10-05-2014 10:36 - Communautarisme : Jeu à somme négative, pour notre peuple

Communautarisme : Jeu à somme négative, pour notre peuple

Gandega Sylli - Une question remue, ces temps-ci, la surface de notre scène nationale : à quelle date se tiendra la prochaine élection présidentielle ? Dieu seul le sait, tant ne cessent de s’emberlificoter les secrets d’un dialogue mille fois promis, mille fois tenu, mille fois perdu…

Son échec semble, cependant, des plus probables car ses acteurs croient trop bien savoir à quoi s’en tenir les uns des autres. Les jeux sont comme déjà faits, soumettant notre pays à cette sorte de malédiction de ne jamais savoir saisir les occasions dernières.

Cinq ans qu’on parle de dialogue et il se fait toujours attendre. Au fond, dialogue entre qui et qui ? Tant que le Président ne s’impliquera pas lui-même, il ne se passera rien. Il est le seul à pouvoir faire avancer les choses, selon la loi régalienne de gouvernance à laquelle il nous a soumis, depuis son élection : l’Etat, c’est moi ; une recette vieille de plusieurs siècles.

Ce qui ne veut pas dire qu’elle soit la meilleure… Mais consentira-t-il, notre prince, à dialoguer avec une opposition qui ne manque, elle, ni d’incohérences ni de luttes de leadership ? On peut vraiment en douter.

Surface des choses, disais-je en exergue. Car il convient de regarder dessous, pour percevoir, beaucoup plus grave, le mal qui ronge, lentement mais sûrement, notre pays : le communautarisme. Nous ne sommes, d’ailleurs, déjà plus un pays mais, plutôt, un entrechoc d’ethnies, races et communautés.

Avant quelles empoignades ? Parler de développement durable et de politique économique, dans un tel contexte, relève de l’insulte à l’intelligence de notre peuple. Qu’allons-nous développer et partager, si nous agissons de la sorte ? Seul un Etat souverain et impersonnel peut conduire une stratégie du court au très long terme et ce n’est certainement en se bornant à diviser les communautés en quêtes de parts de gâteau qu’on parviendra à cette juste gouvernance.

Il est temps d’arrêter tout ce cirque. Mais qu’on nous comprenne bien : nous ne demandons pas de gommer les communautés ni les ethnies. Bien au contraire ! Il s’agit de faire, de leur exaltation respective vers le meilleur d’elles-mêmes, le ciment et le fer de lance de notre pays.

Comment ? En construisant un Etat réellement démocratique et équitable, appliqué, comme le propose si bien Edgar Morin, à faire, de « la diversité, le trésor de l’unité » et vice versa. « Dès que vous oubliez l’unité humaine », précise l’émérite sociologue, « vous vous enfermez et c’est l’universalisme qui souffre […] dès que vous oubliez la diversité humaine, vous être dans une abstraction aveugle, source d’oppression (1) ».

Seul un Etat démocratique, juste et équitable, peut arrêter le communautarisme rampant qui se nourrit de l’autocratie. Tout comme celle-ci se nourrit de celui-là, avant d’en être, tôt ou tard, la victime et, avec elle, la Nation tout entière. Chaque citoyen, qu’il soit maure, pular, soninké, wolof, fils de case ou de tente, d’affranchi, de forgeron ou de griot, chacun doit pouvoir trouver son plein épanouissement. Mohamed, Amadou, Soulé ou Yacine, vivre ses droits et ses devoirs, bien ajustés.

Il s’agit de restaurer le règne des compétences, du travail et du mérite, mettre fin au monopole de certains tribus ou fractions – suivez mon regard – sur les passations de marché… Toute autre attitude n’est que fuite en avant – ou plutôt, en arrière – et nous rattrapera, tôt ou tard.

Répétons-le, encore et encore : cet Etat démocratique et équitable sera celui de la « Maison Mauritanie » et non celle des Maures, Soninkés, Pulars, Wolofs, Harratines, Forgerons, Griots ou de toute autre caste existant en ce pays. Indignons-nous, donc, tous ensemble, de l’attitude actuelle des autorités qui semblent tolérer – pour ne pas dire encourager – pour de strictes raisons de politique politicienne à courte vue, ce communautarisme, danger mortel pour notre pays.

Elles feraient mieux d’avancer, résolument, vers un Etat de droit, démocratique et équitable, seule solution viable et durable. Dans cette quête d’équité, il faut oser ce que personne n’a osé faire : publier le décompte, non pas de notre nombre global – ça, nous le connaissons – mais du poids de chacune de nos ethnies.

Equité et démocratie – c’est-à-dire, pouvoir du peuple réel – reposent sur la connaissance de sa majorité et de ses minorités, une condition indispensable pour mettre tout cela en œuvre cohérente, avec conscience et intelligence. S’abstenir de cette clarification, c’est alimenter le cancer du communautarisme qui ne peut être traité qu’avec précision et objectivité, dans cette neutralité de l’Etat que nous revendiquons et qui se saurait s’accommoder – cela devait aller sans dire mais cela ira mieux en le disant – de coups d’Etat récurrents.

Cela implique qu’une alternance politique soit réellement rendue possible. Il ne sert à rien de décréter anticonstitutionnel le coup de force. Il faut lui substituer, dans les faits, un jeu démocratique juste et équitable, ouvert à tous, sans exclusive.

Gandega Sylli
Economiste et consultant indépendant
Lien : dewa.dianifaba@yahoo.fr




" Libre Expression" est une rubrique où nos lecteurs peuvent s'exprimer en toute liberté dans le respect de la CHARTE affichée.

Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Source : Gandega Sylli
Commentaires : 3
Lus : 1468

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (3)

  • zelimkhan2 (H) 10/05/2014 22:20 X

    Analyse pertinente mais qui soulève plus d'interrogations dont les plus parlantes sont:

    Dans le contexte actuel d'enrôlement comment équitablement recenser tout le monde?

    Compterons nous les haratines à part ou avec les maures ou negro mauritaniens? Idem pour les peulhs par rapport aux pulaar. Ceci est un artifice prévu par les autorités.

    Repartirons nous tous les postes je dis bien tous les postes au prorata des statistiques constatées.

    Enfin, les autorités ou l'administration actuelle ne serait ellle pas juge et partie et auquel cas comment accepter ses décisions?

    Votre analyse pose une vraie question de la représentativité pour rendre viable notre pays mais d'autres pistes doivent être explorées.

    Puisse Allah nous aider

  • mine-you (H) 10/05/2014 11:26 X

    C'est un bon article. Analyse juste.

  • And Bader (H) 10/05/2014 11:09 X

    Mr Gandega.
    votre popier est excellent mais comprenez que la culture dominante ds ce pays privilegie la mediocrite, le mensonge, le vol eriges en valeurs et ceux qui n'adherent pas a ces reperes sont exclus.