05-08-2015 13:51 - "Le fait de donner le nom d’Oum Tounsi au nouvel Aéroport de Nouakchott est une insulte et une provocation’’/Par le colonel (ER) Oumar Ould Beibacar
Le Calame - Le premier ministre aurait signé récemment un acte officiel qui donne au nouvel aéroport de Nouakchott le nom d’Oum Tounsi, pour immortaliser une bataille dans laquelle plusieurs dizaines de ressortissants mauritaniens du Groupement Nomade du Trarza ont été massacrés dans une embuscade tendu par un ghazzi de 120 pillards étrangers, pendant la pacification.
Comment peut-on honorer des étrangers qui se sont particulièrement distingués par le pillage et le massacre systématique de nos concitoyens ? Cette décision surprenante on ne peut plus arbitraire et inopportune doit être annulée sans délais.
Rappel historique.
Le Groupement Nomade du Trarza, dont le PC se trouvait à Boutilimit, est composé d’une centaine d’hommes, dont une petite dizaine de français comprenant 3 officiers, ainsi que d’une trentaine de tirailleurs négro-africains dont plusieurs mauritaniens et d’une cinquantaine de goumiers originaires des tribus guerrières du Trarza.
Il était appuyé par les postes de Nouakchott et d’Akjoujt, reconstitués en 1929, et par un mejbour relevant de l’autorité de Baba O. Cheikh Sidiye, avait pour mission de patrouiller sur l’axe Nouakchott-Akjoujt pour barrer la route du sud aux rezzous en marche vers le Sénégal.
Informées au début du mois d’août 1932 du mouvement d’un important rezzou, en direction de Nouakchott, les autorités coloniales avaient donné au GN la mission de l’intercepter sur cet axe, au niveau d’Oum Tounsi, point d’eau incontournable, au cœur de l’Emirat du Trarza.
Le jeudi 18 août, trahi par la négligence de leur mejbour d’éclairage qui, au lieu de reconnaître les abords du site et d’installer des guetteurs sur les hauteurs, s’était regroupé autour d’un thé, à proximité du puits, en attendant l’arrivée du gros du GN, ils se sont fait surprendre.
Le rezzou de 120 fusils, dont une centaine originaire de la tribu des Oulad Dleim et une vingtaine parmi leurs alliés Oulad Lab, Oulad Besbaa et d’autres tribus de l’Adrar, motivé essentiellement par une vendetta contre les guerriers du Trarza, avait repéré le GN et s’était embusqué aux alentours du point d’eau.
Bénéficiant de l’effet de surprise il a réussi à détruire plus de 50 % du GN, qui a perdu 39 hommes avec la mort de 6 français dont 1 officier et 5 sous-officiers, 21 gardes maures, 10 tirailleurs, 1 partisan et 1 interprète. Le commandant du GN a pu regagner son PC avec une soixantaine d’éléments dont 20 blessés, 1 tirailleur porté disparu et 9 gardes maures blessés.
Cependant ce rezzou n’est pas sorti indemne de cette bataille, il a perdu 27 hommes dont son chef et a pu se retirer dans son Rio de Oro natal avec 22 blessés.
Plusieurs mois avant Oum Tounsi, un Ghazzi des Oulad Dleim avait été détruit à Techle par un ghazzi des Lealeb redoutable tribu guerrière du Trarza chargée d’assurer la sécurité et la défense du flanc nord de l’Emirat, dans l’une des plus sanglantes batailles entre Béni Hassan. Les rescapés Oulad Dleim se sont repliés vers Smara ou ils vont organiser la riposte qui va aboutir à l’embuscade d’Oum Tounsi.
La preuve qu’il s’agit bien de vendetta est que ce ghazzi ? qui a quitté son Rio de Oro occupé par l’Espagne en juillet 1932, n’avait pas laissé derrière lui une région libérée. Charité bien ordonnée commence par soi-même.
Aussi dans son offensive, il a évité volontairement les villes de Port Etienne actuelle Nouadhibou, de Fort Gouraud actuelle Fdérik, de Fort Trinquet actuelle Bir Mogrein, d’Atar et d’Akjoujt où il y avaient des unités coloniales françaises bien connues, donc des objectifs militaires importants et à sa portée. Mais leur objectif n’était pas les colons français, leur objectif était bien de se venger contre leurs cousins terrouzi.
Par ailleurs le souvenir de cette bataille, fratricide entre guerriers musulmans Béni-Hassan ne doit pas constituer une fierté pour la Mauritanie indépendante, et ne doit pas glorifier les belligérants. D’ailleurs il serait plus judicieux de dissimuler autant que faire se peut ces batailles inutiles pour ne pas éveiller les démons de vendetta, toujours perceptibles chez certaines tribus Béni Hassan frustrées.
C’est sans doute pour cette raison que le père fondateur et ses compagnons ont préféré occulter cette partie peu glorieuse de notre histoire, pour se consacrer à la construction de la République.
Il ne faut pas oublier que les goumiers du Trarza qui forment l’ossature du contingent du groupe nomade de Boutilimit se sont engagés les premiers, dans les troupes françaises sur la base de la fatwa de leur chef spirituel convaincu par Coppolani, dans le but de pacifier la Mauritanie.
Tous les goumiers ou tirailleurs musulmans qui sont morts pendant la pacification sont de vrais martyrs. Les français ne constituaient que près de 10 % des effectifs des unités combattantes.
La pacification est surtout l’œuvre de nos vaillants soldats. C’est donc grâce à leur noble sacrifice que la paix s’est installée progressivement et que la République islamique a pu se construire. Nous devons leur être éternellement reconnaissants, au lieu de chercher coûte que coûte à discréditer leur sacrifice et ignorer leur histoire.
Compte tenu de ce qui précède, le nouvel aéroport de Nouakchott ne peut pas porter le nom d’Oum Tounsi. Cette décision du premier ministre est une insulte à la mémoire de nos vaillants gardes cercles et goumiers pacificateurs, une provocation pour les tribus guerrières de l’Emirat du Trarza instigateur de la pacification et un défi inacceptable à la Mauritanie indépendante, née de la Pacification.
Cependant si on veut donner un grand nom pour cet aéroport, on peut choisir celui du père de la nation : Moktar Ould Daddah son œuvre est sans doute plus exaltante que celle des pillards de Smara. Plusieurs aéroports internationaux portent les noms de ses compagnons, à savoir : Bouruiba , Mohamed V , Hassan II, Boumedienne, de Gaulle, Boigny, Senghor, , etc.
On peut aussi choisir le nom du Président Sidel Moktar NDiaye, métis aux qualités exceptionnelles, quatrième député représentant la Mauritanie à l’assemblée française, l’unique à avoir obtenu deux mandats successifs. Il est aussi le premier président de la première assemblée territoriale Mauritanienne.
Cet éminent élu dont on ne parle jamais, et qui a donné le qualificatif Islamique à notre République, lorsque pendant les débats houleux de l’assemblée constituante en novembre 1958 à Aleg, les députés beidanes proposaient le nom de République Arabe de Mauritanie, et les députés négro-mauritaniens, celui de République Africaine de Mauritanie. Son œuvre est incontestablement plus importante que celle de la bande de pillards sahraouis...