15-08-2015 09:12 - Un civil à Inal ? Par Mahamadou SY
ODH-Mauritanie - J’ai suivi sur le net le témoignage émouvant de Monsieur Abderrahmane Ould Ahmed, hartani, civil qui aurait vécu le même calvaire que moi à Inal. J’ai eu l’impression de relire "L’enfer d’Inal", mais d’un autre auteur. Je devrais être heureux de voir un mauritanien issu d’une autre communauté confirmer mes dires avec en sus des détails. Mais ma conscience me dicte une autre attitude.
Loin de moi l’idée de m’accaparer « Inal » qui, symboliquement parlant, appartient plus à ceux qui y sont couchés qu’à n’importe qui, pas plus que je ne cherche à en faire une victimisation exclusivement communautaire. Juste les faits. Sans plus.
Je ne suis pas le seul rescapé du camp d’Inal, nous en étions 96 en effet. Et près de la moitié est encore au pays. Mais pas un seul d’entre eux ne pourra confirmer la présence d’un hartani civil parmi nous. Nous nous connaissions tous pratiquement.
Si le 18 mars il totalisait 5 mois de détention, cela signifie qu’il aurait été arrêté en mi octobre, on n’oublie jamais la date de son arrestation. Comment expliquer alors que personne ne l’ai remarqué à Inal, à la base Wajaha de Noudhibou, à Jreïda et à N' Beyka où le gros du groupe fut libéré le 18 mars 1991 ?
Première incohérence : Partout dans le monde, même en Mauritanie (je devrais plutôt dire surtout en Mauritanie), la police a toujours évité de se mêler de ce qui se passe dans la grande muette. Il n’est peut être pas nécessaire de rappeler que ce qui se passait à Inal n’était géré que par l’armée.
Deuxième incohérence : Dans la région de Nouadhibou des policiers, des gardes, des douaniers, des gendarmes ont été arrêté torturés et enfermés, tous à Nouadhibou. Pas un seul d’entre eux n’a mis les pieds à Inal. Alors qu’on m’explique pourquoi un civil arrêté par la police à Nouadhibou serait envoyé à 255 km de la zone de compétence de cette dernière ?
Troisième incohérence : Nous savons tous que seule la communauté négro-mauritanienne était visée. Pour preuves un groupe de 25 soldats des premières victimes arrêté à Boghe et Alèg ont été envoyés à Inal, de ce groupe, seuls deux personnes ont survécu (Ahmed Salem et Youba DIA ). On a découvert à Inal qu’ils étaient tous deux des métisses hartani et peul. Le fait de n’être pas des négro-mauritaniens à 100/100 leur a sauvé la vie, tant mieux pour eux.
Par contre, ils sont allés grossir le rang des tortionnaires. Pourquoi alors un civil, hartani de surcroît ferait une exception ?
Quatrième incohérence : Pourquoi un homme qui dit ne craindre personne et être prêt à mourir pour défendre ses idées aurait-il attendu 25 ans pour sortir de l'ombre. Deux pèlerinages à Inal ont été effectués en 2011 et 2012, où était notre vaillant guerrier ?
Une précision, aucun prisonnier n’a été enterré dans la base, tous l’ont été autour du terrain de sport ou le long de la ligne de crête qui protège la base des vues à partir de la voie ferrée.
Je comprends qu’une âme sensible puisse être choquée par le vécu des rescapés au point de se reconnaitre dans leur douleur face à une telle barbarie, mais de là à tenir des conférences de presse en se faisant passer pour un rescapé …
Les faits sans plus disais-je plus haut, laisser passer un pareil mensonge serait rompre l’engagement que j’ai pris ce 24 novembre 1990 au matin à Inal quand j’ai croisé pour la dernière fois le regard du Lieutenant SALL Abdoulaye et que j’ai compris que c’était fini. Ce jour-là je me suis promis de faire savoir tout ce qui s’était passé à Inal, si je m’en sortais. Donc me taire serait participer à une falsification de l’histoire.
Je suis encore plus choqué par la légèreté avec laquelle certains se sont jetés sur cette histoire pensant tenir le bon bout parce que cette fois c’est quelqu’un d’autre qui la leur contait. Aucun civil maure, hartani ou pas n’a été torturé à Inal en 1990. Pas un seul.
© ODH-Mauritanie ODH-Mauritanie Vendredi 14 août 2015 00h15