22-09-2018 17:43 - Mauritanie – Lô Gourmo Abdoul : « Si Aziz voulait changer la Constitution, ce serait un coup d’État »

Mauritanie – Lô Gourmo Abdoul : « Si Aziz voulait changer la Constitution, ce serait un coup d’État »

Jeune Afrique - Une semaine après la victoire du parti au pouvoir au second tour des élections législatives, régionales et locales en Mauritanie, le professeur de droit Lô Gourmo Abdoul affirme qu’une modification constitutionnelle permettant au président Aziz de briguer un troisième mandat est impossible, sauf coup d’État juridique.

Enseignant de droit public à l’Université du Havre, Lô Gourmo Abdoul est aussi le vice-président chargé de la communication et des relations internationales de l’Union des forces progressistes (UFP) mauritanienne.

Il y bataille aux côtés du président du parti, Mohamed Ould Maouloud, pour en finir avec un pouvoir issu d’un coup d’État militaire en 2008, et réussir une alternance pacifique lors de l’élection présidentielle de 2019.

Jeune Afrique : Pourquoi l’opposition n’a-t-elle pas pu confirmer, au deuxième tour des élections, les avancées qu’elle avait réalisées au premier ?

Lô Gourmo Abdoul : Les faiblesses du dispositif électoral, que nous avions constatées au premier tour, se sont amplifiées au second. Cela a été confirmé par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), qui a pointé par exemple le fait que seuls les membres des bureaux de vote appartenant au parti majoritaire pouvaient contrôler les cartes d’identité.

Dans les grandes villes, l’opposition était menaçante, mais il y a eu une volonté manifeste de la part du pouvoir de prendre la main sur le processus électoral. Les résultats tombaient au compte-gouttes, ce qui autorisait toutes les manipulations. Nous ne nous faisions pas d’illusions sur le résultat final, car le pouvoir avait mis le paquet.

Pour la première fois, l’opposition avait mis sur pied une coalition en bonne et due forme et, s’il y avait eu un minimum de transparence, notre présence au Parlement aurait été plus substantielle. C’est pour cela que le chef de l’État s’est lancé personnellement dans la bataille. Du jamais vu ! Il s’est montré très agressif vis-à-vis de l’opposition radicale, ciblant les islamistes. Des menaces ont été proférées à l’égard de certains candidats. On a agité un risque de chaos si nous l’emportions. Dans ce climat délétère, les notables ont eu peur et se sont réalignés.

Pourquoi le parti islamiste Tawassoul s’est-il imposé comme le fer de lance de l’opposition ?

C’est clairement un parti qui a une dimension nationale. Ils ont présenté des listes et des candidats dans toute la Mauritanie. Ils s’étaient préparés de longue date, puisqu’ils en avaient les moyens. Ils n’avaient également pas boycotté les précédentes élections législatives et municipales. Ils avaient une longueur d’avance auprès de l’opinion, mais les votes ont été complexes.

On a constaté un mouvement de mécontentement chez les électeurs. Dans la majorité, celui-ci s’est exprimé par la percée de l’Union pour la démocratie et le progrès (UDP). Dans l’opposition, il a profité à Tawassoul.

Croyez-vous à la possibilité que la majorité obtenue par son parti au Parlement permette au président de modifier la Constitution, afin de pouvoir se présenter en 2019 pour un troisième mandat ?

Non. Même s’il avait obtenu 100% des députés, la Constitution n’aurait pas été modifiable. S’il voulait la changer, ce serait un coup d’État.

Pour mobiliser son camp durant la campagne électorale, le président a agité le spectre d’un troisième mandat. Mais une modification du nombre de mandats présidentiels aurait des conséquences au-delà de la Mauritanie. Les chancelleries ont manifesté leur désir de voir respecter le principe de deux mandats seulement.

Quels projets l’opposition propose-t-elle pour la présidentielle de 2019 ?

Nous allons constituer un groupe parlementaire puissant, et accompagner le processus de transition jusqu’au départ d’Aziz. Nous serons des porte-voix. Nous rappellerons les frontières à respecter pour éviter une rupture catastrophique. Ce Parlement n’a pas vocation à durer, car le nouveau président cherchera à avoir une nouvelle majorité.

Qui sera ce président ?

Certainement quelqu’un de l’opposition, parce que le peuple aspire au changement.

Par Alain Faujas



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Source : Jeune Afrique
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Commentaires (4)

  • synthetiseur (H) 24/09/2018 12:25 X

    Jahil, et j'espère que votre pseudo n'est pas révélateur de votre personnalité, et cela parait de votre contribution très bien élaborée, le seul problème cest que vous n'apportez rien de nouveau au fait que le président conformément à la constitution ne peut briguer que deux mandats. Vous semblez etre bien au fait des dispositions de la constitution; Seulement vous ne devez pas ignorer que Le verrou à travers le serment est incontournable car c'est un serment vis à vis du constituant. Par ailleurs s'en prendre à Lo Gourmo ne sera pas la solution pour changer la future constitution à moins que justement comme dit Lo Gourmo, il n'y ait un coup d'Etat constitutionnel. NB, je n'ai jamais rencontré Lo Gourmo, je ne le connais que de nom et de tout ce que j'entends de lui comme l'un des meilleurs juristes de la sous région.

  • jahil (H) 23/09/2018 11:28 X

    Voici 5 points que je tiens à rappeler à LO Gourmo Abdoul éminent Professeur de droit Franco-Mauritanien, qu’il feint d’ignorer pour interpréter tendancieusement l’évolution du paysage politique mauritanien au lendemain des élections municipales, régionales et législatives des 1er et 15 septembre 2018.

    1/ Les dispositions, de la Constitution mauritanienne du 20 juillet 1991 rétablie et modifiée par la loi constitutionnelle N°2006-014 du 12 juillet 2006, complétées ou modifiées par la loi constitutionnelle N°2012-015 du 20 mars 2012, est largement inspirée de la Constitution de la 5ème République Française. Certains ont l’outrecuidance de dire qu’elle truffée de « copier-coller ». Elle sera donc, avec le dictionnaire de la langue de Molière, la référence de ce qui suit.

    2/ En politique, on parle d'alternance politique lorsque des partis appartenant à des courants politiques différents se succèdent au pouvoir. En pratique, l'alternance consiste généralement en un renversement de la majorité politique lors d'élections présidentielles et/ou législatives. Vouloir la légitimer par la durée ou le nombre de mandats inspirés par des conjonctures politiques particulières ou subjectives est une manœuvre quelque peu saugrenue. Les dispositions de la Constitution de la 5ème République Française ont, en la matière, connu une évolution rythmée et définie par des lois constitutionnelles :

    • Avant 1962, le Président de la République était élu par un collège de grands électeurs. Il n’y avait pas de limitation de la durée ou du nombre de mandats.

    • Avant la révision constitutionnelle du 2 octobre 2000, la durée du mandat était de sept ans. Pour conjurer les risques que les trois cohabitations ont fait subir au fonctionnement des institutions, la durée a été réduite à cinq ans. Il faut cependant rappeler que les deux seuls présidents ayant fait deux mandats consécutifs entiers sont François Mitterrand, qui ne se représenta pas suite au cancer dont il succomba après la fin de sa présidence, et Jacques Chirac, qui avait envisagé de se représenter pour la 3e fois mais renonça suite aux mauvais sondages et à la montée de Sarkozy.

    • C’est dans son deuxième alinéa que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a limité le nombre de mandats successifs. Faut-il par ailleurs rappeler qu’avant le coup d’Etat de 03 août 2005, Ould Taya exerçait un 3ème mandat de six ans ?

    3/ Autant l’existence de l’Etat, l’atteinte à l’intégrité du territoire, la forme républicaine des Institutions, le caractère pluraliste de la démocratie mauritanienne, et l'alternance politique suite au renversement de la majorité politique lors d'élections présidentielles et/ou législatives, s’imposent, autant la limitation et la durée des mandats sont purement conjoncturels pour répondre à des situations particulières. Si cela a été le cas en France, quid de la situation en Mauritanie ?

    4/ Si la Majorité parlementaire issue des législatives des 1er et 15 septembre 2018 décide de modifier les articles 26, 28 et l’alinéa 2 de l’article 99 de la Constitution, conformément aux dispositions de l’alinéa 1 de l’article 99, et de l’article 101, pourrait-on parler de « Coup d’Etat politique » ? Si oui, LO Gourmo Abdoul, éminent Professeur de droit Franco-Mauritanien, en serait co-auteur pour avoir été le malheureux N°2 de la liste nationale de l’UFP aux législatives, et pour avoir vaillamment battu campagne infructueuse par monts et par vaux.

    5/ N’ayant pas encore réalisé son échec personnel, et l’ampleur de la cuisante défaite subie par sa formation (3 Députés soit 1,9 %), et de toute l’opposition (33 Députés soit 21%), il lance un appel à la résistance pour annihiler les projets de la majorité qui compte 120 Députés soit 76,4 %. Il oublie cependant d’expliquer comment sa formation politique déchirée par un vent de laïcité, va collaborer avec les islamistes de Tewassoul (14 Députés sur les 33 de l’opposition) confortés dans leur incontestable position de leaders de l’opposition.

  • Steve Biko (H) 22/09/2018 23:14 X

    Je voulais tellement vous croire Professeur dans ce passage plein de sens et je vous cite : Non. Même s’il avait obtenu 100% des députés, la Constitution n’aurait pas été modifiable. S’il voulait la changer, ce serait un coup d’État. En disant cela vous oubliez à qui vous avez affaire, nos érudits ont déjà dit que le président pouvait se passer du Coran qui peut être échangé contre je ne sais quoi, donc Pr, votre bon sens et votre droiture n’est pas le cas de ceux qui sont en face.

  • synthetiseur (H) 22/09/2018 19:04 X

    La politique vole trop bas en Mauritanie. Les vibrants discours sans détours et mobilisateurs ont laissé place aux louvoiements et aux cachoteries, les règles du jeu démocratiques sont prises en otage par les ploutocrates et les tribalistes, les institutions démocratiques sensées etre des arbitres et des faiseurs de justice et d'égalité sont investies et dérégulées par la pusillanimité, l'opacité et la crainte de déplaire, Les chances devant les urnes sont rendues inégales par l'emprise du pouvoir et de l'argent sur les scrutins et par la vulnérabilité économique et intellectuelle des masses, et pire que tout cela nous avons un président va-t-en guerre sur tous les fronts et menant le bateau Mauritanie vers l'échéance de 2019 dans une opacité déconcertante plus pour ses propres partisans que pour ses détracteurs. Le Président Aziz doit s'accorder un temps de méditation et repartir sur d'autres bases car croire que tenir un pays se résume à l'aspect sécuritaire, à la mise au pas des protagonistes politiques, à l'instauration d'un climat de suspicion et de peur chez le citoyen le poussant à se cloitrer sur lui meme, sont des méthodes désuètes et suicidaires. Combien de dirigeants on fait les frais de telles enterprises?