03-04-2016 10:35 - Rumeurs sur une éventuelle modification de la Constitution : Pour un 3ème mandat du président Ould abdel Aziz !
L'Authentique - De plus en plus, des signaux sont lancés ici et là , par des ministres, membres du gouvernement, sur ce qui s’apparente comme des ballons d’essai pour tester la réceptivité de l’opinion par rapport à une éventuelle modification de la Constitution, dont l’ultime objectif serait un 3ème mandat du président Mohamed Abdel Aziz.
Interrogé à plusieurs reprises sur ses ambitions politiques et sur la possibilité qu’il brigue un 3èmemandat, le président Mohamed Abdel Aziz a toujours maintenu qu’il ne modifiera jamais la Constitution et qu’il ne briguera pas non plus un mandat supplémentaire.
Cependant, des signaux de plus en plus osés, sur son éventuel revirement se font sentir. C’est d’abord le ministre de l’Économie et des Finances, Moktar Ould Diaye qui du haut du perchoir de l’Assemblée nationale lancera face au député, que le programme du président Mohamed Ould Abdel Aziz est si vaste et si important que le mandat actuel ne suffira pas à le réaliser.
Cela lui a valu une riposte énergique du banc de l’opposition dont les députés ont clairement perçu ses insinuations qui porteraient sur un nouveau mandat du président de la république. La semaine dernière, le ministre de la Justice, Brahim Ould Daddah allait être plus explicite.
Il avait choisi lui aussi le prétoire de l’Assemblée nationale, pour lancer carrément l’idée du 3ème mandat, en soulignant qu’il appartiendra au peuple d’en décider. Une intervention qui a eu la particularité de soulever une salve d’applaudissements de la part des députés de la majorité présidentielle.
Lors des débats qui suivront d’ailleurs, nombre d’intervenants feront cas du Congo Brazzaville dont la constitution a été modifiée, permettant au pouvoir de Dennis Sasso N’Gesso d’entamer un troisième mandat. « Le pays ne s’en est pas allé que mieux » ont répété les intervenants.
Finalement, ce sont les interventions des deux ministres qui vont soulever l’ire de l’opposition qui soutient devant qui veut l’entendre que les tenants du pouvoir veulent brûler les étapes.
Selon elle, l’allusion à un 3ème mandat présidentiel n’est qu’une forme extrême de l’hypocrisie qui ne sert qu’à consolider la dictature au détriment de la voie démocratique dans laquelle le peuple mauritanien a déjà choisi de s’engager. Des excuses solennelles doivent être présentées à ce titre au peuple mauritanien, selon le député Cheikhani Ould Beïba, du parti islamiste Tawassoul.
Il paraît cependant que l’exemple du Congo Brazzaville et du 3ème mandat de Denis Sassou NGuessou, aient servi de déclic. La communauté internationale ayant tacitement approuvé cette « violation » constitutionnelle-là , le régime mauritanien s’est certainement dit, « pourquoi pas nous ? » selon l’opinion tenue par certains opposants.
Toutefois, sur l’éventualité d’une modification de la constitution mauritanienne, certains constitutionnalistes considèrent que la Mauritanie fait partie des pays qui ont pris des mesures interdisant la modification de certains articles pouvant toucher aux fondamentaux de la démocratie, c’est-à -dire l’alternance pacifique au pouvoir, et parmi ces articles, celui relatif au mandat présidentiel.
En effet, l’article 99 de la Constitution stipule que « l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République et aux membres du Parlement.
Aucun projet de révision présenté par les parlementaires ne peut être discuté s’il n’a pas été signé par un tiers au moins des membres composant l’une des assemblées. Tout projet de révision doit être voté à la majorité des deux tiers des députés composant l’Assemblée nationale et des deux tiers des sénateurs composant le Sénat pour pouvoir être soumis au référendum.
Aucune procédure de révision ne peut être envisagée si elle met en cause l’existence de l’Etat ou porte atteinte à l’intégrité du territoire, à la forme républicaine des Institutions, au caractère pluraliste de la démocratie mauritanienne ou au principe de l’alternance démocratique au pouvoir et à son corollaire, le principe selon lequel le mandat du président de la République est de cinq ans renouvelable une seule fois, comme prévu aux articles 26 et 28 ci-dessus ».
L’article 26 stipule « le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct ». L’article 28 dit « le président de la République est rééligible une seule fois ».
Et l’article 29 : « Avant d’entrer en fonction, le président de la République prête serment en ces termes : je jure par Allah l’Unique de bien et fidèlement remplir mes fonctions dans le respect de la Constitution et des lois, de veiller à l’intérêt du Peuple mauritanien, de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté du pays, l’unité de la patrie et l’intégrité du territoire national.
Je jure par Allah l’Unique de ne point prendre ni soutenir, directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduite à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat présidentiel et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente constitution ». Or, Mohamed Abdel Aziz a renouvelé son serment lors de sa deuxième investiture en août 2014.
Cependant, par rapport à l’interdiction totale, partielle ou temporaire des dispositions constitutionnelles, certains constitutionnalistes leur dénient toute valeur juridique ou politique, et que cela entre en contradiction avec la souveraineté du peuple qui dispose du droit de changer sa constitution.
Ce qui n’est pas loin du point de vue de ceux qui soutiennent l’inviolabilité des articles jugés pérennes, du fait de cette même souveraineté du peuple à modifier sa constitution quand il le souhaite.
Ces deux points de vue considèrent que les constitutions tirent leur force de la volonté du peuple qui a le droit de les changer à sa guise d’une part, et que d’autre part, la loi est définie comme un ensemble de principes dynamiques mais non figés. Elle accompagne l’évolution des sociétés.
Seulement, aux yeux de plusieurs observateurs, le président sera exposé au parjure qu’il laisse faire ses alliés dans le sens d’une modification de la constitution ou qu’il en prenne l’initiative, conformément à son serment qu’il avait pris solennellement devant Allah et devant les hommes conformément aux dispositions de l’article 29.
Cheikh Aïdara