02-09-2016 12:49 - Corruption et répression en Mauritanie : la France doit sortir de son silence

Corruption et répression en Mauritanie : la France doit sortir de son silence

Le Monde  - Plusieurs députés français se rendent en visite officielle en Mauritanie du 4 au 9 septembre. Quel est le but de ce voyage ? Qui vont-ils rencontrer ? Selon la seule information officielle disponible, le discours de l’ambassadeur de France en Mauritanie du 14 juillet 2016, « deux délégations de l’Assemblée nationale française – le groupe d’amitié France-Mauritanie et une mission de la commission des affaires étrangères – viennent en septembre rencontrer leurs homologues parlementaires et les autorités mauritaniennes, les écouter et recueillir leurs avis ».

Le 24 août, j’ai écrit en ma qualité de président de l’association Sherpa une lettre aux députés du groupe d’amitié France-Mauritanie pour leur demander une audience afin de les entretenir sur les questions de gouvernance dans ce pays. Aucun député participant à ce voyage ne m’a répondu.

J’aurais aimé pouvoir attirer leur attention sur ce pays qui traverse depuis plusieurs années une crise lourde de périls. Comme pour d’autres Etats du Sahel, la France continue à aider aveuglément le gouvernement de Mohamed Ould Abdel Aziz, pourtant lourdement gangrené par la corruption, le despotisme et les violations répétées des droits de l’homme.

Pactes entre pouvoirs et réseaux terroristes

Les observateurs locaux regrettent amèrement un silence complice des autorités françaises qui, au prix de vagues promesses de lutte contre le terrorisme – alors même qu’à Nouakchott sont dénoncés des pactes entre les pouvoirs et les réseaux terroristes –, se refusent à condamner les dérives d’un régime.

Les incantations et exhortations prononcées par le président Hollande lors des discours de Kinshasa et de Dakar, en son temps célébrées, semblent bien loin. A Nouakchott, la rue gronde, les menaces de violence abondent. Autant de gisements à venir dont se saisiront les funestes réseaux tapis dans l’ombre. Une fois encore, la tyrannie du « court-termisme » potentialise des tragédies à long terme.

Cinq jeunes militants du « Mouvement du 25 février », né pendant le « printemps arabe », et de « Je n’achète pas du gasoil », créé à la suite d’une hausse sans précédent du prix du carburant, ont été condamnés le 2 août à de la prison pour « violences » et « agression ». Tous avaient protesté contre la condamnation à trois ans de prison d’un jeune journaliste accusé d’avoir, lors d’une conférence de presse, lancé sa chaussure sur le ministre porte-parole du gouvernement, sans l’atteindre, en le qualifiant de « ministre du mensonge ».

Le 18 août, au cours d’un autre simulacre de procès, une juridiction mauritanienne a condamné treize militants anti-esclavagistes de l’ONG Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) à des peines allant de trois à quinze ans de prison ferme pour « usage de la violence ». Le régime les accuse d’avoir participé à une manifestation qui a dégénéré le 29 juin.

Les principaux intéressés et Amnesty International ont fermement démenti ces accusations. Les avocats des militants se sont plaints de graves vices de procédure et les accusés anti-esclavagistes ont eux-mêmes affirmé avoir été torturés en détention. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies, l’Union européenne, le département d’Etat américain ont tous exprimé leurs vives inquiétudes et ont demandé aux autorités mauritaniennes de diligenter des enquêtes sur ces allégations. La France, elle, n’a rien dit.

Des milliers d’hectares cultivables volés

D’autres affaires de ce type entachent la réputation de la Mauritanie. En avril, un jeune bloggeur a été condamné à mort pour « apostasie ». En 2014, un rappeur a été emprisonné plusieurs mois pour avoir refusé de chanter à la gloire du président. Depuis quelques années, des milliers d’hectares de terres cultivables, comme à Dar Elbarka, où vivent des populations noires, ont été systématiquement spoliées au profit de businessmen locaux et étrangers.

Des stades, des écoles appartenant à l’Etat ont été revendus à des commerçants alors que le taux d’analphabétisme est de plus 41,4 %. Bref, les exemples ne manquent pas.

L’association Sherpa, spécialisée notamment dans la lutte contre la corruption, n’a cessé, vainement, de tirer la sonnette d’alarme sur la mal-gouvernance du régime de Mohamed Ould Abdel Aziz.

En décembre 2015, avec l’ONG canadienne Mining Watch, nous avons déposé une plainte devant le parquet financier de Toronto contre l’entreprise minière canadienne Kinross Gold Mining pour corruption en Mauritanie. Les informations à notre disposition suggèrent l’existence de liens très étroits entre Kinross et des responsables publics, qui auraient permis des flux financiers opaques de grandes ampleurs à des bénéficiaires illégitimes.

A plusieurs reprises nous avons interpellé les grands bailleurs publics internationaux sur les prédations ubuesques de la clique au pouvoir sur les ressources du pays. En janvier 2014 par exemple, à la suite de nombreuses interpellations de Sherpa, la Banque islamique de développement (BID) avait décidé de renoncer à financer l’extension de la centrale électrique de Nouakchott, marché de gré à gré attribué à la société Wärtsilä, en raison d’indices sérieux de corruption. Finalement, après des interventions politiques au plus haut niveau, la BID fit marche arrière.

Mauvaise gouvernance

De graves soupçons ont aussi plané sur la construction du nouvel aéroport international de Nouakchott, dont le marché a été accordé, sans appel d’offres, à un consortium privé dépourvu de la moindre expérience dans le domaine de la construction des infrastructures aéroportuaires.

Ce marché a consisté en un troc opaque : moyennant la construction du futur aéroport, le consortium s’est vu offrir un vaste domaine occupé notamment par un quartier résidentiel. Le projet a été exécuté sans que la valeur des terrains ait été évaluée. Aucune étude de rentabilité indépendante n’a été réalisée avant la passation du marché.

Cette opération aurait surtout permis à un groupe privé, lié à des personnalités influentes au sein du pouvoir, d’accaparer des terrains à des fins spéculatives. Finalement, et malgré des mois de retard, le président Aziz a pu inaugurer fièrement son nouveau jouet peu avant le début du Sommet de la Ligue arabe, en juillet.

Ces exemples de mal-gouvernance montrent comment la Mauritanie court actuellement à sa ruine, sans que le peuple n’ait pu bénéficier, jusqu’à maintenant, de ses propres revenus. Le clan au pouvoir est devenu de plus en plus riche, les populations de plus en plus pauvres.

Face au mutisme du gouvernement français sur ces sujets, les parlementaires en visite, de différents bords politiques, doivent obtenir des autorités mauritaniennes des engagements fermes pour mettre un terme à ces graves dérives et pour que les enquêtes nécessaires soient diligentées, ce qui implique d’abord un retour à l’indépendance de la justice, aujourd’hui sous tutelle.

Alors que beaucoup d’Africains, après les premières déclarations de François Hollande, avaient misé sur une politique africaine respectueuse, engagée, à l’écoute des sociétés civiles, ce sont finalement, par l’amoncellement des rétractations et des résignations, la déception et la colère qui s’installent aujourd’hui. Il est temps de lutter contre ces vents contraires.

William Bourdon est avocat au barreau de Paris et président de l’association Sherpa





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Commentaires (11)

  • mohamed 123 (H) 04/09/2016 15:14 X

    Aziz degage !

  • sindibad (H) 02/09/2016 21:12 X

    ces diatribes reflètent le complot du temple de salamon qui comprend charpa, le journal le monde ,ould bouamattou et biram sans oublier les deux gardiens du temple maki sall et mouhamed 6....

  • maurebleu (H) 02/09/2016 17:09 X

    Nous savons tous que le Raiss Aziz est la boite aux lettres de la France en Afrique .

  • Kemet-Seth88 (H) 02/09/2016 17:08 X

    le salut de la Mauritanie ne viendrai pas de la France ni d'aucun autre pays la France n'a pas d'amis mais que des interrets. c'est aux mauritaniens et a eux seuls que revient la responsabilité de combattre l'injustice par touts les moyens necessaires pour la liberté, pour la dignité

  • chekbi (H) 02/09/2016 14:46 X

    QU'il est con l'Africain, ces meme deputé qui traite les noir de negre et les arabes de bougnoul. et ces cons qui croient qu'il ont quelques chose a foutres de leur cause. Mais bordel reveillez vous et plaignez vous a dieu il est la meilleur aide. les deputé francais sont des : pedofiles, raciste, imperialiste, demoniaques, francs-maçons, satanistes etc... vous nous faites hontes!!!

  • HOUDHOUD (H) 02/09/2016 14:42 X

    Monsieur William vous pouvez continuer à BOURDONNER. Cet article relève du commérage journalistique et des ragots, un long bavardage malveillant qui ne rime à rien. Le Président Ould Abdel Aziz est le chef d'Etat africain qui lutte le plus contre la corruption et il a fait de la lutte contre le terrorisme une priorité. Sa réussite dans ce domaine fait de la Mauritanie un pays exemplaire dont l'approche fait désormais école. Et cela est reconnu de tous autant que ses efforts de bonne gouvernance.

  • zein el abidine (H) 02/09/2016 13:52 X

    Vous ne vous êtes pas demandé pourquoi aucun député participant à ce voyage ne vous a pas répondu ? Seriez-vous vous-même irréprochable au point de qualifier le Gouvernement du Président Mohamed Ould Abdel Aziz de « régime », de « clique », etc ? Etes-vous venu vous-même en Mauritanie pour vérifier les allégations de ceux qui vous ont briefé ? Bref, vous êtes le nervi de qui ? Et pourquoi n’écrivez-vous pas d’abord et aussi à la représentation nationale de votre pays pour lui demander des comptes au sujet des malversations des hommes politiques français –de gauche comme de droite- dont certains mis en examen postulent aujourd’hui à la candidature à la présidence de votre « république ». Je crois que vous vous trompez lourdement, Monsieur ! Sous la présidence de Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, notre pays aspire à se délivrer véritablement et définitivement de cette chape qui étouffe les contrées de votre chasse-gardée comme ce pauvre Gabon sommé par les plus hautes autorités de l’Etat français à « compter les suffrages exprimés bureau par bureau ! »

  • mohamed w.l (H) 02/09/2016 13:24 X

    Le malheur en est que la ou la France sort de son silence s'est l'échec total Libye Syrie mali centre Afrique. ...... Le pays de minables complexés dirigé par des complexes de Sarkozy à hollande des petits qui se crois grand si le monde et un journal français il croit qu'il est honnête il doit dire la vérité sur les mensonges de leur politiques et leur échec sur le plan mondial

  • lass77 (H) 02/09/2016 13:22 X

    Aucun mot sur les maux les plus împortants : l'attente de justice à la suite du genocide contre les negromauritaniens mais aussi le partage des pouvoirs politique, économique et sociaux entre la minorité beydane et la majorité noire. Je vous assure que la France sait ce qui se passe en Mauritanie vu qu'elle a participé à la fabrication historique et la mise en place des fleaux que connait la Mauritanie actuelle.

  • zelimkhan2 (H) 02/09/2016 13:17 X

    Me Bourdon, vous associer à notre combat fondé sur le droit, la justice, l’éthique, l’équité, la morale, la légalité et la bonne gouvernance montre l’universalisme de nos idées. Alors, merci pour votre engagement auprès des faibles, sans voix et laisser pour compte que sommes aux yeux de nos autorités mauritaniennes. Aux parlementaires français qui se rendent en Mauritanie, je vous dirai ceci : Il y a des faits et des systèmes qui ne sont plus de notre époque et qui ne sauraient être couverts, tus et/ou cautionnés par un esprit libre car elles confirmeraient une complicité. Mieux, la France ne peut se permettre une seconde erreur aussi lourde de conséquence que celle commise au Rwanda en 1994 car elle ne s’en relèvera jamais. Alors, je vous demanderai simplement d’être objectif, sincère et franc. Si cela est trop vous demander, alors quelle leçon vous aura donné Emile Zola au sujet de l’affaire Dreyfus ?

  • vladimir (H) 02/09/2016 13:14 X

    C'est du n'importe quoi! Des allégations, rien que des allégations. la Mauritanie poursuit sa glorieuse marche vers le développement sous la conduite du président Aziz dans la bonne gouvernance . On conseille à l'avocat du diable Mr Bourdon de se taper deux verres de Bourbon et de chercher autre chose...