10-07-2019 15:51 - Dialogue politique : Biram Dah Abeid en meneur isolé

Dialogue politique : Biram Dah Abeid en meneur isolé

Kassataya - Au lendemain de la confirmation par le Conseil constitutionnel de la victoire de Mohamed Ould Ghazouani à l'élection présidentielle du 22 juin 2019, la crise post-électorale qui s’implémentait depuis le 23 juin 2019 risque-t-elle de se dissiper dans les jours à venir ?

Biram Dah Abeid, arrivé deuxième de cette présidentielle avec 18% des suffrages exprimés, dont il conteste la sincérité, a appelé dès les premières heures de la contestation au calme et au dialogue.

Le champion de la lutte contre l’esclavage, connu pour sa radicalité (dans le discours anti-esclavage et politique), s’inscrit très tôt dans un réalisme politique (qui surprend certains observateurs) dont le soubassement est le dialogue politique avec les autorités en place. Il est suivi dans cette entreprise par les trois autres candidats à savoir, Sidi Mohamed Ould Boubabar, Kane Hamidou Baba et Mohamed Ould Maouloud.

Ces quatre opposants mettent en place une stratégie commune et un dispositif technique commun vis à vis du pouvoir dont le fondement est le rejet des résultats de cette élection. Ils s’engagent à n’entamer de discussions que dans ce cadre commun et rejettent toute rencontre parallèle en solo.

De la démarche commune à une entreprise solitaire ?

Depuis le début de la contestation de l’élection de Mohamed Ould Ghazouani dont l’investiture est prévue le 2 aout 2019, l’opposition s’est engagée dans une dynamique commune, afin de peser considérablement sur les potentielles négociations politiques.

Nul doute que de toute l’opposition, le grand vainqueur de cette élection n’est autre que Biram Dah Abeid qui en cinq ans gagne 10 points de plus (8% à l’élection présidentielle de 2014 et 18% à celle de 2019) malgré son alliance avec le parti nationaliste arabe SAWAB. Les observateurs de la scène politique mauritanienne s’inquiétaient d’un potentiel isolement de Biram Dah Abeid pour en faire l’unique interlocuteur avec le gouvernement (en se fondant sur ses résultats) au détriment de ses alliés conjoncturels que sont les autres partis de l’opposition avec lesquels il a cheminé depuis la période pré-électorale à la crise post-électorale naissante.

Le gouvernement, en choisissant d’envoyer son ministre de la fonction publique porte-parole du gouvernement par intérim et président du directoire du parti UPR à Biram Dah Abeid pour entamer un dialogue, fait un coup double.

Il isole Biram Dah Abeid des autres opposants et en même temps, il redore son blason en montrant sa disponibilité à répondre aux sollicitations de l’opposition dans un contexte qui lui est peu favorable.

L’opposition, particulièrement celle qui a porté la candidature de Kane Hamidou Baba est vent debout contre ce début de dialogue entre Biram Dah Abeid et le pouvoir.

Quelques minutes après la sortie de Biram Dah Abeid, tour à tour, le porte-parole et le directeur de cabinet du candidat Kane Hamidou Baba porté par la CVE ont affirmé n’être pas engagés par le dialogue car ils n’étaient pas sollicités.

Ainsi les premières fissures de cette alliance conjoncturelle entre Biram Dah Abeid et Kane Hamidou Baba arrivé troisième de cette élection présidentielle avec 8% des voix hypothéqueraient-elle la jonction de la lutte Hratine et celle des Négro-mauritaniens, considérée comme la hantise du pouvoir en place.

En acceptant de rencontrer en solo l’émissaire du gouvernement, Biram Dah Abeid s’engage seul dans les prémices d’un dialogue avec, il faut le dire, un gouvernement dont il ne reste que 20 jours.

Que faut-il attendre du dialogue avec un gouvernement qui en 10 ans, comme le dénonce Biram Dah Abeid et les autres opposants, n’a pas respecté les termes des différents dialogues politiques qu’il a engagés ?

Cette rencontre risque de faire exploser en plein vol cette stratégie commune isolant Biram Dah Abeid de l’opposition traditionnelle. Maitre des horloges politiques depuis un certain temps, Biram Dah Abeid ne risque-t-il pas de se transformer en marchant de sable dans ce désert politique ?

Mohamed Ould Ghazouani et son équipe qui prendront le pouvoir le 2 août 2019, n’étant pas partie prenante de ce dialogue, vont-ils s’engager à respecter les termes d’un probable accord ?

Biram Dah Abeid est il prêt à reconnaître la légitimité du président nouvellement élu ? Et si oui à quel prix ?

Une stratégie à double tranchant

Biram Dah Abeid comme au poker joue son va-tout avec le risque soit de s’ériger en fin stratège politique ou de devenir le Ponce Pilate de l’opposition.

S’il réussit son pari, il ringardise la « vieille garde politique » et s’offre un boulevard pour les prochaines échéances.

Si par contre il échoue, il perdra une base électorale séduite par son discours de rupture et de refus de compromis avec le pouvoir en place.

D’autant que la singularité de Biram Dah Abeid résidait dans son refus catégorique de négocier avec un pouvoir qu’il n’a jamais reconnu. Ce coté tranchant et clivant qu’il a cultivé a fait de lui le champion d’une nouvelle génération politique qui prône une rupture totale avec ce qu’ils appellent le système politique en place.

Enfin, engager un dialogue sur la libération des militants détenus suite aux manifestations, le passif humanitaire, la question de l’état civil est certes salutaire, mais il traduit un aveu d’échec et la reconnaissance implicite de Mohamed Ould Ghazouani. Les arrestations dont il est question font suite à la contestation de la sincérité des résultats de l’élection présidentielle, donc la seule et vraie revendication de l’opposition devrait être l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle avec comme préalable la refonte de la CENI, du fichier électoral…

Le reste des revendications est en réalité un programme politique ou un projet de société dont l’effectivité n’est pas conditionnée au dialogue mais plutôt à une volonté politique des gouvernants.

Kassataya



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 5
Lus : 3330

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (5)

  • Chenguitien 2019 (H) 11/07/2019 15:10 X

    Askatasuna cachés toi.dans ta misère de banlieusards et laisse la Mauritanie et les Mauritaniens vivre. CeT ton genre qui voudra de 89. Que dieu protège les paisibles mauritaniens. Cette election a montré comme le dit ci bien Lass7 qu'il n' y a pas de parti maure ou negromauritanien.

  • Askatasuna (F) 11/07/2019 01:29 X

    HOOH!! BOOYS!Cette Cochonnerie Vachement Ethnicisé n’a rien compris de la démarche de Biram qui veut nous éviter un 1989 BIS et ses suites les années de braise! Les toukouleurs soyez plus intelligents car actuellement on est en train d’expulser les sénégalais et après s’il n’y a plus de sénégalais à expulser où se tournera le régime en place avec cet état d’urgence post-électoral qui ne dit pas son nom … vers les négros et plus précisément les toucouleurs en commençant par les pêcheurs et les cultivateurs car les vrais peuls authentiques sont des éleveurs et n’ont pas été visibles durant la campagne électorale. Et puis il faut savoir qu’entre les beïdanes et les harratines c’est une parenté très proche comme le berger peul authentique et ses zébus! Une fois qu’ils se retrouvent chacun connait sa place et son rang… Il suffit d’un regard pour que chacun rentre dans les rangs et plus de bruit! HOOH! BOOYS!

  • hi (H) 10/07/2019 19:04 X

    C’est le choix qu’il faut.

  • mdmdlemine (H) 10/07/2019 16:37 X

    C'est certain Biram a fait le bon choix car le pouvoir gendarme doit être apprivoiser lentement mais surement surtout qu'il ne sera pas en face des volte-face d'Aziz mais plutôt de la dextérité et la pondération de Ghazouani dsont le temperement dans la limite de l'acceptable lui a valu le soutien d'importants pans de l'opposition BDA ne fait donc que l'intérêt de la Mauritanie car la confrontation ne résout rient sachant qu'il a déjà fait la prison à maintes reprises sans que les opposants se soucient de son incarcération Il est temps donc de négocier avec le pouvoir qui a besoin de cette ouverture pour se renforcer et s'imposer sans brusquer

  • salloumar (H) 10/07/2019 16:14 X

    Un triste anniversaire ce jour. Le 10 juillet 1978 avec le début du coup d’état permanent des bidasses, notre pays à sombré dans l'obscurité pour toujours. Salam. Oumar Débé.