29-07-2019 22:30 - Après le 1er Août 2019 : attention au scénario le moins probable

Après le 1er Août 2019 : attention au scénario le moins probable

Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme - D’après la presse et la rue, le mois de juillet a semblé, pour beaucoup de Mauritaniens, être le mois le plus long de l’année 2019. Et le premier Août, leur paraitra aussi certainement le jour le plus long.

Autrement dit, tout le monde serait pressé de voir si, une fois effectivement entré en fonction, le Président élu ira-t-il vers la refonte du système hérité ou choisira la poursuite pure et simple dudit système.

Ce sont là donc deux (2) scénarii qui reflètent d’une part, les avis divisés des analystes politiques de la scène politique nationale et que le simple citoyen lambda ne manque pas de commenter dans un sens d’espoir comme dans celui de l’incertitude, voire de la déception.

Scénario de la rupture avec le système Aziz

Pour les demandeurs et les rêveurs d’un changement radical, le système actuel du Président Aziz est condamnable car il s’est caractérisé par la capacité de ce dernier à gérer le pays, et à l’échelle du plus petit détail, avec l’aide de quelques collaborateurs de confiance, de son ordinateur, de son téléphone et d’autres accessoires technologiques sophistiqués.

L’acharnement contre la personne du Président des Pauvres et ses proches soutiens, semble empêcher ses ennemis de lui chercher des excuses dans le système de gouvernance qui prévalait avant 2005 et les fait aussi oublier d’autres réalités très importantes.

D’abord, la gestion fortement centralisée du Président sortant a, malgré ses inconvenants en l’ère de démocratie, donné des résultats positifs énormes et assez concrets pour qu’ils puissent être cachés au peuple par les adversaires et les ennemis politiques.

Ensuite, on oublie que nos co-Présidents actuels sont des compagnons unis dans la paix comme dans la guerre depuis plus de 40 ans. Ils sont aussi les auteurs des changements ayant le plus marqué la vie du pays depuis 2005 et cofondateurs du système politique, mis aujourd’hui en cause par certains parmi ses piliers les plus solides et des gens qui en avaient pleinement profité.

En somme, ce système dont la refonte devient bizarrement une revendication a été conçu pour perpétuer le pouvoir dans les mains d’anciens militaires. Il ne peut alors être démantelé que par ce qu’on appelait, dans le temps, ‘’révolution’’ et qui se traduit, dans nos jours, par le désordre total ou le mouvement de foules. Qu’Allah épargne la Mauritanie de tout cela et de toute mésaventure de vrais militaires ou de milices.

Scénario de la continuité du système Aziz

Partant de beaucoup de considérations, pouvant superficiellement être valables, d’autres observateurs jugent que le Président Al-Ghazouani assurera la continuité du système Aziz tout le temps qu’il restera à la magistrature suprême. Ainsi, il décevra tous ceux qui en avaient placé l’espoir de sauveur.

Mais, l’examen en profondeur du côté discret de l’homme, pourrait bien révéler qu’il a toutes les chances et les capacités de toiletter le système politique bâti par son prédécesseur de manière à préserver les grands fondements nécessaires pour un équilibre stable tout en répondant aux attentes de la majorité de ses soutiens, notamment pragmatiques. Une version maquillée où prédomine le pragmatisme, serait, à mon avis, tout ce qu’on peut raisonnablement demander à notre nouveau Président durant son premier quinquennat.

En conséquence, il est de l’intérêt du pays, conformément à cette approche précautionneuse, que le Président entrant garde les mêmes liens d’amitié avec le Président sortant et qu’il arrive à valoriser les multiples atouts dont dispose son Ami de longues années.

Son Excellence pourrait aussi commencer son pouvoir par une période de transition, c'est-à-dire un premier gouvernement dont l’objectif principal serait l’apaisement de la scène politique nationale à travers (i) l’organisation d’un dialogue inclusif et d’élections municipales, régionales et législatives transparentes et puis (ii) la redynamisation de l’UPR (révision des textes et renouvellement des instances dirigeantes) dans le cadre d’une logique cohérente avec les orientations générales annoncées dans le programme électoral.

A l’issue de cette première étape pouvant ainsi être appelée ‘’la transition de la transition’’ et à la lumières des évolutions qui auront été opérées, la devise devra alors devenir, durant tout le premier mandat ‘’un Etat fort de par ses institutions’’. Ceci résume l’orientation vers la mise en œuvre d’un programme pertinent, l’instauration d’un Etat de droit et l’adoption d’un cadre institutionnel adéquat où l’homme qu’il faut sera à la place qu’il faut.

Un premier niveau de déclinaison des grands thèmes qui précèdent, conduirait à :

1. Concevoir un organigramme de l’Etat reflétant les priorités du programme électoral du Président élu et facilitant sa mise en œuvre et la réalisation de ses objectifs : Ministères, Ministères Délégués, Secrétariats d’Etats, Agences, Commissariats, etc. (http://cridem.org/C_Info.php?article=670735) ;

2. Mettre en place un gouvernement dont les membres sont choisis sur la base de critères minutieusement définis : acceptation psychologique par le peuple et la confiance en leur capacité de mettre en œuvre le programme électoral (écrit et non écrit) du Président élu, la prise en compte des particularités mauritaniennes, etc.

3. Veiller rigoureusement au contrôle des organigrammes des départements ministériels et assimilés afin de mettre fin à leur conception pour un souci plutôt de loger le maximum de personnes (http://cridem.org/C_Info.php?article=672551);

4. Garantir la responsabilisation des cadres à tous les échelons de la hiérarchie administrative ;

5. Assurer la valorisation des ressources humaines pour leur rôle dans la bonne gouvernance (reconsidérer le statut de fonctionnaire de la fonction publique, respecter les corps professionnels, les profils, les expériences, assurer l’équité dans l’accès aux postes de responsabilité, promouvoir la formation continue et la participation aux manifestations à caractères technique et scientifiques, etc.) ;

6. Finir avec la politisation des postes techniques et éclaircir davantage ce qu’on entend par ‘’poste politique’’ ;

7. Assurer la mobilisation des budgets nécessaires pour l’accomplissement des missions de l’Etat et l’amélioration des conditions de vie et de travail des employés de l’Administration, etc. 8. Renforcer le rôle et les moyens de la Cour des Comptes (renforcement et éclaircissement des attributions, suppression des Inspections internes des Ministères et de l’Inspection Générale de l’Etat, etc.).

Par ailleurs, il est à remarquer qu’existent toutes sortes de scénarii possibles et imaginaires pessimistes. Attention donc au scénario le moins probable représenté par le retrait précoce du Président Al Ghazouani et ce pour des raisons sur lesquelles les spéculations vont déjà bon train.

Son milieu social, son éducation et le contexte, le prédisposent bien à cette sortie prématurée du jeu : peu d’intérêt accordé à la présidence, ampleur des enjeux économiques, politiques et sécuritaires, acquisition de statut d’ancien Président de la République et une brillante carrière couronnée par le plus haut grade de l’armée mauritanienne et le poste de Ministre de la Défense.

L’éventualité d’une telle décision, incitent des fantaisistes à mettre ce ridicule scénario en parallèle avec les éléments suivants :

- Aziz avait souvent dit et répété d’éviter de recourir, chaque fois que le Président de la République change, à la création d’un nouveau parti politique pour la majorité au pouvoir ;

- L’UPR à entrepris une politique visant à disposer de sièges, propriété du parti, dans les capitales régionales, d’abord et les Moughataa, ensuite ;

- Dans la même logique, se sont inscrites les réformes de l’UPR et la création du fameux comité des 5, sensé seconder la tête de l’exécutif ;

- La construction en cours d’un siège pour l’UPR, ressemblant à un palais présidentiel, confirme l’hypothèse selon laquelle le prochain Président de l’UPR fera office, dans la pratique, de Vice-Président de la République et sera un secours prêt à être utilisé en cas d’une éventuelle panne ou d’un retrait, à mi-mandat, volontaire et consciemment décidé ou, au contraire, forcé et sous une quelconque contrainte extérieure.

Malgré les péripéties du troisième mandat, les campagnes de désinformation ayant accompagné les élections présidentielles ainsi que tous les agissements continus des manœuvriers parmi ses ennemis, la confiance des Mauritaniens en leur Président AlGhazouani est encore entière et leurs espoirs continuent de résider en lui.

Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme



"Libre Expression" est une rubrique où nos lecteurs peuvent s'exprimer en toute liberté dans le respect de la CHARTE affichée.

Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.


Commentaires : 0
Lus : 3054

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (0)