12-06-2019 09:54 - L'Editorial du Calame : Très, très courte vue

L'Editorial du Calame : Très, très courte vue

Le Calame - Lors d’un débat télévisé de la campagne électorale pour la présidentielle de 2007 en France, Arnaud de Montebourg, un des leaders du parti socialiste de l’époque, fit une déclaration choc.

Interrogé, par le journaliste, sur les chances de la candidate socialiste, Ségolène Royal, face à Nicolas Sarkozy, il se permit une pique dévastatrice. « Le seul problème de Ségolène, c’est son compagnon » ; qui n’était autre que François Hollande. Pour paraphraser cet homme politique français, peut-on dire que le seul problème de Ghazwani, c’est Ould Abdel Aziz ?

Frappé par la limite constitutionnelle des mandats, notre rectificateur en chef ne veut rien lâcher, pas même la bride à son ancien compagnon d’armes. Présent à ses côtés, lors de l’ouverture de la campagne électorale à Nouadhibou, il lui a imposé, dans son staff, des ministres parmi les plus décriés du gouvernement et veut le voir assumer une partie du lourd héritage de ses onze années de pillage et de disette, à la tête de l’Etat.

Un poids mort dont Ghazwani voudrait bien se passer mais l’ombre tutélaire de son ami risque fort de hanter ses nuits, quelque temps encore. Si elle ne lui vaut pas des déboires, elle ne le servira, en tout cas, sûrement pas. Très décrié, ce pouvoir qui a mis le pays en coupe réglée devrait plutôt faire profil bas.

Le malheur est qu’Ould Abdel Aziz se croit encore populaire. Ses slogans de 2009 sur le président des pauvres et la lutte contre la gabegie ont fait long feu. Confrontées à la dure réalité, ils n’ont tenu que le temps d’une rose. Ce n’est qu’après avoir échoué dans ses tentatives d’arracher un troisième mandat qu’il s’est décidé à soutenir un candidat à la présidentielle qui ne pouvait être qu’un général défroqué, comme lui, proche parmi les plus proches et en qui il avait une totale confiance. Cela lui vaudra-t-il élection pour autant ?

Argentine, Février 1946. Le docteur José Tamborini, de l'Union démocratique, semble le mieux placé et financièrement soutenu pour remporter l’élection présidentielle. Mais son adversaire le colonel Juan Domingo Perón, ancien ministre du Travail, dispose d’un réel soutien populaire. Aussi l'ambassadeur des États-Unis, Spruille Braden, très proche des milieux affairistes qui soutiennent Tamborini, décide-t-il de s’impliquer publiquement, en participant activement aux meetings de l’Union démocratique.

Il publie même un pamphlet, connu sous le nom de « Blue Book », (Livre Bleu) accusant Perón de liens fascistes. Mais celui-ci va très habilement retourner ce trop voyant soutien de l’ambassadeur étranger. Répondant au « Livre Bleu » par son propre livre «Livre Bleu et Blanc » (les couleurs du drapeau argentin), il y développe son antagonisme à l'impérialisme des Yankees, s’attirant ainsi beaucoup de soutiens nationalistes. Avant de résumer l’élection par un lapidaire : « Perón ou Braden » ; réduisant définitivement le docteur Tamborini à l’état de marionnette des intérêts états-uniens.

Résultat des courses : Perón est élu par 56% des votes malgré l'opposition des libéraux et des communistes. Cerise sur le gâteau, son parti travailliste devient majoritaire dans les deux chambres de l'Assemblée.

Ould Abdel Aziz parie, il l’a dit à Nouadhibou, sur un passage en force dès le premier tour, épargnant à « son » candidat tenu en laisse, les affres d’un tête-à-tête où l’adversaire unique de Ghazwani aurait beau jeu de résumer l’élection par un tout aussi lapidaire : « Aziz ou moi ».

Chaque jour qui passe, maintenant, révèle la réalité de ce postulat, réduisant comme peau de chagrin la capacité de Ghazwani à démontrer qu’il existe indépendamment de son « maître ». Avec cette inconnue supplémentaire, bien plus redoutable : si, d’aventure, Ould Abdel Aziz réussissait son pari de forcer le premier tour, au prix des plus ubuesques manipulations du vote, quel avenir, pour la Mauritanie ?

Le seul problème de Ghazwani, c’est peut-être bien Ould Abdel Aziz mais le seul vrai problème d’Ould Abdel Aziz, c’est très certainement, sa très, très courte vue.

Ahmed Ould Cheikh



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Commentaires (8)

  • bleil (H) 12/06/2019 14:22 X

    Les deux châtelains du moment partagent une seule ambition individuelle: l'argent indu ... la Mauritanie a besoin d'une légitimité réelle du pouvoir pour sortir de l'auberge !

  • khaledwalid (H) 12/06/2019 14:00 X

    Opinionpublic (H), vous écrivez "...jusqqu'à prendre les reines en main.."! prendre les rênes c'est mieux pour garder le cap.

  • bleil (H) 12/06/2019 14:00 X

    Ou plutot les cordes ... En réalité le pays est dans de sales draps, ses paisibles populations ballotées entre l'optimisme béat et une amère réalité de survie au quotidien ! Le dernier des mohicans veut bien partir avec le magot en toute sécurité, en évitant toute poursuite mais également et surtout un énième putsch qui lui serait fatal ! En tout état de cause les cordes que nous descendons dans l'arène actuelle sont trop courtes à mon sens pour un puits relativement profond; un processus électoral géré de A à Z par le châtelain du moment pour l'échec certain de la légitimité du pouvoir par les urnes...

  • khaledwalid (H) 12/06/2019 13:56 X

    Ahmed Cheikh, Arnaud n'est pas de Montebourg. Il est Arnaud Montebourg. Pas de particule. votre analyse est une façon que vous voulez subtile de dresser Ghazouani contre Aziz mais c'est sans espoir. Ces deux hommes partagent une ambition pour la Mauritanie et croire que Aziz est un problème pour Ghazouani est affirmation plus que gratuite.

  • bleil (H) 12/06/2019 13:49 X

    Excellente prose ... vous avez bien visé ! Ce ne sont pas des militaires qui profitent d'une sinécure qui vont l'abandonner facilement ! les candidats actuels ne font pas le poids:n'accusons pas le puits d'être trop profond, c'est la corde qui est trop courte.

  • bleil (H) 12/06/2019 13:47 X

    Excellente prose ... vous avez bien visé ! Ce ne sont pas des militaires qui profitent d'une sinécure qui vont l'abandonner facilement ! les candidats actuels ne font pas le poids:n'accusons pas le puits d'être trop profond, c'est la corde qui est trop courte.

  • hamadel (H) 12/06/2019 11:19 X

    le pertinent A cheikh

  • Opinionpublic (H) 12/06/2019 11:14 X

    Il était temps de le dire et de suivre ce monsieur Abdel Aziz qui croit maintenir le bon bout de l’histoire, il s’est trompé de cavalier et de bon suiveur, l’histoire des autres pays ou des hommes ont adoubés leurs dauphins et ils ont fini par couler en prison, parce que encombrant, Aziz ne devait en aucun cas se rendre à l’ouverture de la campagne de NDB, il a fait non seulement de l’ombre mais du tort au peuple mauritanien, il a fait du tort à son soit disant successeur qui fait tout pour ne pas heurter son mentor, Ghazwani prend Aziz pour son Dieu ou il fait semblant jusqu’à prendre les reines en main et lui dire merde, la courte vue d’Aziz ne pouvait pas dépasser le faite de croire que le peuple l’aime pour une seule journée de fête Nationale. Il a fait perdre à un ami et frère d’arme beaucoup d’électeur qui pense qu’Aziz conditionnera Ghazwani dans son choix de demain et comme disait le président du groupe parlementaire, Ghazwani sera là comme un exécutant. Seulement à voir les fleurs que jette Ghazwani sur Aziz, on peut tout de suite comprendre que Ghazwani joue le jeu du plus malin. Aziz se sent fini et il est prêt à tout et il ne croit pas en Dieu et pense que son pouvoir dépassera le 22 juin ou le deuxième tour s’il en aura.