09-12-2017 16:33 - IDEES. Ces vrais problèmes africains que les élites ne veulent pas voir | Par Abdel Nasser Ethmane

IDEES. Ces vrais problèmes africains que les élites ne veulent pas voir | Par Abdel Nasser Ethmane

Jeune Afrique - Le Sommet UA-UE s’achevait, le 30 novembre, à Abidjan ; au-delà du succès de l’organisation, les résultats illustrent ce confort réifiant de la diplomatie qui consiste à traiter les effets pour mieux différer les causes.

Tribune. L’occasion s’offrait de démystifier les ressorts d’une faillite unilatérale, lesquels justifient la ruée vers l’Europe dont la prochaine vague bout déjà. Hélas, la pensée mercantile – par définition impatiente – empêcha les esprits d’avoir le courage de cette vision.

Une population nombreuse recèle un marché, clament les praticiens de l’empirisme épicier. Et comment envisager le marché sur un champ de ruine ? Au lieu de parler, enfin, reboisement, contraception volontaire, démocratie et éducation contre l’intolérance, l’on se fit resservir du « forum des affaires », « entreprenariat » et « business plan ». « Investir dans la jeunesse » aura été un énième leurre.

L’occultation

Les foyers de tension jihadiste se disséminent et leur espace enfle. De conflit de basse intensité et menace résiduelle, la dynamique tisse son asymétrie autour de la planète. Le vieux continent ne semble préparé au péril terroriste ; ce dernier se greffe sur les inégalités et l’impunité de la concussion, pour s’enraciner parmi les déshérités, avant d’irriguer le corps social. La déconfiture de l’État africain découle, surtout, de l’immunité de ses élites, rarement comptables devant les électeurs.

Pourtant, selon la vox populi, nos misères ne relèvent pas de notre responsabilité ; c’est la faute de l’impérialisme, du Blanc, de l’étranger… Pourquoi s’exercer au désagrément de l’autocritique lorsque la mémoire vous offre l’opportunité d’une esquive, sans délai ?

La déforestation, l’analphabétisme, la surnatalité et le chômage, contribuent à propager et amplifier l’extrémisme religieux et sa promesse d’une félicité post-mortem. Les damnés de la terre, que leur terre stérile ne nourrit plus, descendent profond, du Sahel au Sud, avec ou sans le cheptel bovin, là où subsiste de la verdure.

Ils s’y confrontent aux autochtones, en majorité cultivateurs sédentaires ; résulte, du choc, une invasion en douceur que ponctuent, cependant, des tueries pour l’appropriation du sol, sur fond d’ethnicité, bientôt de haine confessionnelle. Le prosélytisme de l’uniformisation ronge, en silence, la diversité de la culture et des modes de vie. Partout, désertification, poussée des naissances et des bidonvilles insalubres précèdent l’apparition des prédicateurs salafistes, puis, dans leur sillage, les femmes et fillettes, vêtues de noir, sous un soleil de plomb. Nos gouvernements y considèrent plutôt le fait divers, voire un mode insolite de mondialisation. Néanmoins, au risque d’improviser une théorie des climats, l’évidence d’une corrélation de la violence religieuse à l’hostilité de la nature s’impose, en Afrique.

Le piège

D’un pays à l’autre vous êtes affligés par la même histoire de sélection vénale aux concours, d’embauches achetées, de bourses d’études obtenues grâce à une « avance » que la famille cotise. Restent, au gros contingent sans espérance, les trois options du pire : la délinquance de connexion, le chemin de la noyade et le suicide en martyre. Les plus pressés misent, en général, sur le raccourci vers le Paradis.

Or, face au fanatisme, nombre d’institutions multilatérales de développement ne disposent des instruments prédictifs d’analyse, d’anticipation et de riposte. À peine savent-elles en atténuer les symptômes, souvent du point de vue de la trivialité pratique et avec retard. À d’exotiques exceptions près, l’Afrique, non plus, n’offre pas de perspective viable à ses enfants. La facilité en vogue leur fait miroiter l’imminence du salut.

Une école, un dispensaire et une gare débordent d’une affluence pour laquelle ils n’étaient pas conçus et les citoyens s’empressent de recourir à la corruption, comme réflexe de survie ; ainsi arrachent-il à l’encan, un lambeau de droit trop disputé ; ils dépensent le peu en leur possession, à l’unique fin de gagner un jour dans la jungle du pullulement. Par campements entiers, des multitudes d’orpailleurs clandestins creusent en quête d’or, infectent les nappes phréatiques de mercure et de cyanure et ne reboisent jamais ; ailleurs, d’autres abattent des arbres pour semer, chauffer la marmite et bâtir un logis ; l’urbanisation horizontale accentue le désastre de l’écologie et ses conséquences paraissent peu réversibles.

Le sursaut

Les cadres de l’Afrique rassurée, chantres d’un optimisme de convenance auquel ils finissent par croire, éludent le lien entre démographie et surconsommation de ressources non-renouvelables. Quand le président d’une puissance coloniale s’aventure à leur tenir la vérité banale, l’invective fuse. Pas davantage n’admettent-ils l’hypothèque de la polygamie.

À présent, trêve de complaisance, le temps est venu de réévaluer les moyens pour prévenir la simultanéité d’autant de facteurs de désordre ou, du moins, en amoindrir les répercussions, d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Loin des mirages de l’émergence, il s’agit, d’abord, d’inverser la vitesse d’une fertilité qui surpasse, la création de richesses.







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Source : Jeune Afrique
Commentaires : 4
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Commentaires (4)

  • guarej (H) 12/12/2017 02:13 X

    Le problème de nos intellectuels, l’inertie des idées, Ousama ne représente plus un danger ,l’effet daeesh était révolu en Irak et en Syrie ,la branche Al-Qaïda Maghreb a été replié, saissons l’hypocrisie envers l’occident . • Quelle est la menace de organismes barbares sur la jeunesse africaine. Vos plaidoyers, pour les droits de l’Homme ne sont plus crédibles, car vous faire semblant d’ignorés les bienfaisances de l’islam sur l’humanité. Oser dire a vos seigneurs devenus sensibles de l’islam à cause de vous ?que l’islam est autre que ces organisme fanatique et qui se résume pas à des jurisprudences appliqués selon des circonstances connus et atypiques.

  • bibigalle (H) 11/12/2017 13:55 X

    Un cerveau réellement brillant!!! Dommage que le pays n'a pas su en tirer profit. Bravo l'artiste!! c'est si joliment résumé

  • foutatoro (H) 10/12/2017 11:30 X

    Un autre immense cerveau perdu pour l'erreur coloniale. Encore exilé face au vide intellectuel sidéral dans notre archaïque de bled.

  • jakuza (H) 09/12/2017 17:02 X

    "...traiter les effets pour mieux différer les causes.." ? différer le traitement des causes me semble t-il! Gros risque de s'aventurer à corriger un écrit de Jemal, l'une des plumes les plus acérées de notre temps! Sur le fond, toujours brillant l'auteur nous offre une synthèse courte des vastes défis que nous risquons de nous prendre sans réagir! Comme ce lapin qui ne daigne mordre le bras qui l'égorge...parce que le couteau chatouille...