05-05-2019 00:00 - [Libre Expression] GTA : une autre mise à l’épreuve de la conscience des acteurs des industries extractives

[Libre Expression] GTA : une autre mise à l’épreuve de la conscience des acteurs des industries extractives

Sidi El Moctar Ahmed Taleb - Beaucoup de Mauritanien ignorent tout sur le Projet Grand Tortue-Ahmeyim (GTA) et peu de gens aussi savent qu’il s’agit de l’exploitation d’une réserve gazière de 15 Tcf et que la part devant revenir à la Mauritanie peut potentiellement transformer sa situation économique et sociale au niveau rêvé par sa population ; un objectif qu’a échoué à le réaliser la pêche et les autres ressources minières et agro-pastorales.

Ce GTA est un Projet qui fait déjà couler des salives chez certains au point d’être d’accord pour sacrifier les ressources halieutiques nationales et ce malgré le caractère de ces dernières de "ressources par définition renouvelables".

Face à ceux-ci, se dressent d’autres qui sont contre l’exploitation offshore de gaz et de pétrole indifféremment des précautions prises et des garanties certifiées par les experts de renommée en la matière.

Entre les deux positions extrêmes, se trouvent heureusement les adeptes du compromis dans les secteurs public et privé (y compris la recherche scientifique) et dans les rangs de la société civile organisée.

S’agissant particulièrement de l’exploitation du GTA, elle constitue aujourd’hui une nouvelle épreuve de conscience pour tous les acteurs qui y interviennent déjà ou qui le seront dans les phases ultérieures (Etat mauritanien, BP et ses sous-traitants, société civile, etc.).

A cette occasion, cet éclairage est partagé avec l’opinion publique nationale, notamment celle non avertie sur les enjeux des industries extractives ainsi que sur ses principaux acteurs traditionnels.

L’Etat :

Dans les conventions avec l’opérateur économique étranger, l’Etat doit toujours préciser nommément les institutions nationales devant obligatoirement être associées aux deux phases d’exploration et d’exploitation, y compris évidemment la préparation de l’Etude d’Impact Environnement et Social (EIES) et le plan de gestion qui l’accompagne nécessairement. Cette mesure a, à mon humble avis, plusieurs avantages.

Elle garantit une meilleure qualité des travaux à travers la mise en commun des points forts de la partie mauritanienne (connaissance du terrain et données sur la zone) avec ceux du partenaire étranger (expertise, équipements et matériels sophistiqués, nouvelles méthodologies utilisées dans le domaine, inventaire plus exhaustif des données bibliographiques, etc.).

Faire intégrer les chercheurs nationaux dans toutes les étapes du processus d’exploration et d’exploitation, lève aussi la contrainte actuelle constituée par la nécessité d’avoir l’accord de ce qu’on appelle ‘’les parties du Projet’’ pour que les nationaux accèdent aux données utilisées dans les documents du projet et autour desquels on pourrait assister à des désaccords entre les parties contractantes ou faire l’objet de divergences de points de vue, voire de critiques de la part d’observateurs indépendants.

Cette intégration aide aussi à un meilleur éclairage des décideurs, notamment sur le contenu des conventions de partage, les choix et options relatives aux modalités d’exécution de tout projet de ce genre et enfin, les contours de l’EIES. Aussi, elle facilite l’édification et l’adhésion des populations de la zone du projet et des organisations de la société civile nationales et internationales concernées.

L’implication des chercheurs mauritaniens, permet également à la Mauritanie de disposer, à travers la formation et l’expérience, d’une équipe multidisciplinaire compétente capable de défendre, dans un domaine où on a un grand déficit, l’intérêt général tant des générations présentes que futures.

Sociétés gazières et/ou pétrolières :

Dans leur très grande majorité, ces sociétés sont transfrontalières et généralement très puissantes dans leurs rapports réciproques et plus puissantes encore face à leurs gouvernements respectifs et à ceux des pays où elles opèrent. Malgré tout ce qu’on peut leur reprocher, elles sont un mal nécessaire puisque les richesses du sous-sol d’un pays ne sont pas de l’argent comptant quelles que soient leurs quantités estimées, leurs valeurs marchandes ou leur place stratégique dans les relations internationales. Les dépenses risquées dans l’exploration et les couts de l’exploitation dans le cas de résultats économiquement concluants, justifient la majorité des facilités qui leur sont accordées par les pays hôtes pour parvenir à une cohabitation de type "commensalisme" ou "parasitisme".

La plus importante recommandation à faire à ce sujet à l’endroit des autorités des pays hôtes, se rapporte à leur vigilance quant à (i) l’identification de l’ensemble des risques, (ii) à la nature des mesures d’atténuation (mitigation) proposées et enfin, (iii) à la transparence et l’équité dans la gestion ultérieure des revenus de l’exploitation (modalités de remboursement de l’opérateur, maîtrise des dépenses et utilisation de la part nationale, etc.).

Société civile :

La presse et les organisations de la société civile spécialisées dans l’environnement dans son acceptation la plus large, ont un grand rôle à jouer dans la gestion des ressources naturelles nationales. S’acquitter convenablement d’un tel rôle, impose, à ces acteurs incontournables dans notre monde d’aujourd’hui, la crédibilité, la neutralité et un certain niveau de qualification et de professionnalisme.

Il s’agit de savoir chercher l’information et persévérer pour l’avoir, être assez outillé pour vérifier, traiter et analyser cette information et enfin, d’en faire sortir un produit digeste qui éclaire l’opinion publique sur les activités du gouvernement, en général et les polémiques qui surgissent parfois, en particulier. A propos, défendre un concitoyen ou son pays quand ils ont raison, n’est pas une défaillance à la mission ou une trahison du devoir, moins encore un crime.

Par ailleurs, des perturbateurs peuvent ressurgir à tout instant et vouloir s’ériger en un acteur non négligeable.

Il y a d’abord des institutions de recherche ou des chercheurs indépendants ayant conduits des travaux de recherche dans les eaux sous juridiction nationale. Ceux-ci peuvent parfois détenir d’énormes données dont une proportion n’est jamais partagée, pour des raisons stratégiques ou commerciales, que dans des circonstances particulières.

Ensuite, la concurrence entre les opérateurs d’un même domaine, peut conduire à des tentatives de manipulation des décideurs au sein de la sphère du pouvoir exécutif, législatif et militaire, d’hommes d’Affaires influents, de la société civile et des chercheurs. Pour ces concurrents, la fin justifie toujours les moyens dont les pots de vin et les "fonds de maquillages" destinés à financer des actions de bienfaisance pour atténuer la colère des populations locales et les critiques des autres concurrents et des opposants locaux.

Serait-ce certainement cette réalité amère qui est l’origine de la création, en 2003, de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) et de tous les efforts entrepris, à l’échelle nationale et internationale, pour lutter contre la corruption.

Devant les enjeux qui entourent le GTA comme exemple concret, le pragmatisme, pour un pays comme le nôtre, doit être de mise. Cela signifie qu’une fois la convention de partage est signée et l’EIES officiellement approuvé, il faut surtout chercher à sauver ce qui pourrait encore l’être.

En d’autres termes, il faut jouer sur la constitution des membres des organes de surveillance et de suivi-évaluation du Projet. C'est-à-dire organiser ces outils autour d’une équipe de chercheurs minutieusement choisie, ce qui pourrait aider à une bonne mise en œuvre des phases suivantes de ce GTA. L’augmentation du montant du « fonds de maquillage » et la réalisation d’actions concrètes et pertinentes au cours des premières années de la prochaine phase du Projet, devront faire partie des réponses de la BP aux perturbateurs du climat et semeurs de doute, d’abord et à ses propre détracteurs, ensuite.

Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme




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