05-10-2015 09:12 - Idrissa BA:"Je suis extrêmement choqué par les images publiées ces derniers jours montrant Oumar O/ Boubakar posant fièrement devant les tombes de nos martyrs de Oualata"

Idrissa BA:

Flam-Mauritanie - A l'occasion du 27ème anniversaire de la mort en détention de nos à martyrs à Oualata, flam-mauritanie.org reçoit Idrissa BA dit Pathé, membre et cofondateur des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM). Aujourd’hui exilé aux USA, Idrissa BA a activement participé à l’édition du «Manifeste du Négro mauritanien opprimé. De la guerre civile à la lutte de libération nationale» publié par les Flam en avril 1986.

Un document dans lequel les auteurs dénonçaient la politique de la discrimination raciale et culturelle (notamment par l’arabisation à outrance), la politique d'exclusion ethnique dont la Communauté noire mauritanienne fait l'objet depuis l'indépendance de la Mauritanie en 1960.

Arrêté en septembre 1986, dans le cadre de la campagne de répression et d’élimination physique de la classe politique noire mauritanienne, suite à la publication du manifeste, Idrissa BA fut incarcéré à la prison civile de Nouakchott avant d’être déporté à la prison mouroir de Oualata (comme tous ses camarades civils et militaires). A Oualata, il assista impuissant à la mort de Alassane Oumar BA, le 26 août 1988, de Ten Youssouf GUEYE, le 2 septembre 1988 (à Néma où il a été évacué dans un état comateux), de Abdoul Khoudouss BA, le 13 septembre 1988, et de Tafsirou DJIGO, le 28 septembre 1988.

Libéré le 13 décembre 1989, Idrissa BA prend le chemin de l’exil pour rejoindre ses frères de combats et sa famille toute entière déportée à Njumm au Sénégal en 1989.

Flam-mauritanie.org : Idrissa BA, voulez-vous vous présenter à nos lecteurs qui ne vous connaîtraient pas et, en quelques mots, pouvez-vous nous retracer votre parcours au sein des Flam?

Idrissa BA : Je suis originaire de Helbok dans le département de Bababé. Je suis autodidacte et j’ai fait des études coraniques. J’ai d’abord travaillé comme manœuvre aux Eaux et forêts et j’ai été ensuite embauché au Centre national des études et recherches vétérinaires (CNERV) à Nouakchott, comme aide laborantin.

Je fus membre du bureau syndical de l’élevage et des industries animales dans l’Union des travailleurs mauritaniens (UTM). Je fus également membre fondateur du MPAM créé le 21 octobre 1979 qui s’appelait à ses débuts «groupe de l’hôpital» à cause du lieu de son siège.

Les FLAM furent créées le 13 mars 1983 par la fusion de 4 mouvements politiques qui avaient le même idéal, la construction d’une Mauritanie multiculturelle débarrassée du racisme et de l’esclavage : l’Organisation pour la défense des intérêts des négros-africains de Mauritanie (ODINAM), le Mouvement des élèves et étudiants noirs (MEEN), l’Union démocratique mauritanienne (UDM) et le Mouvement populaire des africains de Mauritanie (MPAM).

Mais, il faut dire que cette idée de regroupement prit naissance à la suite du congrès de l’UTM tenu à Nouakchott, le 21 octobre 1981. Lors de ce congrès, la composante noire s’était sentie marginalisée et a compris qu’il fallait fédérer les forces pour lutter efficacement.

C’était les prémisses de la création des FLAM. Les premières réunions de contact entre les quatre (4) organisations eurent lieu à partir de février 1982. Elles finiront par aboutir en mars 1983.

Les FLAM sont nées de cette fusion le 13 mars 1983.

Dès sa création, je fus membre du comité des sages composé de 10 personnes. J’ai ensuite rejoint le Conseil national créé au premier congrès des FLAM tenu en exil en décembre 1991 (3e congrès ordinaire).

En avril 1986, les FLAM rédigèrent «Le Manifeste du Négro mauritanien opprimé. De la guerre civile à la lutte de libération nationale» », pouvez-vous nous parler des circonstances dans lesquelles ce document fut édité et distribué ?

Le manifeste fut écrit pendant une période très calme du mouvement alors que la situation des Noirs se dégradait de plus en plus. Il y avait nécessité de créer un électrochoc pour faire bouger les lignes.

Le manifeste rédigé en français et en arabe en nombre égal (35 ramettes de papier chacun) fut distribué à partir de juin 1986 à une très large échelle. Une commission avait été mise en place pour gérer la distribution du manifeste. Outre les chefs d’état étrangers présents à la conférence du Mouvement des pays non-alignés à Harare (Zimbabwe), il fut également distribué à l’intérieur du pays par voie postale et en mains propres. Tous les membres du gouvernement, tous les membres du CMSN, les gouverneurs de région, les autorités religieuses dont l’imam Bouddah O/ Bousseiri, vingt (20) personnalités arabo-berbères, dont le docteur Louleïd O/ Waddad (directeur de cabinet de Maouya à l’époque), Ahmed O/ Ahmed Salah (ancien ministre), Sileymane O/ Cheikh Sidia (ancien ministre), Hamdi O/ Mouknas (ancien ministre), Bamba O/ Yezid (ancien ministre), Memet O/ Ahmed (qui nous a confirmé en 1987 à la prison civile de Nouakchott avoir reçu et lu le manifeste), les hommes d’affaires O/ Mogueya, O/ Noueiguett, Abdallah O/ Abdallah, Moulaye O/ Abbas furent tous destinataires d’exemplaires en arabe et en français envoyés par voie postale.Vingt (20) personnalités politiques et religieuses et des notabilités dans la composante négro-africaine reçurent des copies, certains remis en mains propres.

Le manifeste était, dans l’esprit de ses promoteurs, une contribution à l’unité nationale. Il faisait une radioscopie de la situation des Noirs dans ce pays dont ils étaient les natifs et invitait à un sursaut national. Il exhortait le pouvoir à initier un dialogue entre les composantes du pays pour sauver le bateau Mauritanie qui allait à la dérive.

Le pouvoir mauritanien, au lieu de saisir cette occasion pour ouvrir un dialogue dans le but de trouver une solution à la cohabitation qui continuait à se détériorer, a préféré mettre en place un autre scénario : celui de falsifier le véritable manifeste pour justifier la répression qui s’en est suivie de 1986 à 1991 avec les tortures, les déportations, les exécutions civiles et militaires.

Mais ce qui est surtout étonnant, c’est comment ce pouvoir a pu faire accepter ce faux manifeste, qui appelait à la haine, à la destruction des Maures et à l’instauration d’un pouvoir purement noir en Mauritanie alors que le véritable manifeste avait été largement diffusé aux personnalités qui comptaient dans le pays. Ces derniers se sont tus et ont laissé Maouiya mettre en place cette vaste opération de répression et de liquidation sur la base d’un document falsifié alors qu’ils avaient reçu et lu l’original.

Comme la plupart de vos camarades, vous fûtes arrêté en septembre 1986 suite à la publication du manifeste, pouvez-vous nous décrire vos conditions de détention et les traitements que vous avez subis à l’école de police de Nouakchott notamment?

J’étais seul à la maison. Dès l’annonce des arrestations qui ont débuté le 4 septembre 1986, je suis entré en clandestinité. Des policiers sont venus chez moi et ils ont mis toutes mes affaires dans la rue. Ma nièce, âgée de 15 ans et qui était seule à la maison, est allée chercher des collègues de travail qui ont récupéré mes affaires pour les mettre en lieux sûrs dans le magasin du CNERV. Elle fut arrêtée ainsi que mes collègues Adama Hanne, chauffeur, Aliou Diop chef du personnel, Al Housseyni Dem aide laborantin, responsable du magasin d’approvisionnement. Ce dernier fut atrocement torturé. Il mourut d’ailleurs, quelques mois après, des suites de ces tortures. Suite à ces arrestations qui étaient en réalité des prises d’otage, je me présentais le 6 septembre au commissariat central de Nouakchott. Les personnes arrêtées furent libérés le lendemain.

Le Commissaire Salek, le préfet Sidina O/ Dah me récupérèrent dans une R16 (célèbres voitures de police qui quadrillaient la ville), me menottèrent et m’amenèrent vers ce qu’on appelait à l’époque le camp Mendes et ensuite à l’école de police. Pendant tout le trajet ils m’agonirent d’insultes: «vous n’avez rien fait pour l’Etat mauritanien, alors que celui-ci a tout fait pour vous,…». Je fus accueilli par O/ Deddahi, directeur de la sécurité d’Etat. Il me demanda où se trouvait la machine à écrire qui avait servi à taper le manifeste et où j’avais imprimé le document. Sous mes dénégations, ils me transportèrent la nuit du 6 au 7 septembre à la plage où, sous les tortures, j’avouais avoir imprimé le document sur mon lieu de travail, au CNERV, nuitamment.

A l’école de police, il y a eu des humiliations ; on était parqué dans des cellules remplies d’eau puisqu’il pleuvait, et on nous empêchait de dormir ; les insultes pleuvaient sur nos têtes. Je pense être le seul à avoir subi des tortures physiques. J’ai même subi le «jaguar» à l’école de police car les policiers voulaient coûte que coûte connaître les conditions dans lesquelles le document avait été tiré et où étaient les stencils qui avaient servi pour le tirage.

Les policiers ont fait une grande pression sur moi pour impliquer feu Ba Mbaré (ancien président du Sénat) également arrêté et que je ne connaissais pas du tout à l’époque. Nous étions tous au secret et ne pouvions communiquer entre nous. Nous ne nous sommes tous vus qu’au moment de signer les procès-verbaux d’audition.

J’ai été obligé de signer un procès-verbal écrit en français que les policiers ont refusé de traduire en arabe, puisque je ne lisais pas le français. D’ailleurs, au procès, mon avocat a contesté, sur ma demande, les allégations contenues dans ce document qui n’avait aucune valeur.

Après la prison civile de Nouakchott, ce fut la déportation à Oualata. Certains de vos camarades ont apporté de précieux témoignages sur vos conditions de détentions et les drames que vous avez connus là-bas, pouvez-vous nous décrire ce que fut pour vous l'enfer de Oualata ?

De l’Ecole de police, nous avons été transférés à la prison civile de Nouakchott, après une nuit (celle du 12 au 13 septembre) passée à la prison du Ksar appelée Beïla. Incarcérés à la prison civile de Nouakchott, nous avons été privés de matelas (envoyés pourtant par nos familles). Les autorités pénitentiaires nous ont obligés à dormir sur le sol nu de nos cellules sans couverture pendant 8 jours.

Notre séjour à la prison a duré jusqu’à la nuit du 13 décembre 1987, date de notre transfert à Oualata. Durant cette période, nos repas étaient pris en charge par nos familles, mais ceux-ci nous parvenaient dans un état peu ragoutant du fait de la fouille qu’ils subissaient de la part de nos geôliers. Les familles, malgré leurs difficultés, nous pourvoyaient en sucre, en thé, en produits d’hygiène (savon, pâte dentifrice…), en café et en cigarettes (pour les fumeurs). Je me souviens des cartouches de cigarettes de Ten apportées par son épouse Néné qu’on lui distribuait au compte goutte (cigarette par cigarette d’abord, et ensuite paquet par paquet).

Après l’arrêt prononcé par la cour d’appel, le gouverneur du district de Nouakchott de l’époque le colonel Ahmed Mahmoud O/ Deh durcit les conditions de détention. Nous recevions nos repas le lendemain, pas de vêtement de rechange, interdiction de prendre des douches, sevrage des fumeurs, plus rien ne nous venait des familles etc. Les conditions étaient tellement dures que nous avons écrit une lettre au chef de l’Etat pour protester contre cette situation.

Ensuite ce fut le transfert à Oualata. Nous avons été enchaînés les uns aux autres en file pour nous faire monter dans les camions chargés de nous y transporter. Nous avons fait une escale à J’reida pour récupérer d’autres détenus civils, dont mon cousin Ba Alassane Amadou, contrôleur du trésor et les détenus militaires. Je n’en connaissais que trois (3), les gendarmes Papa Gueye et Ba Alassane Oumar et le capitaine Kébé Abdoulaye Hachem. Dans le camion, nous étions en compagnie de prisonniers de droit commun récupérés à Nouakchott et Aleg, mais ces derniers n’étaient pas menottés comme nous. Sur le trajet, nous n’avons été ravitaillés qu’entre Aïoun et Néma et vers Timbédra par un morceau de pain et une boite de sardine.

Nous sommes arrivés à Oualata la nuit. Le lendemain on nous a distribué à chacun une couverture qui était notre seul bien avec les habits que nous portions. Tout ce qui nous était envoyé par nos familles était détourné par les gardes. L’épouse de Djigo Tafsirou, Marième Bah est venue jusqu‘à Oualata. Tout ce qu’elle avait amené pour son époux a été volé par nos geôliers.

A Oualata, nous étions en isolement sauf quand on nous a mis aux travaux forcés. Nous étions enchaînés 2 à 2 pour faire ces travaux, nous étions enchaînés 2 à 2 pour faire toutes nos actions ensembles, jusqu’aux toilettes.

Quelques-uns d’entre nous, pour soulager leurs chevilles qui saignaient, ont cassé leurs chaînes. La découverte de ce fait fut durement châtiée dans la nuit du 22 avril 1988. Vingt-deux (22) détenus subirent les plus atroces tortures de 21h jusqu’au lendemain à 14h.

Une chambre d’isolement fut ensuite ouverte pour punir ceux qu’ils appelaient les récalcitrants. Le temps s’est écoulé entrecoupé d’humiliations, de tortures, de malnutrition et de travaux forcés.

Notre premier mort, Bâ Alassane Oumar, le 26 août 1988 fut un choc, bien qu’on voyait qu’il déclinait de jours en jours. Il fut suivi de Ten Youssouf Gueye, le 2 septembre 1988. Ten mourut à Néma, mais il n’y avait aucun doute pour nous qu’il ne reviendrait pas. Il a été transporté par nos camarades dans la voiture qui le transférait à Néma. Bâ Mamadou Sidi qui faisait partie de ces derniers est revenu dans notre cellule en disant qu’il avait constaté qu’il avait le corps «froid». Son transfert, s’il avait pour but de le sauver, devait le conduire directement à l’hôpital et non dans une cellule de prison à Néma, où il mourut seul.

Le lieutenant Oumar O/ Boubakar arrivé à la prison de Oualata, après le décès de Bâ Alassane Oumar a relativement amélioré nos conditions de détention. Il a ouvert quelques fenêtres (toutes les fenêtres étaient condamnées), il a enlevé les fers aux pieds à certains, pas en une seule fois, mais les uns après les autres sur plusieurs jours. Chaque jour, il enlevait les chaînes à un détenu (on avait remarqué toujours après une conversation avec le commissaire Ly). Il n’a plus rationné l’eau à boire. Il a fait préparer 3 repas améliorés puisque nous étions nourris au riz blanc sans sel, sans condiments. Pour illustrer ce fait, le 27 août, il nous a fait servir un repas à base de macaroni. Ce repas fut le dernier de Ten qui ne s’en releva pas. Il nous dit par la suite que le docteur lui avait interdit les pâtes.

Mais le lieutenant Oumar O/ Boubakar était dans son rôle de tortionnaire : il alternait le chaud et le froid.

Comment comprendre autrement qu’Oumar O/ Boubakar étant le plus gradé et le responsable du camp n’ait jamais rappelé à l’ordre ses subordonnés, ni recadré ses derniers quand ils pratiquaient sur les détenus (seulement politiques) les humiliations les plus abjectes et les tortures les plus atroces.

Il faut savoir qu’Oumar ne restait jamais plus de 2 jours dans le camp. Il s’absentait régulièrement pendant des périodes de quelques jours (2, 5 jours, 1 semaine), pour permettre à ses subordonnés de se livrer à leurs jeux favoris sur nous. Il ne pouvait pas manquer de remarquer l’état dans lequel nous étions, quand il revenait dans le camp après ces absences calculées.

Il s’est passé un événement qui illustre le comportement de cet individu qu’on prétend humaniste : un garde haratine répondant au nom de Cheikh qui a refusé, un jour, de torturer l’adjudant Diop Abdoulaye qui avait été surpris en train de ramasser un grain de sel, fut arrêté et menotté en présence de tous les prisonniers et gardes, sur ordre du lieutenant Oumar Ould Boubacar. On le fit quitté immédiatement le camp.

Au moment du transfert à Aouïn dirigé par Oumar Ould Boubakar, treize (13) détenus dont DIACKO Abdoulkerim, Ibrahima Khassum BA, SY Hamady Racine, Ibrahima Abou SALL, Ousmane Abdoul SARR, Samba THIAM, Amadou Sadio SOW, Moussa Mamadou BA, Al Hadji DIA et moi-même avions encore des chaînes aux pieds. Et la plupart était dans une situation lamentable. Quelques jours encore de plus à Oualata, pourtant sous le commandement de Oumar O/ Boubakar, on aurait compté plus de 4 morts. Il ne faut pas oublier que Djigo Tafsirou et Bâ Abdoul Ghoudouss sont morts alors qu’il dirigeait la prison de Oualata.

Nous n’avons dû notre salut qu’à la mobilisation internationale suite à la campagne d’information intense qui a suivi la mort de nos camarades. Leur mort a sauvé la vie aux autres.

Ne dit-on pas qu’un homme qui se noie, s’agrippe à un sabre qu’on lui tend pour sauver sa vie, même si ce sabre doit lui ôter la vie après (proverbe pular).

Nous commémorons cette année le 27eme anniversaire de la mort en détention à Oualata, de Alassane oumar BA, de Ten Youssouf GUEYE, de Abdoul Khoudouss BA et de Tafsirou DJIGO, quels souvenirs gardez-vous de ces camarades disparus?

Je garde plusieurs souvenirs de chacun d’eux.

Le 26 septembre, Tafsirou Djigo, qui était très affaibli, eut un petit mieux. A ceux qui étaient autour de lui, il tint ce discours: «nous ne mourrons pas tous à Oualata, les survivants de ces horreurs devront continuer le combat, la Mauritanie est notre pays, n’oubliez jamais que vous êtes mauritaniens, vous êtes musulmans, futanke et FLAM ». Il le répéta 3 fois. Après ce discours, il ne parla plus, il était dans un état comateux. Oumar O/ Boubakar ne vint jamais le voir pendant cette période d’agonie jusqu’à sa mort.

Mon souvenir de Ba Abdoul Khoudous était sa dignité. Il partageait la cellule de Ly Moussa, du commissaire Ly Mamadou et du capitaine Diop Djibril qui ont été démenottés très tôt alors que lui a gardé ses fers aux pieds jusqu’à sa mort. Les gardes ravitaillaient de temps en temps ses compagnons de cellule avec les victuailles envoyées par nos familles et qu’ils confisquaient. Il n’a jamais voulu partager avec eux ce qu’il considérait comme du vol. C’est par lui qu’on a appris d’ailleurs le voyage de l’épouse de Tafsirou jusqu’à Oualata.

Ten Youssouf Gueye était d’un optimisme naïf. Un homme très agréable, un homme de culture. Il n’aimait pas qu’on lui dise qu’il avait maigri, qu’il vieillissait. Quand on lui disait ces mots, il s’énervait et répondait « ne me met pas le moral au talon ». Un souvenir que je garde de lui c’est son échange avec le sergent Amadou Sadio Sow, qui, une des rares fois où l’on nous servit un repas amélioré, l’a interpellé en ces termes «Ten, aujourd’hui notre riz est viandé »; Il a éclaté de rire en lui disant «que Dieu me sorte de cette prison pour écrire un livre dans lequel j’utiliserais ce beau français que tu viens d’inventer»

Votre dernier mot

Je suis extrêmement choqué par les images publiées ces derniers jours montrant Oumar O/ Boubakar posant fièrement devant les tombes de nos martyrs de Oualata. Alors qu’il agonisait, Djigo Tafsirou n’eut jamais droit à une visite du lieutenant Oumar, responsable du camp. Ce dernier ne jeta jamais un coup d’œil sur lui pendant cette période, jusqu’à son décès.

Bâ Abdoul Ghoudous est mort les fers aux pieds. Le 11 septembre, Oumar O/ Boubakar est parti à Néma alors que BÂ Abdoul Ghoudouss agonisait. A notre demande de lui enlever les fers qu’il avait aux pieds, les gardes nous rétorquaient qu’Oumar n’avait pas donné les instructions pour le faire. Après sa mort, avant de l’enterrer, Oumar Gueye utilisa des pierres pour casser le cadenas des fers car il était hors de question de l’enterrer avec ces derniers.

Comment cet homme peut aujourd’hui se permettre d’aller se recueillir sur les tombes de nos martyrs.

J’exhorte les militants à retourner aux fondamentaux. La Mauritanie ne pourra se développer harmonieusement que si tous ses fils : Arabo-berbères, Bambaras, Halpulaars, Haratines, Soninko, Wolofs, main dans la main, luttent ensemble pour éradiquer ces fléaux qui gangrènent notre pays : le racisme et l’esclavage.

Si l’Afrique du Sud a pu se débarrasser de l’apartheid, c’est parce qu’il y a eu une conjonction d’efforts entre les Blancs et les Noirs de ce pays.

Je vous remercie de m’avoir permis de m’exprimer.

Interview enregistré en pulaar et traduit par la rédaction de flam-mauritanie.org le 3 octobre 2015.



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Commentaires (8)

  • ngaari aalam (H) 05/10/2015 17:13 X

    Quand on n’agit pas, on ne fait que manger et dormir, on restera choque le reste de sa vie. Continuons à pleurer et la vie continue ! @emancipation, si ce n était pas ceux que tu appelles ‘’ feodalite halpularen’’, l IRA n aurait jamais eu naissance. Il ne faut pas avoir un esprit court. Ce n est pas que IRA est née aujourd hui qu’ on mette table rase sur tout …

  • Eclair (H) 05/10/2015 16:50 X

    « Un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de la haine, des préjugés et de l'étroitesse d'esprit ». Nelson MANDELA « Etre libre, ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres ». Nelson MANDELA. « L'honneur appartient à ceux qui jamais ne s'éloignent de la vérité, même dans l'obscurité et la difficulté, ceux qui essayent toujours et qui ne se laissent pas décourager par les insultes, l'humiliation ou même la défaite ». Nelson MANDELA. « Même quand j’étais enfant j’ai appris à vaincre mes adversaires sans les humilier » Nelson MANDELA. « Tout homme ou toute institution qui essaieront de me voler ma dignité perdront ». Nelson MANDELA.

  • a.bennan (H) 05/10/2015 14:47 X

    Tres bonne et amere experience pour la tribu toucouleure parmi les 291 autres.Tout ceci est du uniquement au manque de sagesse et leur racisme ambiant dont ils ne peuvent malheureusement jamais s'en separer.a bon entendeur,salut.

  • Geronimo Team (H) 05/10/2015 14:35 X

    Interview intéréssant mais avant tout faut rétablir certaines vérités.D'abord dire que les négros-mauritaniens étaient marginalisés de l'indépendance jusqu'à la création de votre mouvement est FAUX. Ensuite votre mouvement est né en 1983 , mais le processus a commencé en 1981.

    Donc sous l'ère Haidallah.Autant que je sache Haidallah était un islamiste très dur , pro- Sahara Ocidental vu ses origines. Mais unanimement les gens vous diront même ceux qui ne partageaient pas son idéologie polpotiste et qui l'ont renversé, aucun ne vous dira qu'il était raciste.

    Et qu'il menait une politique de marginalisation des Noirs mauritaniens. Et pour finir c'est sous le règne de Haidallah que votre mouvement a été créé et non autorisé , jamais reconnu.Son chef du renseignement était Diop Moustapha , Directeur de la Sureté et grand ami e Ely Ould Mohamed Vall ( On se souvient de sa belle et longue lettre le blanchissant y a 10 ans ).

    Faisant de lui un saint qui mérite sa fête sur le calendrier LOL. Mais l'imposture a leurré quelques occidentaux mais pas les mauritaniens. Bref, parenthèse close. Donc des Haalpulaars exclusivement ont créé un mouvement ethnique et ont voulu le pouvoir.Ils se sont entre déchirés; voulu à tous ceux qui n'ont pas adhéré à leur projet.

    Et quand le boomerang leur ait venu en pleine gueule, des INNOCENTS, de vrais INNOCENTS qui n'ont été ni de près , ni de loin ni membres, ni sympathisants ,et ignorants même l’existence des FLAMS. Par la bêtise humaine, des informations erronées , fausses, validées par le DGSN de l’époque en 1986, qui en principe a dû vérifier comme bon chef de la police et chef du renseignement l’authenticité et la véracité des accusations portées .

    Des innocents comme Tene Youssouph, Ba Abdoul Ghoudouss se sont retrouvés arrêtés et mélangés avec de vrais coupables. La suite on la connait , les conditions de détention, le traitement inhumain des prisonniers et les décès.La plupart des témoignages se recoupent sur ce point.

    Toutefois , les Flams haineux et racistes envers tout ce qui touche les maures « blancs » et indifférents à la pauvreté des maures « noirs » ou haratines se sont arrogés le droit de parler au nom de toute une communauté noire.Après leur échec, ils ont passé leur vie en exil à arnaquer ONG et Institutions pour des fonds destinés soit disant à la lutte mais investis dans l’immobilier au Sénégal, aux USA en Virginie ( pas de tabou , parlons en).

    A systématiquement vouloir donner vie à l’existence de leur mouvement en s’opposant au retour des déportés de 1989, pendant que dans leur exil doré , en occident.Leurs enfants faisaient de bonnes études, ils devenaient citoyens de ces pays etc

    Ils passaient leur temps à insulter tous ceux restés au pays , servant leur pays, aidant dans les conditions les plus difficiles leurs concitoyens. Affrontant au jour le jour les baathiites et nasséristes sur le terrain. On sait où se trouve le VRAI COURAGE. Ceux qu’ils ont traité de vendus, traitres, parce qu’ils refusent la division, la sécession utopique, ou le rattachement systématique du SUD au Sénégal ( seul point d’accord entre baathiites et Flamiistes : voir tous les négros mauritaniens devenir sénégalais mais divergence sur la limite de la frontière).Quelle insulte aux pères fondateurs de la Nation et à l’Histoire tout simplement. !!!

    Aujourdh’ui après moults événements dans l’histoire du pays , que reste t il des Flams ? Le mythomane qui n’a jamais fait de taule , sauf une nuit dans un commissariat parce que délégué de classe ayant voulu organiser une grève.Combien de noctambules ont vécu chose similaire, dormir au poste ? Le voilà retourné dans le froid scandinave à baver sur le net et manipuler par des mensonges des gens crédules sur sa personne, son mouvement etc

    La question est le Colonel Ould Beibacar est il au vu des nombreux articles contradictoires à son sujet un « saint « ou un « démon » ?

    De grâce Flamistes, d’hier, d’aujourdh’ui, ancien , canal historique, rénové , ayant subi la mutation FPC ou non.Respectez la mémoire des victimes et leurs familles .Arrêtez d’exploiter le malheur des autres pour donner légitimité à votre mouvement.Certains hommes et femmes épris de justice, n’ont jamais été de près ou de loin proche , sympathisant ou membre des Flams.Arrêtez de salir leur nom ou réputation, leur mémoire.Vous aviez promis de faire des révélations , de faire une révolution, que les gens n’attendaient que votre retour au pays.Vous avez promis un redéploiement …On a rien vu que des vociférations et même Samba Thiam ( qui maltraitait les enfants à l’école Khiyaar ).Oui aujourd’hui adultes, certes mais on se souvient.

    Samba Thiam allant jusque dans une interview y a quelques mois vouloir « blanchir » Ely…Pathétique et honteux …La Mauritanie nouvelle se fera sans vous et les baathiites , nasséristes et IRA sioniste de Birame l’apostat. L’imposture FLAM sera dévoilée au grand jour en 2016 inchallah toute la vérité sur tout sera rendra publique je vous plains baathiistes, naasséristes, flaamistes, sionistes d’ IRA etc, wait and See.

  • mdmdlemine (H) 05/10/2015 13:28 X

    Oumar Ould Beibacar est un géant qui n'a pas les pieds d'argile. Laisser le tranquille et chercher plutôt à identifier le vrai responsable de ces injustices et atrocités dont en plus de la liquidation la volonté d'enterrer les martyrs avec leurs chaînes. Ould Beibacar s'est solidarisé des négromauritaniens (des Flam) des haratines mais sans doute témoignera-t-il un jour en faveur de ces maures innocents qui par ironie de l'histoire sont diabolisés par certtains eczervelés, qui par amour fou du pouvoir, avaient emprisonnés et tués leurs frères de sang Par ailleurs ne reporchez pas à Ould Beibacar toutes les insuffisances de l'époque qui relevaient plutot de tout un régime politique exceptionnel prêt à liquider ceux qui ne se plient pas à ses ordres. S'il n'était pas dans l'uniforme et solidaire des détenus de Oualata, Oumar n'aurait jamais pu manifester cet humanisme et cette particularité que des ex détenus de Oualata lui reconnaissent publiquement dont Boye Alassane, Dibril Hamet, ...

  • Mohamedene (H) 05/10/2015 12:04 X

    Dur, dur ce témoignage qui pourtant n'enlève en rien l'engagement de Ould Beibacar qui répond bien aux idéaux que vous exprimez en parlant de Mandela. On dit qu'il n y a que les imbéciles qui ne changent pas. Et puis ce récit aussi est votre version de la vérité que les autres ne ne seraient forcés à tout gober. Enfin l'important est que les autorités mauritaniennes aient le courage d'ouvrir ce dossier et surtout que la vérité soit dite où elle devrait l'être en toute sérénité. Enfin en tous nous comptons et sollicitons, pour une Mauritanie apaisée qui regarde devant et coit à son avenir en noir et blanc et pluri culturel.

  • analagjar (H) 05/10/2015 11:01 X

    Cela s'appelle l'arroseur arrosé...C'est un témoignage accablant qui relate les faits dans leur grande monstruosité.. Voilà ce qui arrive lorsque l'on se permet d'insulter gratuitement des gens et de se faire passer pour ce que l'on est pas dans la réalité de la vie...

  • emancipation (H) 05/10/2015 09:55 X

    Une petite mise au point concernant le passage suivant: " FLAM furent créées le 13 mars 1983 par la fusion de 4 mouvements politiques qui avaient le même idéal, la construction d’une Mauritanie multiculturelle débarrassée du racisme et de l’esclavage" autant que je sache la question de lesclavage na jamais ete soulevee par les Flams avant l'apparition de la nouvelle generation des leaders Haratines. Au debut des annees 80 il ya eu des tentatives d'alliance qui avaient echoue du fait du sectarisme desleaders FLAM d'alors essentiellement issus de la feodalite Halpularen. Avec le temps, et surtout la naissance de l'IRA et son discours. Donc il faut arreter ces contre verites et mensonges ils ne meneront nulle part.