21-10-2015 01:30 - Le PNDSE en Mauritanie, quels résultats ?
COMEUC - L’ouverture de la revue
annuelle 2015 du PNDSE II en Mauritanie a eu lieu vendredi, 16 octobre
2015 dans les locaux du ministère des affaires économiques et du
développement à Nouakchott, capitale du pays. Le PNDSE II est la
seconde phase du programme national de développement du secteur
éducatif et s’étale sur la période de 2011 à 2020.
La première
phase de ce programme (2002 - 2010), arrivée au terme de ces 10 années
d’exécution en novembre 2009, visait à (i) améliorer la qualité et
la pertinence des processus d’enseignement et d’apprentissage Ã
tous les niveaux du système éducatif ; (ii) faciliter un plus grand
accès et promouvoir l’équité entre les régions et entre les sexes,
notamment au niveau de l’enseignement fondamental et secondaire; (iii)
augmenter l’efficacité externe du système éducatif en favorisant
des relations plus étroites entre, d’un côté, la formation
technique et professionnelle, l’enseignement supérieur, et, d’un
autre côté, la demande sur le marché du travail; et (iv) accroître
la capacité de gestion administrative, technique, pédagogique et
financière de chacun des acteurs et du système dans son ensemble.
La
phase II, quant à elle, a pour ambition l’amélioration de la
qualité et de la pertinence de l’éducation; le développement d’un
accès élargi au niveau de la base du système et régulé dans ses
niveaux supérieurs; et l’amélioration de la gestion et de la
gouvernance du secteur, mettant l’accent sur la réalisation des
Objectifs du Millénaire pour le développement, la poursuite des
réformes du système éducatif, et l’amélioration de la pertinence
et de la qualité de l'enseignement post-primaire.
Le programme national
du développement du système éducatif reçoit des financements de
partenaires étrangers, notamment le PME, le Fonds Koweitien de
développement, la Banque Mondiale, la BID, le PAM, l’AFD, l’UNICEF,
la Coopération espagnole, l’UNESCO. Selon l’institut de statistique
de l’UNESCO, la part du PIB consacrée à l’éducation a évolué de
3,52% en 2002 à 4,43% en 2010, avant de baisser à 3,99% en 2013. Quant
aux dépenses pour l’éducation, elles ont évolué de 8,18% du total
des dépenses publiques en 2004 à 16,04% en 2010, avant de régresser
à 11,41% en 2013.
La revue de vendredi devait valider le rapport de
mise en œuvre du plan d’action annuel de 2015 ainsi que le plan
d’action triennal 2016 -2018. C’est l’occasion de jeter ne
serait-ce qu’un bref regard sur les défis majeurs de notre système
éducatif, notamment la gestion des ressources humaines et les
conditions de vie peu motivantes des enseignants; le faible niveau de la
qualité de l'éducation de base ; la faible implication de la société
civile et des communautés locales ; la faiblesse de l'éducation
préscolaire ; la faiblesse de l’accès à l'enseignement secondaire;
l'accès à l'éducation pour les enfants non scolarisés ; la faiblesse
de la formation technique et professionnelle ; l’analphabétisme, etc.
Les ressources humaines et la qualité de l’éducation.
En 2011, le
rapport d’évaluation technique du PNDSE II en vue de son endossement
à l’initiative Fast Track par les partenaires techniques et
financiers, affirmait que « Tous les indicateurs de qualité sont
alarmants en Mauritanie, dans tous les cycles d’enseignement. La
réforme linguistique est une partie de ce problème, mais l’on sait
aussi depuis longtemps qu’elle n’en est qu’une partie. Les
réponses données par le PNDSE I portaient principalement (i) sur une
rénovation du dispositif de formation initiale des maîtres (ENI); (ii)
sur le renforcement de la formation continue, linguistique et
pédagogique et (iii) sur le renforcement des corps d’inspection. Les
résultats restent décevants, et d’autres pistes sont à explorer, en
lien avec le pilotage et la gestion du système…
Les faiblesses du
pilotage et de la gestion du système éducatif ont été relevées Ã
de nombreuses reprises. Il y a peu de rétroactions face aux signaux
alarmants sur la qualité, comme des résultats très faibles aux
examens par exemple, ou des résultats nuls présentés par certains
établissements. La gestion des ressources humaines connaît bien des
déficiences, qu’il s’agisse de l’affectation des enseignants,
jamais stabilisée au cours de l’année scolaire et peu conforme aux
effectifs d’élèves inscrits dans les écoles, ou de l’utilisation
rationnelle de leurs compétences linguistiques. Tous ces éléments
entretiennent une relation évidente avec le déficit de qualité...
Pour partie, ces faiblesses de pilotage et de gestion tiennent au peu
d’attention qui a été accordée, pendant longtemps, au middle
management et aux procédures récurrentes et routinières de la gestion
quotidienne, qui sont peu formalisées, peu sécurisées et mal
respectées. Pour une autre partie, ces faiblesses sont le fait de la
difficulté qu’éprouve le système à imputer les mauvais résultats
à une fonction particulière de la gestion, et à rétroagir en
conséquence. La poursuite de l’amélioration de la rétention dans
les différents cycles dépendra des capacités du système à faire des
progrès sur la gestion de ses ressources, en particulier les ressources
humaines.».
Les conditions peu motivantes des enseignants y sont pour
beaucoup. «Les enseignants sont généralement peu motivés du fait des
carences du dispositif de gestion, mais aussi du fait de leur faible
rémunération », affirme le plan d’action du triennat 2012-2014 du
PNDSE. Aujourd’hui, le salaire (net à payer) moyen d’un enseignant
(fondamental et secondaire) est inférieur à 100000 UM (100000 = 264
euros au cours affiché au site web de la Banque centrale de Mauritanie
le 17/10/2015).
Depuis plusieurs années la fonction d’enseignant
n’est plus à l’abri de la nécessité de créer à la périphérie
des statuts de nouvelles catégories d’enseignants contractuels ou
volontaires. En effet, depuis plusieurs années, le ministère de
l’éducation national a engagé un grand nombre de contractuels pour
l’enseignement public (09,17% des enseignants au fondamental et 18,68%
au secondaire, selon l’annuaire des statistiques scolaires 2013/2014,
version provisoire) ; et ce, malgré la loi 93-09 du 18 janvier 1993
portant statut général des fonctionnaires et agents contractuels de
l’Etat qui proscrit les contrats avec les diplômés ayant un BEPC ou
plus (catégories A, B, C).
Ces contractuels, qui, en général, ne
bénéficient d’aucune formation pédagogique, ne perçoivent pas les
indemnités, primes et allocations dont bénéficient les enseignants
titulaires et vivent dans des conditions encore moins motivantes. Cette
année, le gouvernement a pris une loi modifiant la loi 93-09 levant
l’interdit sur les contrats avec certaines catégories de
fonctionnaires, dont les enseignants. Cela pousse beaucoup
d’observateurs à craindre une nouvelle orientation du gouvernement
vers la précarisation de l’emploi de l’enseignant. Aussi, les
enseignants continuent à se plaindre de l’absence de transparence
dans la gestion du personnel.
A titre d’exemple la dernière note de
service portant nomination des directeurs des études et surveillants
généraux, en préparation de l’ouverture des classes pour l’année
scolaire 2015/2016 est décriée par les enseignants du secondaire, pour
avoir été élaborée en leur absence et en l’absence des
organisations syndicales. Un regard rétrospectif sur les résultats du
baccalauréat de 1974 à 2010 et les résultats de 2014 publiés par le
site web du ministère de l’éducation nationale donne le tableau
suivant :
Année----taux d’admis du bac 1974 ------ 58,25%
1981------33,26%
2002 ----- 17,82%
2014 ----- 13,21%
Implication de la société
civile
«La mise en place d’un cadre institutionnel approprié de
partenariat avec les différents acteurs potentiels de la politique
éducative, notamment la société civile et les communautés locales »
est l’une des « mesures et actions prévues dans le cadre du
renforcement du pilotage institutionnel », indique le plan d’action
du PNDSE II 2012 -2014. Mais, jusqu’à présent, l’implication de la
société civile et des communautés locales dans la gestion du système
éducatif reste très faible. L’une des manifestations de cette
faiblesse est, à titre d’exemple, l’absence de la société civile
au groupe local des partenaires de l’éducation (GLPE), malgré les
demandes insistantes de la coalition des organisations mauritaniennes
pour l’éducation (COMEDUC). Une autre manifestation est l’absence
des organisations de la société civile et des syndicats
d’enseignants (du moins, les plus représentatifs) à la revue du
16/10/2015. La faiblesse de l'éducation préscolaire.
L’enseignement
préscolaire est une phase déterminante dans le processus
d’apprentissage scolaire. L’enseignement pré-primaire formel est
presque inexistant. Le préscolaire informel se compose d’écoles
coraniques, de garderies communautaires (initiatives féminines,
principalement pour la garde des enfants). Il se caractérise par
l’inadaptation des locaux, le manque d’équipement et de formation
des personnes en charge de ses structures et de l’absence de
programmes d’éveil. Les éléments de la stratégie du PNDSE II
relative au préscolaire portent principalement sur l’accès,
«l’objectif étant de porter le taux brut de scolarisation pour la
tranche d’âge 4-5 ans à 16% en 2020 (celui-ci était évalué Ã
5,2% en 2008).
Le Programme vise également à faire une plus grande
place à l’offre publique et communautaire » La faiblesse de
l’accès à l'enseignement secondaire Le rapport régional de
l’UNESCO pour l'année 2014 sur l'Education Pour Tous dans les Pays
Arabes (Conférence Internationale sur l'Education Pour Tous, Oman, 12
–14 mai 2014) donne un taux brut de scolarisation dans
l’enseignement secondaire en Mauritanie de 23% en 2011. Le rapport
final d’évaluation mi parcours du projet d’appui à la deuxième
phase du PNDSE (PADP/PNDSE II) de septembre 2014 donne un taux brut de
scolarisation au secondaire de 29,5%, pour l’année 2012-2013. Selon
l’institut de statistique de l’UNESCO, le taux d’enfants
mauritaniens non scolarisés ayant l’âge du premier cycle de
l’enseignement secondaire était de 29,8% en 2012 et 42% en 2013. Le
site web du PME affirme que le taux d’achèvement du premier cycle au
secondaire était de 20% en 2006 et que ce taux était au même niveau
(20%) en 2013.
L'accès à l'éducation pour les enfants non scolarisés
Le système éducatif mauritanien a connu des progrès significatifs en
termes d'accès au primaire, bien que la Mauritanie est citée par le
rapport régional 2012 de la réunion mondiale sur l’éducation pour
tous dans les pays arabes tenue à Paris en France du 21 au 23 novembre
2012, parmi les pays dont «le système éducatif se heurte Ã
d’importants obstacles et le taux de scolarisation ne parvient pas Ã
dépasser la moyenne régionale: c’est le cas à Djibouti, en
Mauritanie ou encore au Yémen.».
Selon l’institut de statistique de
l’UNESCO, le taux d’enfants mauritaniens non scolarisés ayant
l’âge de l’enseignement primaire était de 37,5% en 2002, 29,2% en
2010 et 26,7% en 2013 ; tout en signalant qu’alors qu’en 2007, les
données officielles indiquaient un taux de 25,5% d’enfants
mauritaniens non scolarisés ayant l’âge de l’enseignement
primaire, les données d’enquête auprès des ménages donnaient 41,9%
pour la même année. La faiblesse de la formation technique et
professionnelle.
En 2011, les autorités ont lancé un projet triennal
afin de résorber le chômage et de favoriser l’adéquation entre la
formation professionnelle et l’emploi. Ce programme est financé par
l’Union européenne et couvre treize spécialités, dont la
construction, la mécanique et l’agriculture. Le rapport régional de
l’UNESCO pour l'année 2014 sur l'Education Pour Tous dans les Pays
Arabes (Conférence Internationale sur l'Education Pour Tous, Oman, 12
–14 mai 2014) indique que «la scolarisation dans l'éducation
technique et professionnelle en Mauritanie représentait 2,6% de la
scolarisation totale dans les programmes secondaires en 1999. ». Ex
Post n° 27 de septembre 2009 de l’AFD, consacré à l’étude de cas
de la Mauritanie affirme :
« Il est également à noter que la
formation technique et professionnelle et l’enseignement supérieur
affichent des résultats très décevants avec des taux d’engagement
et de décaissement respectivement de 18,4 et 13,9 %. »
L’analphabétisme Le rapport national sur le développement durable
2012 du ministère délégué auprès du premier ministre chargé de
l’environnement et du développement durable souligne que « si la
situation de l’alphabétisation a connu une évolution positive au
cours des dernières années, reflétée par l’amélioration du taux
d’alphabétisation global (61,5% en 2008), il n’en demeure pas moins
qu’elle reste en deçà des espoirs. Sur le plan de l’équité, des
disparités réelles continuent à être observées entre les hommes et
les femmes (70,3% et 54,4%, respectivement) et entre les milieux de
résidence (73,3% en milieu urbain contre 50,3% en milieu rural). ».
Le
rapport d’évaluation technique du PNDSE II, du 1er août 2011, en vue
de son endossement à l’initiative Fast Track par les partenaires
techniques et financiers affirmait qu’«En matière
d’alphabétisation, le PNDSE II se consacrera à la mise en œuvre des
programmes développés au cours du PNDSE I. L’objectif visé est de
réduire le taux d’analphabétisme qui est de 38% actuellement»
Recommandations Il n’est pas aisé de formuler des recommandations
pertinentes en l’absence d’informations sur les travaux de la revue
et les documents qui lui ont été soumis. Néanmoins, les deux mesures
suivantes contribueraient sans doute à la réussite du programme:
a.
S’assurer de la participation de la société civile à la gestion du
PNDSE, en permettant aux OSC les plus représentatives de siéger au
sein du groupe local des partenaires de l’éducation (GLPE), pour
qu’elles puissent apporter leur contribution, notamment en matière de
suivi, assistance, soutien, sensibilisation, communication,
investigation, etc.
b. Profiter des revues du PNDSE pour organiser des
assemblées générales annuelles des acteurs nationaux de
l’éducation (OSC, enseignants, élèves, responsables régionaux, et
d’autres partenaires nationaux) pour étudier ensemble l’état de
l’éducation et contribuer plus efficacement à trouver les solutions
appropriées aux problèmes identifiés.
Nouakchott, le 19/10/2015
Sidi Idoumou BOUDIDE, Président de COMEUC