23-02-2017 08:45 - Mauritanie : le rapport annuel d’Amnesty pointe la dégradation des droits humains relégués au second plan

Mauritanie : le rapport annuel d’Amnesty pointe la dégradation des droits humains relégués au second plan

Amnesty International - Des opposants au gouvernement et des défenseurs des droits humains, en particulier des organisations luttant contre l’esclavage, ont fait l’objet de poursuites judiciaires pour des motifs politiques.

La liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique restait soumise à des restrictions. La torture et les autres formes de mauvais traitements étaient monnaie courante en détention.

Des groupes formant jusqu’aux deux tiers de la population étaient en butte à une discrimination systématique, et la pauvreté extrême restait répandue. Les pratiques esclavagistes n’avaient pas disparu.

Défenseurs des droits humains

Des lois – notamment celles relatives à l’ordre public, à la rébellion et à l’appartenance à une organisation non reconnue – ont été utilisées pour engager des poursuites à motivation politique contre des opposants du gouvernement et des défenseurs des droits humains, en particulier des militants luttant contre l’esclavage.

En mai, la Cour suprême a réduit la peine de prison à laquelle avaient été condamnés Biram Ould Dah Abeid et Brahim Bilal, deux militants anti-esclavagistes, et a ordonné leur libération. Ces deux prisonniers d’opinion, membres de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), avaient été arrêtés en novembre 2014 après avoir participé à une manifestation pacifique. Ils avaient été condamnés à une peine de deux ans de prison pour appartenance à une organisation non reconnue, participation à un rassemblement non autorisé, désobéissance et outrage aux forces de l’ordre. Un autre membre de l’IRA, Djiby Sow, condamné à la même peine, avait été libéré en juin 2015 pour raisons médicales.

En juin et en juillet, 13 autres membres de l’IRA ont été arrêtés à la suite d’une manifestation contre l’expulsion forcée de personnes qui vivaient dans le bidonville de Bouamatou, à Nouakchott, la capitale. Bien qu’aucun des membres de l’IRA n’ait participé à cette manifestation, ils ont été condamnés en août pour rébellion et recours à la violence, entre autres. Le tribunal a refusé d’examiner les allégations de torture formulées par les prévenus.

En octobre, un groupe d’experts des Nations unies s’est déclaré profondément préoccupé par le fait que ces militants aient été pris pour cible par les autorités à cause de leur engagement contre l’esclavage. Il a indiqué que le gouvernement était hostile aux groupes de la société civile qui critiquaient sa politique, surtout ceux, comme l’IRA, dont les membres appartenaient à la minorité haratine et faisaient campagne contre l’esclavage. Un mois plus tard, en novembre, la cour d’appel de Nouadhibou a relaxé trois des 13 militants et réduit la peine de sept autres, qui ont été remis en liberté dans le mois. Elle a toutefois prononcé des peines d’emprisonnement contre les trois derniers membres du groupe – un an pour deux d’entre eux et six mois pour le troisième.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

L’exercice du droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique a encore été restreint. Des journalistes, des défenseurs des droits humains et des détracteurs du gouvernement ont été arrêtés et inculpés par des magistrats politisés.

En avril, la cour d’appel de Nouakchott a confirmé la condamnation à mort pour apostasie de Mohamed Mkhaïtir. Il s’agissait de la première sentence capitale prononcée pour ce motif en Mauritanie. Cet homme avait été condamné à mort en décembre 2014 à Nouadhibou, après avoir passé un an en détention provisoire, pour avoir écrit un billet de blog critiquant ceux qui utilisent l’islam pour introduire des discriminations à l’égard des moulamines (forgerons) ainsi que des descendants d’esclaves et des griots. La cour d’appel a transmis l’affaire à la Cour suprême.

En juillet, Cheikh Baye, responsable du site d’information Meyadine, a été condamné à trois ans d’emprisonnement pour avoir usé de violence à l’égard d’une autorité publique. Il avait accusé un porte-parole du gouvernement de mentir et lui avait lancé sa chaussure pendant une conférence de presse. Cinq personnes qui avaient critiqué le verdict ont été déclarées coupables du même chef d’accusation en août. Trois d’entre elles ont été condamnées à deux ans de prison et les deux autres à des peines avec sursis.

Cette année encore, les autorités ont bloqué l’enregistrement officiel de plusieurs ONG et organisations de défense des droits humains. C’est ainsi que l’Association des veuves mauritaniennes, une organisation qui demande que la vérité soit faite sur les exécutions sommaires et les disparitions survenues dans les années 1990, attend depuis 1993 d’être reconnue ; elle avait renouvelé sa demande en 2010.

Torture et autres mauvais traitements

À la suite de sa visite en Mauritanie en février, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture s’est félicité des évolutions législatives, et notamment de l’introduction d’une nouvelle loi sur la torture, ainsi que de la mise en place d’un mécanisme national de prévention. Il a souligné que l’appareil judiciaire devait redoubler d’efforts pour mettre en œuvre ces garanties et a mis en évidence le manque d’enquêtes sur les allégations de torture. Il a également attiré l’attention sur l’utilisation de lieux de détention non officiels et l’impossibilité pour les personnes soupçonnées d’actes de terrorisme de consulter un avocat pendant une période pouvant aller jusqu’à 45 jours.

Des prisonniers, hommes et femmes, ont affirmé à la mi-2016 qu’ils avaient été torturés et maltraités en garde à vue et par des gardiens de prison. Un détenu arrêté en mars et inculpé d’une infraction liée au terrorisme a déclaré qu’on l’avait battu après lui avoir attaché les mains et les pieds dans le dos pour le contraindre à faire des « aveux ».

Les membres de l’IRA arrêtés en juin et en juillet ont été détenus séparément dans des lieux de détention tenus secrets : ils n’ont pas été autorisés à parler à leur famille et à leur avocat. Ils ont été interrogés la nuit et privés de sommeil et d’accès aux toilettes. Au moins quatre d’entre eux ont eu les mains et les pieds attachés pendant plusieurs heures dans des positions douloureuses et ont été suspendus au plafond par des cordes.

D’autres ont été déshabillés, insultés et menacés de mort. Malgré le programme du nouveau mécanisme national de prévention, qui entend inspecter les lieux de détention, un membre de cet organe n’a pas été autorisé à rencontrer des membres de l’IRA qui étaient maintenus au secret.

Discrimination – Les Haratines et les Négro-mauritaniens

Le rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme, qui s’est rendu en Mauritanie en avril, a souligné que les Haratines et les Négro-Mauritaniens étaient absents de pratiquement toutes les positions de pouvoir et exclus de nombreux aspects de la vie économique et sociale, notamment à travers l’impossibilité pour eux d’obtenir une carte d’identité nationale. Ces deux groupes forment les deux tiers de la population.

Le rapporteur spécial a affirmé que, bien que les droits économiques, sociaux et culturels soient mentionnés dans le préambule de la Constitution, ils ne sont abordés dans aucune disposition. Il a fait observer que dans certaines régions rurales seuls 10 % des enfants accèdent à l’enseignement secondaire et que le taux de mortalité maternelle reste l’un des plus élevés au monde. En 2015, selon la Banque mondiale, on observait un ratio de 602 femmes décédées pour 100 000 naissances vivantes.

Esclavage

Bien que l’esclavage ait été officiellement aboli en 1981 et qu’il soit reconnu comme un crime dans le droit national, des organisations de défense des droits humains, dont SOS Esclaves et l’IRA, ont régulièrement dénoncé la persistance de cette pratique.

En mai, le Tribunal spécial contre l’esclavage s’est ouvert à Nema et, au cours du même mois, deux anciens propriétaires d’esclaves ont été condamnés à un an de prison et à quatre ans avec sursis, respectivement, et à verser une indemnité à deux femmes victimes de cette pratique. Pourtant, également en mai et dans la même ville, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a nié l’existence de l’esclavage et a appelé les Haratines, les anciens esclaves, à avoir moins d’enfants pour faire disparaître les séquelles de l’esclavage et combattre la pauvreté.





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Commentaires (3)

  • lass77 (H) 23/02/2017 17:25 X

    Ce rapport pour nos hypocrites doit etre mis à la poubelle , il faut circuler , y'a rien à voire.

  • foutatoro (H) 23/02/2017 11:48 X

    Ce rapport confirme tout simplement que ce pays ne pourra pas faire l'économie de la violence si les tenants du statu quo persistent encore et encore dans l'errance bête. C'est une voie sans issues.

  • boubou_kibili (H) 23/02/2017 09:33 X

    Malheureusement c'est une verité amere que seuls les Nafighs et l'Union Pour Rien et les negros opportunistes diront le contraire. Un pays musulman où le mensonge a été erigé en sport favori et que se sont les Koufars qui viennent ouvir les yeux des citoyens sur cette triste realité. Tfou!!!!