24-10-2018 00:30 - Interdiction du niqab : la France épinglée par un groupe d’experts de l’ONU

Interdiction du niqab : la France épinglée par un groupe d’experts de l’ONU

Le Parisien - Le Comité des droits de l’homme, qui reproche à Paris sa loi de 2010 sur le niqab, n’a aucun pouvoir de contrainte sur les États.

Comme l’avait annoncé La Croix au début du mois, un groupe d’experts de l’ONU a « condamné » mardi la France pour avoir verbalisé deux femmes qui portaient le voile islamique intégral, demandant à Paris de « compenser » les plaignantes et de réviser sa loi. Toutefois, ces experts indépendants, réunis au sein du Comité des droits de l’homme à Genève, ne font que rendre des avis et n’ont aucun pouvoir de contrainte sur les Etats.

Ce Comité de 18 experts, qui dépend du Haut-Commissariat pour les droits de l’homme de l’ONU, avait été saisi en 2016 par deux Françaises de confession musulmane condamnées à une amende pour le port en public du niqab, le voile islamique intégral avec seulement une ouverture pour les yeux.

Une loi, adoptée par le Parlement français en 2010, interdit tout vêtement dissimulant le visage dans l’espace public sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 150 euros. Dans un communiqué de presse, le Comité a jugé que « l’interdiction du niqab viole la liberté de religion (et) les droits humains » de ces deux musulmanes.

Paris insiste sur la « pleine légitimité » de la loi

« Le Comité reconnaît que les États peuvent exiger des individus qu’ils découvrent leur visage dans des circonstances spécifiques dans le cadre de contrôles d’identité, mais il a été d’avis que l’interdiction généralisée du niqab était une mesure trop radicale », poursuit le communiqué.

En réaction, le ministère français des Affaires étrangères a rappelé dans un communiqué « que la loi de 2010 interdit la dissimulation du visage dans l’espace public dans la mesure où celle-ci est jugée incompatible avec le principe de fraternité et le socle minimal des valeurs d’une société démocratique et ouverte ». Paris souligne également que « le Conseil constitutionnel a jugé la loi conforme à la Constitution. La Cour européenne des droits de l’homme a elle-même jugé dans sa décision du 1er juillet 2014 que cette loi ne porte atteinte ni à la liberté de conscience, ni à la liberté de religion et qu’elle n’est pas discriminatoire ».

« La France souligne donc la pleine légitimité d'une loi dont l'objectif est de garantir les conditions du vivre-ensemble nécessaire au plein exercice des droits civils et politiques, auquel elle est attachée et qu'elle promeut dans son action internationale », conclut le communiqué.

Le président du Comité, l’Israélien Yuval Shany, a affirmé qu’il considérait personnellement, comme « nombre » des 17 autres experts, que le niqab était « une forme d’oppression contre les femmes ». Le Comité a estimé que l'« interdiction généralisée à caractère pénal […] a porté atteinte de manière disproportionnée au droit des deux plaignantes de librement manifester leur religion ». Il a également reproché à cette loi de « marginaliser » ces femmes « en les confinant chez elles et en leur fermant l’accès aux services publics ».

Réponse dans les 180 jours

Le Comité demande en conclusion à la France de lui envoyer un « rapport de suivi » dans un délai de 180 jours sur les mesures prises pour « compenser les plaignantes » et « éviter que des cas similaires se reproduisent à l’avenir, y compris en révisant la loi incriminée ». Les 18 experts, élus pour 4 ans, sont chargés de surveiller le respect par les pays membres du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Dans une interview, la Lettone Ilze Brands-Kehris, membre du Comité, a reconnu que le voile islamique était « une très grande question qui suscite aussi beaucoup d’émotion et de réactions, et donc qui peut être politisée et manipulée ». Mais, a-t-elle ajouté, « ce n’est pas le rôle du comité, nous, on fait une analyse strictement juridique de la situation ».

Interrogée sur l’absence de pouvoir contraignant du Comité, elle a souligné que la France est, malgré tout, « dans l’obligation » de se conformer aux recommandations du Comité, en tant que signataire du Pacte sur les droits civils et politiques.

Déjà pour l’affaire Baby-Loup

Ce n’est pas la première fois que le Comité des droits de l’homme de l’ONU s’immisce dans le débat sur la laïcité en France. En août, le Comité a donné raison à une Française musulmane qui avait été licenciée par la crèche Baby-Loup parce qu’elle refusait d’enlever son foulard sur son lieu de travail. Les experts ont estimé qu’il s’agissait d’une « atteinte à la liberté de religion » et demandé à la France de l’indemniser dans les 180 jours.

Malgré la loi de 2010, le niqab ou la burka n’ont pas disparu de l’espace public en France et sont mêmes en augmentation dans certaines banlieues. Le braqueur Redoine Faïd, qui était devenu l’homme le plus recherché de France après son évasion spectaculaire de prison le 1er juillet, se cachait lui-même sous une burqa lorsque les policiers l’ont localisé après trois mois de cavale dans la ville de Creil.

Le Parisien avec AFP



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