Le Calame - Moi, en tant que citoyen mauritanien de la cinquième région ; plus exactement, de la ville d’Aleg ; de la communauté harratine, de la tribu de qui vous savez –maintenant, il n’ya plus aucune honte, ni gêne, ni tabou, à dire haut et fort de quelle tribu tu es.

Dis-moi de quelle tribu tu es, je te dirai dans quel parti tu milites. Je te dirai où tu manges le couscous. Dans quel quartier tu habites. Quelles sont tes fréquentations. Dis-moi de quelle tribu tu es: je te dirai qui est ton général. Ton mécanicien. Ton plombier. Ton ministre. Ton griot. Ton forgeron. Ton marabout. Ton ambassadeur.

Ton commissaire de police. Chez qui tu te coiffes. Chez qui tu t’habilles. Dans quelle mosquée tu pries. Dans quelle école tu envoies tes enfants. Dis-moi quelle est ta tribu : je te dirai dans quel groupe de l’Union Pour la République tu applaudis. Pour qui voteras-tu, lors des régionales, des municipales, des législatives. Dis-moi de quelle tribu tu es : je te dirai ce que tu penses de l’arrestation du sénateur Mohamed Ould Ghadda.

C’est selon ta tribu que tu parleras comme le groupe de travail des Nations Unies, si elle est arbitraire, ou comme le gouvernement, si elle est justifiée. Dis-moi ta tribu : je te dirai ce que tu penses d’Ahmed Daddah, de l’opposition, des marchés de gré à gré, du nouveau Palais des congrès, du patronat, du football en Mauritanie. Du troisième mandat, du rite malékite, de l’exécution des officiers du 16 Mars.

Dis-moi ta tribu : je te dirai ce que tu penses du Manifeste du Négro-africain opprimé, des FLAM, d’IRA, de Bush, de Trump, de Clinton. Dis-moi ta tribu : je te dirai ce que tu penses des femmes, de l’école, de la polygamie, du mariage précoce, de la fatwa de Cheikh Sidiya Baba.

Dis-moi ta tribu : je te dirai ce que tu penses du Parti du Peuple Mauritanien (PPM), des Kadihines de Mauritanie, des Chartistes, du coup d’État contre Moktar Ould Daddah. De la guerre du Sahara, de la révision des accords militaires avec la France, de la nationalisation de la MIFERMA, du coup d’État contre Haïdalla, de la mort d’Ahmed Bouceif, des structures d’éducation des masses.

De la tentative des Cavaliers du changement, du coup d’État de 2005. Dis-moi ta tribu : je te dirai ce que tu penses du HCE, du troisième mandat, des accords de pêche, des élections de 1992 et de 2007. Dis-moi ta tribu : je te dirai ce que tu penses de Sidi Ould Cheikh Abdallahi.

De la Fondation de Khattou Mint El Boukhary, de la Fondation Ahmedou ould Mohamed Abdel Aziz. Dis- moi ta tribu : je te dirai ce que tu penses de la liquidation de l’ENER, de la faillite de la SONIMEX, de la descente aux enfers de la SNIM. De la situation de l’Imprimerie nationale et du sort de ses cent quinze employés.

Dis-moi ta tribu : je te dirai ce que tu penses de la Résistance, d’Oum Tounsi et de toutes les autres batailles, supposées ou réelles, contre les colons. Dis-moi ta tribu : je te dirai ce que tu penses du nassérisme, du baathisme.

Ce que tu penses de Saddam : martyr ou démon. Ce que tu penses de Kadhafi : dictateur ou réformiste. Dis-moi ta tribu : je te dirai ta région, ton parti, ton idéologie, ta confrérie. Dis-moi ta tribu : je te dirai ton journal, ta radio, ta télévision, ton sport favori, ton animal préféré.

Dis-moi ta tribu : Je te dirai tes accointances avec les Wolofs. Avec les Halpoular. Avec les Soninkés. Ta perception des Harratines. Dis-moi ta tribu : je te dirai quel riz tu manges à midi. Yebreg, Super, Basmati ou, tout simplement, marou Mouritani. Dis-moi ta tribu : je te dirai combien de thés bois-tu par jour. Quel aïch, quel couscous tu préfères.

Qui tu aimes. Qui tu hais. Qui tu admires. Il y a encore vingt-cinq ans,tu demandais, à un Nouakchottois,le nom de sa tribu, il te répondait : je suis du Ksar, du sixième, de la Médina ou de la Kebba. De Nouahibou, Mederdra, Aleg, Atar, Tidjikdja, Boghé ou Kaédi. Dis-moi ta tribu : je te dirai ce que tu penses du sacre de la France, redevenue, après vingt ans d’échecs, championne du monde de football. Salut.

Sneiba El Kory