L'Authentique - Après la nébuleuse Al Qaêda au Maghreb Islamique (Aqmi) qui a longtemps terrorisé le Sahel, avec son lot macabre de faits terroristes en Mauritanie, une menace encore plus dangereuse pèse sur le Maghreb et la zone ouest-africaine du continent.

Le nouveau cauchemar s’appelle Etat Islamique ou Daech, une organisation militairement plus structurée et mieux armée qu’Aqmi et dont les menaces sur la Mauritanie deviennent de jour en jour réelles. Tous les rapports parlent d’une éventuelle exportation du Mal qui ronge la Libye et la Tunisie, vers les pays proches du Sahel, notamment la Mauritanie.  

Rapports confidentiels ou publics, séminaires internationaux, déploiements de forces africaines d’intervention…Tout un arsenal de mesures intellectuelles, d’actions armées et sécuritaires, est aujourd’hui déclenché pour faire face à l’expansion du terrorisme sous sa forme la plus organisée et la plus performante. En effet, l’Etat Islamique (EI) ou Daech qui a vaincu les armées irakiennes, syriennes, les coalitions internationales, est en train de progresser dans la corne ouest-africaine et dans le Maghreb.

La Mauritanie serait ainsi dans le collimateur, selon plusieurs analystes. Aussi, tout déplacement des forces nationales est perçu comme de mauvais signaux. C’est le cas des mouvements militaires observés dans les casernes de l’Est du pays et qui inquiètent les populations locales.

En effet, il est signalé dans les zones de l’Awkar et tout au long des frontières orientales des mouvements inhabituels de troupes qui sèment peu ou prou la trouille chez les riverains peu habitués à la présence de forces et de matériels de guerre aussi imposants.

D’autres observateurs n’excluent pas des tentatives d’infiltration d’éléments appartenant à Daech à l’intérieur du pays et n’écartent pas l’existence de complicités internes de la part de cercles de plus en plus importants de personnes qui ne verraient pas d’un mauvais œil l’implantation d’un Emirat islamique en Mauritanie.

La montée de l’intégrisme et des idées salafistes rétrogrades alimentés par des prêches incendiaires contre l’Occident ainsi que le radicalisme qui est en train de supplanter l’Islam modéré constituent autant de signes annonciateurs d’un terrain propice à la propagande des idées véhiculées par l’EI.

Mais l’Etat mauritanien conscient du danger qui le guette à l’extérieur de ses frontières semble plus préoccupé à combattre l’ennemi attendu du dehors que celui qui se terre à l’intérieur en attendant l’étincelle propice à son réveil.

Pour faire face au terrorisme qui semble être la préoccupation des autorités mauritaniennes, les moyens de l’armée ont été renforcés et la présence militaire au niveau des zones de pénétration bétonnée, à en croire les stratèges de l’armée. Aussi, la Mauritanie est-elle impliquée dans plusieurs opérations de paix en Afrique, et est souvent citée comme exemple dans la région en matière de lutte contre le terrorisme.

Le terreau de l’intégrisme

Plusieurs observateurs nationaux estiment que la Mauritanie constitue un terreau favorable à l’implantation terroriste, laquelle se nourrit des frustrations sociales, de l’inégalité, de l’injustice et du chômage. Invité d’honneur de l’Association du Traité de l’Atlantique, l’ancien président du CMJD, l’ex-colonel Ely Mohamed Vall soutenait récemment que « le recours aux actes terroristes pour des motifs politiques est une réponse aux pratiques des régimes dictatoriaux, à l’usurpation des droits des citoyens et au déni de liberté ».

Or, la Mauritanie serait profondément minée par une accumulation de frustration, d’injustices sociales, de discrimination, de partialité dans le traitement des citoyens, qui peut pousser les franges victimes d’exactions sociales à prendre les armes et à se faire enrôler dans les mouvements jihadistes.

Le recul de l’Islam sunnite modéré et tolérant des sociétés traditionnelles mauritaniennes face à l’intégrisme religieux constituent également, selon les analystes, un terreau sur lequel vivent les mouvements jihadistes comme Daech.

Dès lors, certains trouvent qu’il n’est pas exclu que la jeunesse désœuvrée de Mauritanie, à l’instar d’autres jeunes du monde, ne succombent aux sirènes de la violence religieuse. S’ajoutent à cette frange, tous les assoiffés du passé glorieux de l’Islam, prêcheurs de la Chari’a et qui accusent la Mauritanie de geler un pilier essentiel de la religion en refusant l’application des châtiments corporels.

Le monde bouge contre EI au Sahel

L’Etat Islamique fait peur, à preuve, ses succès au Proche-Orient où ses combattants remportent des victoires, écartelés entre l’Irak, la Syrie, les frontières turques et le Yémen, sous un déluge de feu de la coalition internationale.

En Afrique, l’embryon naissant que le mouvement est entrain de planter en Libye inquiète les spécialistes d’autant qu’il est de plus en plus question de sa probable expansion dans tout le Sahel par une jonction avec Boko Harm qui lui a signifié son allégeance, d’une partie des Katiba d’Aqmi et probablement des chebabs somaliens.

Un cocktail Molotov de menaces sécuritaires qui expliqueraient aujourd’hui la mise en place d’une force africaine de lutte contre le terrorisme. Cette décision vient d’être prise au Sommet des Chefs d’Etat réunis à Johannesburg et auquel la Mauritanie prend part.

D’ores et déjà, le nouvel homme fort du Nigéria, Mohamed Boukhary, a annoncé le versement de 100 Millions de dollars US à titre de contribution de son pays à cette force africaine d’intervention rapide. Les Américains ont promis quant à eux 30 Millions de dollars d’aide.

Dans le même ordre d’idées, les ministres de Défense du Groupe 5+5 de l’Euromed se sont réunis et ont décrété l’alarme générale pour une concertation d’urgence autour de la menace terroriste. Réunis à Tunis ces derniers jours, les ministres ont souligné les menaces terroristes réelles qui pèsent sur la rive ouest de la Méditerranée.

Ils ont décidé d’enclencher les mécanismes de coopération prévus à cet effet, en termes d’échanges d’informations sur les réseaux terroristes, échange d’expertise et d’expériences. Mais tous ces efforts dépendent en grande partie de la situation politique en Libye, d’où l’intérêt accordé aux efforts déployés par la communauté internationale pour réussir le dialogue entre les différentes parties libyennes.

Le foyer libyen

La Libye déconfite depuis la chute du régime Kadhafi est devenu le sanctuaire des Jihadistes du monde entier, comme la Syrie et l’Irak. L’Etat Islamique y a planté le décor d’une base d’expansion qui ambitionne d’engloutir les pays du Sahel et du Maghreb sous ses drapeaux noirs.

Ce serait un chef Yéménite selon certaines sources, Irakien selon d’autres, aidés par une armée de mercenaires jihadistes venus de plusieurs pays, qui assure la commande de l’EI dans le pays.

Il y a cependant ceux qui considèrent que l’intervention de l’Egypte dans le dossier libyen est devenue un impératif, saluant au passage les efforts déployés actuellement par l’Envoyé spécial des Nations Unies en Libye, Bernardino Leon. Mais l’avancée des forces de l’Etat Islamique à Syrte et dans plusieurs villes libyennes rend le retour à la paix compromis.

Aussi, beaucoup fustigent l’approche onusienne dans la résolution de la crise libyenne qui serait la copie conforme des démarches initiées en Syrie sans résultat. La crainte est grande de ce point de vue que la Libye ne devienne sous peu une forteresse du jihadisme mondial qui menacerait la Tunisie, l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et le Sahel.

Cela est d’autant plus plausible pour les adversaires de la solution onusienne que la Libye souffre de l’inexistence d’un Etat central et d’une armée républicaine, le pays étant livré entre deux parlements et deux gouvernements qui se disputent la légitimité pendant que les mouvements terroristes se multiplient comme des verres dans une pomme avariée.

Cheikh Aïdara