L'Eveil Hebdo - Rarement une affaire aura autant captivé la scène nationale et eu des répercussions internationales que celle de Ould Mkheitir. Sa condamnation à mort pour apostasie en décembre 2014, avait entrainé de vives réactions et pressions en tout genre.

Le pouvoir qui avait cédé à une partie de la rue, s’est vite rétracté et depuis d’appels en appels, le feuilleton semblait interminable. Embarrassées, les autorités mauritaniennes ne semblaient plus savoir sur quel pied dansait. Même après le dernier verdict qui consacre sa libération, cette affaire continue de gêner le pouvoir qui garderait encore le jeune blogueur dans un lieu secret.

A l’annoncé du verdict, jugé trop clément par une partie de la rue mauritanienne, de nombreuses manifestations ont éclaté dans la capitale et quelques villes de l’intérieur du pays. Mouvement de protestation, barricades, pneus brûlés et répressions policières.

D’un autre coté, c’était le soulagement. En effet beaucoup d’autres mauritaniens ne comprenaient pas pourquoi la tête du blogueur était réclamée d’autant plus qu’il s’était repenti.

Dès le début, il faut dire que cette affaire a déchaîné la colère des milieux islamistes radicaux qui estimaient que le blogueur avait dénigré le valeurs fondamentales de l’Islam , quand il disait avoir voulu dénoncer l'instrumentalisation de la religion pour justifier certaines discriminations au sein de la société mauritanienne. Son premier avocat avait ainsi jeté l'éponge après des menaces.

L’on se souvient encore que durant cette période, face à une foule assemblée devant la présidence pour une manifestation dite de « défense de L’islam», Mohamed Ould Abdel Aziz avait réaffirmé : « La Mauritanie n'est pas laïque, l'islam est au-dessus de tout », et avait remercié les manifestants de s'être mobilisés pour « condamner le crime commis par un individu contre l'islam ».

D’un autre coté, des défenseurs des droits humains et quelques « démocrates » mauritaniens avaient manifesté leur inquiétude sur ce qui était qualifié de monter en puissance « des forces obscurantistes ». Mais c’est surtout les pressions et de la communauté internationale dénonçant une atteinte à la liberté d'expression du blogueur qui mettaient l’Etat mauritanien dans l’embarras. Dès lors les appels se succédaient et la justice semblait hésitante quant à la position à prendre face à ce problème.

Et ce qui parait clair dans cette histoire, c’est que la justice mauritanienne a montré encore une fois qu’elle est loin d’être indépendante. On la verrait mal, prendre à elle seule, la décision de relâcher le jeune blogueur après l’avoir condamné à mort. L’ombre de l’exécutif pour ne pas dire des plus hautes sphères de l’Etat a du passer par là.

Mais que l’on ne s’y trompe, le mouvement « pro Islam rigoureux » à démonter à maintes occasions, sa puissance lors des manifestations de rue. Le pouvoir qui pensait par calcul politique récupérer la foule qui réclamait la tête de Ould Mkheitir, s’est senti par la suite piégé. Il lui fallait se démettre du harpon. Et maintenant il doit affronter de face ce mouvement qui prend de l’ampleur. Une partie du FNDU s’est également désolidarisé du verdict et a regretté que le pouvoir ait cédé aux pressions internationales. Une sortie qui en a surpris plus d’un ne comprenant pas que ce forum qui réclame à corps et à cri l’application d’une véritable démocratie puisse soutenir des forces « obscurantistes ».

En tout état de cause, le pouvoir a opté pour la libération du jeune blogueur qui devrait retrouver la liberté dans l’immédiat ou dans un proche avenir. Mais ce qui inquiète actuellement l’opinion mauritanienne y compris son avocate, c’est que nul ne sait où se trouve Ould Mkheitir. Il est sûr que sa sécurité ne peut être assurée dans le pays et que forcément seul le chemin de l’exil se profile pour lui d’autant plus que ses parents ont trouvé refuge en France.

AOB