16-10-2017 10:35 - La Mauritanie, ce pays d’Afrique où l’esclavage persiste

La Mauritanie, ce pays d’Afrique où l’esclavage persiste

Le Devoir - Après des années de servitude, Boubacar Messaoud a obtenu sa liberté et a fondé l’association SOS-Esclaves. La Mauritanie est le dernier pays du monde à avoir aboli l’esclavage, en 1981. Trente-six ans plus tard, la question reste tout aussi brûlante dans ce vaste pays d’Afrique de l’Ouest, en plein cœur du désert du Sahara.

Entre un gouvernement qui refuse d’admettre l’existence de l’esclavage et une société civile épuisée de sonner l’alarme, comment concevoir que des milliers de personnes vivent toujours dans l’unique fin de servir leurs maîtres ?

On ignore le nombre exact d’esclaves en Mauritanie, contrée peuplée d’environ quatre millions d’habitants. Les estimations les plus conservatrices avoisinent les 40 000, mais certains n’hésitent pas à évoquer le chiffre de 160 000. « Ce que je sais, c’est qu’il y en a beaucoup », affirme Haby Mint Rabah, 43 ans.

Dans son logement modeste en périphérie de Nouakchott, la capitale mauritanienne, l’ancienne esclave raconte une vie passée dans la terreur de ses maîtres à la peau claire, des Maures. « Ils nous frappaient, ils nous humiliaient, ils nous torturaient […] Notre seul devoir était de travailler pour eux. »

Séparée de ses parents et de ses frères, Haby raconte avoir commencé à travailler très jeune, lorsqu’elle avait environ sept ans. « Je gardais les troupeaux et j’allais chercher de l’eau », explique la femme aux traits prématurément tirés par une vie de dur labeur. Avant qu’une ONG antiesclavagiste ne la libère en 2008, Haby a tenté de fuir à quelques reprises.

Apeurée et n’ayant nulle part où aller, elle finissait toutefois par regagner le domicile de ses maîtres. « Je ne savais pas comment partir », lâche-t-elle. Sans famille, sans éducation et sans argent, fuir et commencer une nouvelle vie semblait une mission impossible pour Haby.

« La société est esclavagiste »

« L’esclave chez nous n’est pas enchaîné. Il est libre de ses mouvements, mais attaché par son éducation », explique Boubacar Messaoud, assis dans la tranquillité de son jardin. Le regard de l’homme âgé de 72 ans se durcit lorsqu’il évoque la question. C’est que Boubacar parle d’expérience.

L’esclavage lui a collé à la peau pendant ses années d’enfance passées dans les champs de Rosso, au sud de la Mauritanie. « Votre mère vous éduque comme un esclave. Vous apprenez très vite qui vous êtes, on vous le dit », ajoute-t-il avec amertume.



Scène de vie quotidienne à Nouakchott, capitale de la Mauritanie


Malgré une jeunesse passée sous le spectre de la servitude, Boubacar a eu une chance que Haby n’a pas eue : ses maîtres lui ont permis d’aller à l’école. Avec les années, il finira par obtenir sa liberté et par fonder l’association SOS-Esclaves.

Aujourd’hui une figure de proue du mouvement antiesclavagiste, Boubacar poursuit son combat pour aider les anciens esclaves qui, même une fois libérés, continuent de faire face à de nombreuses barrières. « On vient en aide à des gens qui se noient », résume celui qui a effectué quelques séjours en prison pour ses activités militantes.

Esclave un jour, esclave toujours

Depuis qu’Haby Mint Rabah est libre, ses préoccupations quotidiennes ont changé du tout au tout. « Là-bas, je ne me souciais pas de manger. Maintenant, j’ai des responsabilités, j’ai des problèmes à résoudre pour vivre », explique-t-elle. Même constat du côté de Maatallah Ould Mbeirik.

L’homme âgé de 42 ans a fui en 2002 et a dû se battre dix longues années pour libérer sa mère et sa soeur. « Quand j’étais esclave, j’étais mal traité, mais j’avais de quoi manger et boire.

Aujourd’hui, je suis libre, mais je n’ai rien. »
Les deux anciens esclaves habitent dans la périphérie de Nouakchott, la capitale mauritanienne. Dans ces quartiers, une population démunie, née de l’urbanisation effrénée des dernières décennies, s’entasse pêle-mêle dans les bidonvilles où l’eau et l’électricité sont rares, contrairement aux montagnes de détritus qui jonchent le sol.

L’esclave est un damné. Il n’est rien et il n’a rien.

Boubacar Messaoud, ancien esclave et fondateur de l’association SOS-Esclaves

Au-delà de la précarité économique dans laquelle vivent les anciens esclaves, des obstacles structurels continuent de faire d’eux des citoyens de seconde classe — l’accès restreint aux papiers en est l’exemple le plus flagrant. « L’esclave n’a jamais eu de papiers puisqu’il était un bien de la tribu », explique Fatimata M’Baye, avocate et militante antiesclavagiste.

Ainsi, le fils de Haby, âgé de dix ans et né d’un viol, ne peut pas s’inscrire officiellement à l’école puisqu’il n’a pas de papiers. « C’est comme si nous étions toujours esclaves », soupire Maatallah, dont les neveux sont dans la même situation.

Ces difficultés, aussi accablantes puissent-elles être, sont le prix qu’Haby et Maatallah ont accepté de payer pour leur liberté. S’ils se battent aujourd’hui, ce n’est pas tellement pour améliorer leurs conditions que pour laisser un monde plus équitable à leurs enfants. « Je ne regrette pas d’être partie. Je regrette tout ce temps passé là-bas, tout ce que j’ai pu endurer comme maltraitance […] Le sentiment d’être esclave est tellement fort que même quand on est libéré, on ne peut pas oublier ce qui s’est passé, confie Haby. Je savais que si mon fils restait là-bas, il allait vivre la même chose que moi. C’est pour lui que j’ai fui. »

Que dit la loi ? La Mauritanie a criminalisé l’esclavage en 2007. Depuis, les gouvernements se succèdent et s’obstinent à refuser de reconnaître son existence. « Aujourd’hui, l’esclavage n’existe plus en Mauritanie. Les allégations faisant état de marchés d’esclaves ou de l’existence de personnes asservies sont fallacieuses et mensongères », a affirmé le commissaire adjoint aux droits de l’homme de Mauritanie, Rassoul Ould El Khal, dans un courriel envoyé au Devoir.

En 2015, le Parlement mauritanien a adopté une nouvelle loi contre l’esclavage, durcissant les peines d’emprisonnement et faisant de l’esclavage un crime contre l’humanité. Trois tribunaux spéciaux ont été mis en place, mais n’ont rendu que deux condamnations — alors que SOS-Esclaves dit avoir documenté près de 300 cas.

« C’est une opération pour prouver à l’opinion publique internationale qu’il n’y a pas d’esclaves », déplore le militant Boubacar Messaoud. « Soit on décide de lutter contre l’esclavage, soit on ne le fait pas », renchérit l’avocate Fatimata M’Baye.

Yasmine Mehdi - Collaboratrice



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Commentaires (13)

  • titan2013 (H) 18/10/2017 16:45 X

    Ce monsieur, apparement, n'a subi l'esclavage, qu'après avoir été renvoyé de la direction générale de la SOCOGIM.

  • cccom (H) 18/10/2017 08:38 X

    Mme la collabo, il n’existe pas d’esclave ni de racisme apparent ou discret en Mauritanie. Ce qui persiste ce sont principalement deux associations subventionnés à des desseins sournois par les ennemis de notre sérénité, unité et fraternité irréversible entre toutes les populations qui font fonds de commerce du discrédit de la Mauritanie . cheikhany_ouldsidina@yhoo.fr

  • ANDROMEDE (H) 17/10/2017 13:40 X

    Mme la collaboratrice, votre article montre combien vous voulez croire à ce que vous avez essayé, maladroitement, de décrire. Je demande aux lecteurs, mauritaniens surtout !, d'avoir pitié de vous et de vous épargner davantage de critiques. Pour tes personnages, et en particulier Boubacar, pensez à autre chose pour gagner votre pain avant que vous ne vous retrouviez sur les carreaux car la source se tarit inexorablement

  • mohamed w.l (H) 17/10/2017 13:14 X

    Quelle honte meme pour mentir ils ne trouvent pas le temps de faire une petite vérification. Ce monsieur un l'un des premiers mauritanien à faire l'école et il est parmi les premiers diplômés sortant de l'URSS début des années 70 promotion de kebir selami ould Ahmed your. ....

  • SAF-B.F.L. (F) 17/10/2017 13:01 X

    HÉÉÉ!!! BONNET YOO!!! Comme disait Sankara: « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère . » Point de BLA_BLA_! HÉÉ BONNET YOO!

  • sraghaa (H) 16/10/2017 16:39 X

    L'esclavage existait bel et bien en Mauritanie mais il n'en existe plus aucun cas et personne ne veut ni ne peux plus j

  • jakuza (H) 16/10/2017 14:16 X

    Autant l'on ne peut être fier d'être descendant d'esclaves autant il n'y a nulle fierté à être un descendant de maîtres d'esclaves! Tous nous devons ensemble éradiquer ce fléau ...

  • Bertrand (H) 16/10/2017 14:16 X

    Comment d'anciens esclave libérés par miracle parle avec nostalgie de cet esclavage ou il n'avaient pas de souci matériel? Cet article est bizarre son auteur n'a pas révisé ses (devoir).

  • Bertrand (H) 16/10/2017 14:13 X

    Moi je suis esclave pas de mon éducation mais de celle des autres qui ne veulent pas me laisser de part. Il a une belle tente et un mobilier mauritanien typique, si je pouvais me libérer fonder mon a-sauce-ation avoir mon jardin et ma grande tente...

  • Bertrand (H) 16/10/2017 14:06 X

    Il a un jardin ce que beaucoup de ses prétendus maîtres n'ont pas. il dit que l'esclave est libre de ses mouvements, mais prisonnier de son éducation. Expliquez moi s'il fou plait.

  • Bertrand (H) 16/10/2017 14:04 X

    L'article commence par un mensonge que chacun peut déceler : l'Article "Après des années de servitude, Boubacar Messaoud a obtenu sa liberté et a fondé l’association SOS-Esclaves." Comme si se libéré d'un esclavage archaique était une question de petite promenade, comme quelqu'un qui entre dans une boutique et sort les mains pleines de bonnes choses. Quels sont ces maître qui laissent leur esclave se libéré sans contrainte et qui de surcroît le liasse fondé une association qui les tympanise tous les jours avec des mensonges qui ne dupent que celui qui les suscite? Boubacar Messoud est un homme libre depuis sa naissance, s'il est esclave de quelque chose c'est de son estomac qui ne se rempli pas. Les occidentaux te donneront tout au plus une arme avariée pour tuer ton frère.

  • abarry45 (H) 16/10/2017 12:10 X

    La société mauritanienne est organisée comme ça Des arabes peuls soninkes etc ont des cadres seuls les oulofs ont dépassé ce mode Chez les peuls un torodo ne se mariera pas avec une forgeronne ou vice versa Les gnegnos avec les gnegnos Qui peut apporter un contre exemple Les Haratins ne sont pas esclaves il faut arrêter les amalgames Dans la société soninkes un esclave ne peut jamais diriger la prière du les nobles sont là même s il est plus formé ai coran Faire changer en douceur les choses En France c est 50 ans après lq declaration que les choses ont changé Patience pour changer les mentalités

  • ASSOCIATION MAIN PROPRE (H) 16/10/2017 10:53 X

    ha ha ha ouuuuf ,je connais très bien ce vieux Boubacar Messaoud , croyez-moi , Il est le démagogue, qui défend le mieux ces propres intérêts et avant tout sa poche , il fait de la question de l'esclavage un vrai fonds de commerce . BIRAM ENTE VEM