27-11-2018 14:30 - En attendant la présidentielle de 2019

En attendant la présidentielle de 2019

Abou moussa Pandel - Les contours restent flous autour des candidatures à la présidentielle de 2019. Ni le pouvoir, ni l’opposition ne veulent dévoiler les noms de ces hommes ou femmes qui brigueront le suffrage universel ;

Les mauritaniens se languissent de cette attente et de ce vide et ne savent point comment préparer leur engagement d’un coté ou de l’autre... Est-ce par tactique ou par pure incapacité de le faire ? La seule quasi certitude que les mauritaniens ont, c’est que Mohamed Ould Abdel Aziz a déclaré une énième fois à la presse étrangère qu’il ne sera pas candidat.

Et cette fois, sa déclaration a été assez explicite, pour signifier à tous ces partisans du troisième mandat qu’il les a écoutés de même qu’il a écouté les défenseurs de la limitation et qu’en définitive il a pris fait et cause pour ces derniers.

Mais le hic c’est qu’en habile manœuvrier il a jeté un nouveau pavé dans la marre en précisant que rien ne l’empêche de se représenter à l’issue du prochain mandat quinquennal. Vaste programme pour les constitutionnalistes. Ce n’est point mon propos.

L’échéance de 2019 approche à grands pas et la Mauritanie va vivre un tournant de son histoire politique. Pour la première fois, un président mauritanien va céder un pouvoir non pas par les contingences d’un coup d’Etat ou d’une défaite électorale mais sous le coup d’un article de la constitution difficile à enfreindre à moins de subterfuges et de contournements peu orthodoxes et couteux que Mohamed Ould Abdel Aziz a eu l’intelligence d’éviter et dans l’intérêt général et dans son propre intérêt.

Pour la première fois également, le changement à la tête du pays peut ne pas signifier nécessairement un changement total de cap politique, ni de style de gouvernance, à moins qu’une alternance politique effective permette à un nouveau président élu de ne point appartenir à la famille politique du pouvoir en place ou d’être le protégé sponsorisé par l’actuel président et sa mouvance politique. Tout porte à croire que les mauritaniens, malgré l’acte posé par l’article de la constitution visant justement à favoriser une alternance politique, vont devoir ne pas se méprendre et être en mesure de comprendre certains faits et certains échafaudages politiques.

En quittant le pouvoir par astreinte constitutionnelle, donc à contre cœur, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a conservé des atouts qui peuvent lui permettre de mener en maestro, les joutes politiques à venir. D’abord, l’homme a visiblement les moyens financiers suffisants pour sponsoriser une candidature qu’il voudra, deuxièmement, les hommes qu’il a mis en avant pour d’éventuelles candidatures sont ses inconditionnels ; Je vois difficilement comment ils vont s’écarter d’un iota de son giron et de sa prédominance. Le Général Mohamed Ould Ghazounay est qualifié d’alter égo et de l’ami de la première heure et de la dernière heure ; Moulaye Ould Mohamed Laghdaf est un ami sûr, serviable et n’a jamais affiché d’ambitions personnelles à contre courant de celle du Président et Mohamed Ould Baya est l’homme à tout faire. Toute autre personnalité notamment hors de ce cercle restreint pourrait difficilement bénéficier de la confiance de Mohamed Ould Abdel Aziz.

Néanmoins et en bémol à tout cela, depuis quelque temps selon les salons de Nouakchott, le général Ghazouany ferait face à une fronde silencieuse de l’entourage immédiat du Président visant à le discréditer et à lui barrer le chemin de la candidature. L’homme serait pourtant crédité d’une bonne aura au niveau de l’opinion nationale, des officiers de l’armée nationale et bénéficierait de l’aval tacite des capitales occidentales.

Mêmes certains pans de l’opposition ne feraient point la moue suite à sa candidature bien au contraire. Connu pour ses civilités, son calme et sa perspicacité, n’ayant jamais fait de vagues, il ne déplait pas aux mauritaniens ; seul couac, il prolongerait la main mise de l’armée sur le paysage politique, ce que pourtant d’aucuns pensent qu’il rectifiera très tôt dans le cadre de mesures décisives vers une alternance politique réelle. Quant à Ould Mohamed Laghdaf, jeté aux orties pendant quelques mois, suite aux manœuvres machiavéliques de l’ancien premier ministre Yahya Ould Hademine auprès du palais, il serait le joker de dernière minute après la subite supposée disgrâce de Ghazouani.

Ould Baya lui reste en réserve au cas où. Ces tergiversations au plus haut niveau pourraient expliquer le flou qui subsiste autour de l’annonce de ces candidatures. L’opposition, elle, se cherche toujours, et craint tellement le retour de Aziz, qu’elle se concentre sur le seul et unique objectif de le faire déguerpir, car à ses yeux, le mal c’est lui et lui seul ; qu’il tienne sa parole de quitter le pouvoir et n’importe qui sera le bienvenu. Courte vue, il faut en convenir.

Dans tous les cas et quel que sera le choix définitif de Mohamed Ould Abdel Aziz, la question est de savoir comment et jusqu’à quelle limite, chacun de ces présumés dauphins, pourra être capable, en cas de victoire et une fois assis sur le fauteuil présidentiel, de tenir dans une situation de président virtuel ? Les contingences de gouvernance seront si pressantes et si pesantes que l’imprévisible n’est pas à exclure. La question se pose de la même manière de savoir quelle marge de manœuvre pourra garder Mohamed Ould Abdel Aziz pour conserver un pouvoir d’influence une fois hors du circuit du pouvoir exécutif, parlementaire et législatif ;

Cela d’autant plus que l’homme malgré ses efforts évidents de laisser un bilan palpable, ( beaucoup d’infrastructures, de centrales électriques, de routes, modernisation de la capitale, renforcement des libertés surtout d’expression) a fait des erreurs qui le poursuivent, notamment le conflit avec Bouamatou, la mauvaise gestion du cas Biram, le choix d’un des plus contestés premiers ministre de l’histoire Yayha Ould Hademine, et de ministres peu acceptés par l’opinion tels Ould Diay et Mohamed Lemine Ould Cheikh entre autres, l’opacité qui a entouré certains grands dossiers économiques et financiers, et certains grands projets, et la non déclaration de son patrimoine qui a ouvert la voix à toutes sortes de rumeurs sur l’enrichissement personnel du Président Aziz et de son entourage immédiat.

Les deux principaux protagonistes de notre arène politique, le pouvoir comme l’opposition, focalisent donc leurs préoccupations sur le choix de l’homme providentiel qui pourrait non pas redresser la Mauritanie et la mettre sur la bonne voie, mais qui pourrait plutôt représenter le moindre mal pour sauvegarder et protéger les intérêts des uns grâce à la perpétuation d’un système ou alors pour nous débarrasser d’un encombrant et indécrottable Aziz pour les autres. N’auraient-ils pas pu s’entendre dans le cadre d’un consensus national sur une alternance politique concertée, porteuse de paix, de stabilité et d’épanouissement pour le peuple mauritanien ? Certes la part du pouvoir est largement plus grande dans cette responsabilité partagée.

Mais il faut aussi reconnaitre que ce même peuple qui a porté les uns au pouvoir et qui a confié aux opposants de ce pouvoir l’expression de leur paroles indignées sans jamais leur donner son soutien pour une quelconque alternance, est complice de la situation que vit la Mauritanie.

Les élites démissionnaires, auxquelles se sont substitués troubadours, flagorneurs et hypocrites de tous genres, ont achevé la tache que des ploutocrates, des tribalistes et arrivistes de tous bords ont entreprise depuis des décennies pour faire de la Mauritanie un pays du chacun pour soi Dieu pour tous, de la déliquescence des mœurs et des valeurs, de l’insouciance et de l’irresponsabilité, du clientélisme politique, du mercantilisme, de l’hypocrisie, de l’arrivisme, de la cassure du tissu social, de l’exacerbation des replis identitaires, du non respect de la chose publique, de l’instrumentalisation des institutions et de l’Etat, de la disparition des normes, des repères et des critères et de l’approfondissement du fossé entre riches et pauvres.

2019 sera une année test pour jauger la capacité des mauritaniens surtout des élites, qui ne sont pas seulement les diplômés, mais tous ceux qui ont la capacité de prendre conscience, de comprendre, d’agir sur leur environnement, à se ressaisir, oublier les intérêts étroits, les contradictions secondaires et pour une fois mettre en place la rampe de lancement d’une nouvelle Mauritanie, celle des institutions républicaines, des valeurs démocratiques, d’un partage des ressources, celle d’un homme une voix, celle du respect de l’égalité des chances, celle de la transparence des élections, de la transparence tout court, celle de la neutralité de l’administration, celle d’une CENI réellement indépendante et renforcée dans ses capacités, celle où chaque citoyen entreprend une prise de conscience réelle sur les enjeux futurs pour lui, sa survie, son avenir, ceux de sa famille, de ses enfants et des générations futures.

Mohamed Ould Abdel Aziz a pris une décision historique, celle de ne pas braver la constitution, il donne l’exemple ainsi à bien de dirigeants à travers le monde ; Son œuvre sera plus complète s’il accepte de se tenir à l’écart de tout ce qui peut de manière, illégitime, illégale ou immorale perturber les élections de 2019. Le peuple mauritanien lui en saura gré.

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Commentaires (2)

  • kalidou gueye (H) 27/11/2018 18:43 X

    Grande surprise INCHAALLAH au lendemain des élections

  • El Houssein (H) 27/11/2018 17:31 X

    Il est bien de l'intérêt des uns et des autres de faire annoncer le nom de leur candidat pour permettre aux leadeurs de choisir leur camp et voir la réaction du citoyen simple. Il faut nécessairement prendre en compte cette dernière, car elle existe et peut surprendre. Pour les noms cités, il y'a certains qu'il ne faut pas mettre en jeu, ils ne représentent rien pour les mauritaniens, d'autres jouissent d'un simple tant mieux. A bon entendeur salut.