SAWM, EL HADJ … etc. Cette dichotomie aberrante se pose aujourd’hui avec persistance, puisque ce concept de religion de l'État, prétexte mais sans valeur, est dépassé, voire jamais existé vraiment!!

    Il est temps qu’on commence à se poser la question en Mauritanie.

  • dykrim (H) 19/01/2014 12:04 X

    A quoi de bon de se venter d’être dans une République Islamique, puis choisir de vivre ouvertement et clandestinement dans l’injustice et dans la mécréance ?

  • Fr (F) 19/01/2014 11:12 X

    Le début de ce texte m'a profondément impressionné par la genèse qu'il donne des tentatives de faire de la Mauritanie un pays sans religion, un pays libre au sens moderne, c'est à dire à la mode du terme. Mais à la fin, on dirait que l'auteur a doucement glissé pour défendre le but des laïques donc la laïcité.

    Comment voulez-vous, Monsieur Oumeir, garantir à l'athée le droit et la liberté de défendre l'inexistence de dieu dans une république non laïque, une république islamique ?