28-06-2017 20:16 - Mauritanie: à Donaye, les noirs mauritaniens dépossédés de leurs terres enterrent leurs morts au Sénégal

Mauritanie: à Donaye, les noirs mauritaniens dépossédés de leurs terres enterrent leurs morts au Sénégal

Le360 - A Donaye, un village mauritanien de la rive droite du fleuve Sénégal (côté mauritanien), les populations ont été expropriées de leurs terres. Les terres arables du village ont été octroyées à de richissimes hommes d'affaires des cercles proches du pouvoir de l'ancien régime de Ould Taya pour des aménagements agricoles.

Y compris l'espace du cimetière. Du coup, les habitants du village, Négro-Mauritaniens et Haratines, n’ont même plus d'endroit pour enterrer leurs morts. Sur toute l’étendue de ce qui était jadis un cimetière, on bute ça et là sur des restes de pierres tombales que les machines des nouveaux propriétaires n’ont pas complètement détruites.

Dans cette localité mauritanienne, pour offrir une sépulture décente à leurs parents décédés, les villageois doivent traverser le fleuve en pirogue, et gagner la rive gauche pour se rendre en territoire sénégalais. C'est ce qui fait dire à Mokhtar Wane, le chef de village, avec un brin d'ironie: «à Donaye, les morts mauritaniens deviennent sénégalais».

La particularité de Donaye est qu’aujourd’hui, un riche mauritanien a mis la main sur toutes les terres. «On n'a plus de cadre de vie à Donaye. Il a injustement mis la main sur toutes les terres que nous ont léguées nos ancêtres», remarque Amadou Moctar Wane, la voix cassante et feuilletant un ancien document qui témoigne de la véracité de ses propos.

L’Etat mauritanien prend le parti des hommes d’affaire maures.

Pour mieux cerner ce problème foncier dont souffrent les populations de Donaye, il faut remonter le temps. En 1990, un an après l’éclatement du conflit sénégalo-mauritanien, l’armée mauritanienne, ignorant leurs droits, avait déporté ces Négro-Mauritaniens sur l’autre rive du fleuve Sénégal.

«Obligés qu’on était par l’armée mauritanienne, il nous fallait quitter nos terre ancestrales pour nous réfugier au Sénégal», se souvient avec désespoir Amadou Moctar Wane. Vingt ans durant, plusieurs dizaines de Négro-Mauritaniens ont vécu cet exil forcé.

Il a fallu attendre 2010, après l’accession du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi au pouvoir pour que le retour de ces déportés soit envisagé. Et c'est son successeur, l'actuel président qui organisera ce retour des déportés négro-mauritaniens.

Toutefois, ce retour n'a pas été fait selon les règles, car rares sont les déportés qui ont pu retrouver les terres de leur village natal. Souvent, ils ont été recasés à des kilomètres de leurs anciens villages et de leurs terres arables, sources de toutes les convoitises.

«A notre retour, toutes nos terres avaient été injustement accaparées par cet homme d’affaire de Chinguetti (centre de la Mauritanie) qui refuse de nous les restituer», affirme impuissant le chef de village. En accaparant nos terres, «l’objectif non avoué de l’Etat mauritanien est de nous chasser de manière définitive du pays de nos ancêtres», remarque-t-il. Raison pour laquelle de nombreux déportés ont refusé le retour au pays proposé par l'Etat et continuent de vivre au Sénégal en tant que réfugiés.

Conscient de la légitimité de la revendication des populations de la vallée, l’Etat avait sorti une loi domaniale en 1983 disposant que «la terre appartenait à ceux qui la travaillent, ou qui l’ont travaillée». Et que les terres appelées «terres mortes» revenaient à l’Etat, qui a le pouvoir de les répartir. Cependant, les autorités mènent souvent les procédures et les enquêtes administratives en faveur des riches Mauritaniens.

Partant, «l’Etat mauritanien a profité du conflit sénégalo-mauritanien de 1989 pour attribuer les terres que les déportés étaient contraints de quitter aux militaires et hommes d’affaire maures», a souligné Amadou Tijane Kane.

Ce banquier à la retaite, ancien maire de Dar El-Barka tout près de Donaye, soutient les populations injustement expropriées de leurs terres. Selon lui, «la charia, la loi islamique qui sert de base en bonne partie à la loi suprême de la Mauritanie, prévoit que des témoignages dignes, confirmant que tel ou tel autre travaillait la terre, équivalent à un titre de propriété sur les terres qui se sont transmises suivant les générations».

En Mauritanie, où la majorité des populations n’était pas instruite, «le fait que chacun puisse témoigner pour son voisin pouvait bien aider à régler les problèmes fonciers», a-t-il précisé.

De son côté, l’Etat balaie cette position d’un revers de main. Au cours d’une sortie, le président Mohamed Ould Abdel Aziz avait nié la «spoliation». Et pourtant cette affirmation du président mauritanien contredit ses propos de candidat aux élections présidentielles de 2009.

Il avait promis de régler définitivement le problème foncier lié au règlement du «passif humanitaire», reconnaissant ainsi l'existence de ce problème. Toutefois, «ces promesses d’Ould Abdel Aziz qui avaient incité les populations du village de Diata à voter pour lui sont maintenant jetées aux oubliettes», affirme Abdou Limane, un ancien propriétaire, héritier de terres dont il a été injustement dépossédé.

Subir l’injustice malgré eux

«Nous avons redistribué les terres vides, non cultivées. On ne peut pas interdire aux populations du nord de la Mauritanie de pratiquer de l’agriculture au sud du pays», a argumenté Ould Abdelaziz. Une déclaration qui a choqué les paysans négro-mauritaniens qui, à cause de leur impuissance économique, n’ont pas les moyens nécessaires pour efficacement exploiter leurs terres.

Cependant, le calvaire des anciens réfugiés négro-mauritaniens ne va pas trouver sa fin de sitôt. Dans son élan de "modernisation de l’agriculture en Mauritanie", l’Etat avait accordé 50.000 hectares de terre cultivable à une société saoudienne. Et la quasi-totalité de ces terres appartenaient aux villageois mauritaniens dont ceux de Dar el-Barka.

Mais devant les contestations des populations concernés, l’Etat était obligé des revoir sa position. «Ce qui ne l’a pas empêché d’octroyer 3.000 hectares de terres à cette société saoudienne qui cache derrière elle des hommes d’affaires mauritaniens», dénonce Amadou Tijane Kane.

Par De notre correspondant à Dakar Moustapha Cissé



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Source : Le360 (Maroc)
Commentaires : 11
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Commentaires (11)

  • soniréme (H) 29/06/2017 16:02 X

    Demandons au bon Dieu d'aider chacun à être chez soi. Si les populations de Donaye sont désormais enterrés de l'autre côté de la rive, il restent néanmoins sur une partie de leurs terres. Ils peuvent être enterrés partout en Afrique continent de leurs ancêtres.L'humiliation est à jamais gravée à celui dont les ancêtres ont été chassés de leur continent par impiété et impureté.

  • Mawdo1960 (F) 29/06/2017 14:35 X

    L etat juif Mauritanian continue de defier les valeurs musulmanes...Pas surprenant car l'islam n'existe que de nom dans ce pays occupe par des invahisseurs.

  • mystere1 (F) 29/06/2017 13:11 X

    Que Dieu Ait pitié de ces confrères et consoeurs décédés, devant être enterrés dans leur propre terroir, mais le destin veut qu'ils soient enterrés chez notre voisin, de toute facon, fini la vie terestre, c'est le Royaume de Dieu qui est Le Vrai, ainsi que Le Seigneur les Paie un bon salaire, qui est meilleure, car leur séjour terrestre n'étaient qu'un mal en patience, dont les péchés seront encaissés par ces responsables criminels qui les ont empêchés de leur nation natale, patience, Dieu Est avec les patients chers populations de Donaye.

  • ikslebart (H) 29/06/2017 10:25 X

    Il ne sert à rien de pleurnicher. Il faut savoir prendre les bonnes décisions.

  • lass77 (H) 29/06/2017 07:28 X

    Voilà quand je dis que l'Arabie Saoudite seme la Fitna partout dans le monde , on me traite de raciste. Le fait de corrompre des dirigeants africains pour avoir des terres en vue de palier leur manque d'agriculture est une forme d'injustice flagrante. Quand à Aziz qui déclare qu'on ne peut pas empêcher les populations du Nord de venir travailler sur les terres du Sud , ça n'a aucun sens. ça doit etre dans la légalité et j'espere qu'il sera capable de dire aussi l'inverse. Il est president de tous les mauritaniens, le jugement dernier viendra.

  • lumiere (H) 29/06/2017 07:16 X

    L'Unite Nationale passe par regler cette injustice

  • lumiere (H) 29/06/2017 07:15 X

    @medabdul (H), @mauritanievive (H) Pourquoi vous niez la souffrance de ce village, quelle injustice! SVP menez vos propres enquetes aller surplace et decouvrez vous meme l'injustice a Donaye. Ils ont les droits de se defendre par tous les moyens necessaires, Allah vous donne ce droit, si vous mourrez, vous serrez au paradis

  • a.bennan (H) 29/06/2017 02:48 X

    Quel tam-tam! décidément vs adorez faire parler de vs...Mais au passage,qu'y a t il d'anormal a ce qu'un Sénégalais préféré rentrer chez lui les pieds devant?? Qu'est ce que vs invétérés encore!!

  • kalidou gueye (H) 28/06/2017 23:16 X

    Mes chers parents, je pense qu il est temps qu on prenne nos responsabilités et de se dresser devant ces hommes d affaires et devant le pouvoir pour en découdre avec eux bâtons à la main sans avoir peur. Quoi qu il en advienne. Balas avait fait l essentiel mais depuis qu il a tempéré son discours les revoilà à donaye. Je dis à la population de donaye de se défendre et de défendre leur territoire.

  • medabdul (H) 28/06/2017 23:01 X

    ce journal joue au pyromane,le problème de donaye date de 28 ans, les petits toucouleurs que vous citer dans votre article, des harratines pulaarises n'y peuvent rien.

  • mauritanievive (H) 28/06/2017 20:43 X

    ca a tout l'air d'une campagne massive de victimisation conduite par des milieux opportunistes .qui pretendent porter la cause des noirs . il y a une seule cause a mon avis celle de tous les mauritaniens et j'aimerais bien entendre la voie de quelequ'un qui defend celle tous noirs,blancs,jaunes ,metisses ,acolores sans pretention.