01-08-2019 00:30 - Ma Part de Mauritanie, entre espoir et déception (1ère Partie) :- La Mauritanie ?

Ma Part de Mauritanie, entre espoir et déception (1ère Partie) :- La Mauritanie ?

NGam Seydou - Cette question peut surprendre, la choisir aussi comme titre, peut paraître curieux. Cette curiosité doit nous amener à s’interroger sur l’avenir du pays, en analysant son passé, pour comprendre son présent.

Loin de la vision d’un historien, pas plus que le doigté du sociologue, ni moins l’improvisation de l’éternel politicien, c’est plutôt l’audace d’un citoyen ordinaire hanté par le devenir de son pays. Vous avez tout compris, car je n’ai pas la prétention d’apporter de réponses à cette question, à travers laquelle peut être, tout mauritanien se sentira concerner.

A cinquante-neuf ans, la Mauritanie est devenue non seulement adulte, mais elle est aussi rentrée dans l’ère de la sagesse, sans pour autant sortir de la zone de turbulence. À la croisée de chemins, elle est coincée dans une Afrique soumise à l’instabilité politique, économique et sociale.

Sans oublier la rigueur climatique, qui nous harcèle par une impitoyable désertification, et au bout du tunnel, la problématique du terrorisme est venue s’ajouter sur le chapelet des multiples frustrations.

La Mauritanie a une superficie de 1 030 000 km2 avec le taux de densité le plus faible du continent. Elle est un état pluriethnique avec deux races (Arabo-berbère et Négro-africaine), dont les frontières sont les résultats arbitraires de la colonisation. Sous le regard lointain de la conférence de Berlin, les colons peuvent savourer le goût amer du gâteau de terres conquises, coupées à coups de compas sur des cartes géographiques, sans tenir compte de l’aspect humain.

Depuis l’indépendance, notre pays est partagé entre une difficile cohabitation interne et une orientation externe hésitante et douteuse.

Il faut reconnaitre que la vie des Etats modernes est régie par les données internes et les rapports externes, qui les lient aux exigences de la géopolitique mondiale.

Pourrions-nous vivre en dehors de cette réalité ?

Notre pays pourrait-il redevenir un trait d’union, au besoin un pont entre les deux Afrique ?

Pour répondre à ces urgences, il faut se rappeler de ce que disait le Président Moktar Ould Daddah, à la veille de l’indépendance, même si l’acte n’a pas accompagné la parole : « Si le Sahara, le Sahel et le Fleuve, si le Shergue et la Guibla représentent des entités vivantes avec des vocations particulières, nous placerons au-dessus d’elles, une entité qui les résume toutes : la Mauritanie ! » Si cette Mauritanie a trébuché à l’aube de 1966, quand le même président a opté pour une politique d’arabisation à outrance, pour avaler ses Peul – Soninké et Wolof.

Le sort des négro-mauritaniens est scellé, sortant tout juste de la colonisation française, les voici livrés à la politique d’assimilation arabo-berbère.

Le message est clair, en 1986, la dictature militaire du régime sanguinaire Taya, a amputé la Mauritanie de son pied négroïde, qui était déjà blessé.

Et l’année 1989 constitue le point non-retour de l’extermination programmée des négros mauritaniens, pour en déporter une partie au Sénégal, sans oublier les fosses communes des militaires tués froidement par leurs frères d’armes d’hier et déguisés en bourreaux du jour.

Cette réalité nous ramène sur un paradoxe, il s’agit de cette perméabilité qui empêche la Mauritanie à se définir par rapport à sa réalité et son environnement historique.

Si fragile et sensible, elle a toujours tremblé devant la menace marocaine, séduite du nationalisme algérien. Elle est restée hésitante devant la main tendue du Sénégal et si méfiante de l’orgueilleux Mali.

Quelle que soit l’acuité de ses problèmes ?

Quel que soit le fossé qui sépare ses enfants, la Mauritanie doit rebondir avec sa foi islamique ? Pourrait-elle y parvenir sans la pilule amère d’une vérité – justice et réconciliation. L’exemple sud-africain doit nous inspirer, même si le contexte et la réalité du terrain ne sont pas les mêmes.

Daddah, Saleck, Louli, Haidallah, Taya, Ely, Sidi, et bientôt Abdel Aziz, sont sur la touche de l’histoire face au bilan désastreux de la cohabitation et de l’unité nationale durant leur passage à la tête de l’Etat.

Des dirigeants face à leurs victimes et complices, dans ce qu’il convient d’appeler le sabordage de la nation mauritanienne, au profit de la notion tribale comme mode de gouvernance.

Parmi les chefs de tribus que la Mauritanie a connu comme présidents, Mawiya Ould Taya est celui qui a fait le plus de tort à la partie négro-africaine du pays.

Sans avoir peur des mots, on peut dire que sous le règne du sanguinaire Taya, la Mauritanie était devenue l’enfer à ciel ouvert pour cette communauté.

Certes, Taya était devenue l’otage d’un système, qui certainement ne pourra pas le disculper, devant la justice pour répondre de sa gouvernance. Comme l’avait-dit un sage historien : « Ce sont les hommes, qui font l’histoire des sociétés. Ce sont leur action et leur décision, qui déterminent le destin des collectivités. »

En priant pour la paix et la fraternité dans notre pays, je vais aborder « Ma part de Mauritanie », combien sensibles, et toujours d’actuaité, sous plusieurs aspects :

- Le Parti unique (1960 – 1978),

- Les Dictatures militaires (1978 – 1991),

- La Semi-démocratie (1991 – 2005),

- Transition et Démocratie au pas (2005 – 2007),

- La Comédie de la Démocratie Militaire (2007 - 2019).

Mes lecteurs doivent aller au-delà des interrogations et des jugements lapidaires, mais faire preuve de maturité, pour une réflexion interne, et lucide.

Vous avez le choix d’apprécier ou critiquer, l’objectif de ma démarche sera atteint, quand mes compatriotes arrivent à se regarder dans les yeux autour des débats contradictoires, mais libres et constructifs. Bien que le fossé de la communication reste un goulot d’étranglement. Les bourreaux face aux victimes, comme les enfants des victimes face aux enfants des bourreaux, doivent s’affranchir, se pardonner et sans jamais oublier.

Sans amalgame, il ne s’agit pas de dresser les Kowris contre les Beydanes, ni moins d’accuser gratuitement une partie contre une autre, le problème de la Mauritanie se situe au niveau de ses modes et systèmes de gouvernance.

Donc à priori, le premier responsable de ce qui nous est arrivé, est bien sûr, le pouvoir au sommet de l’Etat, qui a érigé le théorème de la division pour mieux régner. Et aujourd’hui, la température du corps malade Mauritanie est aux antipodes. Mais que pouvons-nous faire pour un malade qui ne veut pas se laisser guérir.

Quand à moi, je n’ai qu’un seul système de morale, qui dénote ma foi et mon attachement à mon pays. Sans amertume, ni haine, je suis profondément pour le pardon, mais résolument contre l’oubli. Ce qui revient à dire, un sérieux travail de mémoire s’impose, et urge.

Quand à mes compatriotes maures j’allais dire arabes, sous la khaima des privilégiés, et ma famille negro-mauritanienne dans la case des opprimés, malgré le mauvais et triste exemple que nos gouvernants, nous ont donné, pour approfondir le fossé intercommunautaire. Il est temps de penser utile pour le devenir de nos enfants, dans le vivre ensemble, de la paix et la fraternité.

Sans amalgame, il ne faut pas exposer nos compatriotes maures à la cruauté d’un ennemi sauvage d’un mal dont ils ne sont pas responsables, car confondre les erreurs de l’Etat, à une faute collective d’une communauté, quelle que soit sa couleur, serait de nouveau être victime d’un mal, que nous dénonçons. Laissons aux coupables cette honte de l’éternelle angoisse, pour ne pas tacher la réputation de notre foi musulmane et notre humanisme universel.

À l’aune d’un nouveau pouvoir qui se dessine à l’horizon, les espoirs sont permis :

Espoirs de changement et de reconnaissance tacite des erreurs commises sur le dos de l’Etat. Espoir d’une justice équitable, pour résoudre entre autres l’épineux dossier du passif humanitaire, et un devoir de mémoire pour la postérité.

Espoir de revoir et réviser nos modes et systèmes de gouvernance, pour réconcilier le pouvoir et le peuple sur le socle de la démocratie.

Espoir de vie et de vivre ensemble dignement dans l’équité et le partage de nos ressources. Espoir de fierté d’appartenir et d’appartenance nationale dans l’euphorie de la diversité. Comme nous le rappelle la sagesse du Professeur Amadou Hampaté Bâ : « La beauté d’un tapis vient de la diversité de ses couleurs. »

Et enfin, Espoir de la refondation de notre système éducatif, pour forger l’esprit de nos enfants dans la moule du citoyen modèle et patriote, avec les outils de la science entre les mains. Ainsi les valeurs de l’Islam seront réactualisées dans nos cœurs, pour apaiser nos rancœurs et soulager les plaies de l’histoire dans nos corps. Souvent, nous nous sommes saupoudrés d’un islam idéaliste réglant tous les problèmes du pays.

Regard du Citoyen :

Je suis un citoyen ordinaire dans un pays extraordinaire. Je suis un citoyen dont l’enfance est couchée sur un lit d’injustice. Il est grand temps de s’écouter et écouter celui qui parle, avant de l’interpeller sur d’où il vient et qui il est pour oser remuer son petit doigt dans la plaie de l’histoire, qui a du mal à se cicatriser ?

Je suis un électron libre dans une société en crise d’identité et d’orientation, où chacun tire sur l’autre, sans mesurer l’impact des dégâts. Je suis un intellectuel affranchi, sans m’affranchir du poids de mes ainés grands commis de l’Etat, en les épargnant leur sobriquet de nègres de service. Moi aussi, je n’ai pas échappé aux purges collectives du délit de faciès, sous la pesanteur d’un pouvoir, qui a toujours eu droit de vie et de mort sur ses sujets.

Mon attachement à la liberté et au dogme de la vérité, m’ont valu méfiance et rejet de ma propre famille hantée par les miettes du privilège, crainte et mépris dans le labyrinthe de notre arabité hétérogène.

Plus que jamais, je reste dans l’esprit du vivre ensemble avec le ciment du patriotisme inclusif, rejetant ainsi toute négation de l’autre par le nationalisme exclusif. Chez-nous, nous avons la primauté de l’attitude du profil bas, avec le label Wekheyertt, pour applaudir de deux mains, dans le manteau du caméléon Safaga.

Je vous livre mon regard figé d’un enfant du Sud, qui a grandi au Nord.

Je fais partie de cette génération postindépendance. Une génération sacrifiée, qui a eu la malchance d’être née tout juste après le baptême Mauritanie.

Nos parents dans l’ivresse de la liberté ou d’une semi-liberté, avaient oublié leurs rejetons dans le berceau de l’innocence et des espoirs perdus.

Nos parents avaient oublié que notre rythme cardiaque était lié à la croissance du pays et la prise en compte des bé-abats du développement, à savoir l’éducation et la santé. L’euphorie et la folie des grandeurs ont ébloui nos dirigeants, pour négliger les règles élémentaires de la fondation d’une Nation.

La Mauritanie si rayonnante et prometteuse, était destinée à être un pays pont entre deux Afrique, dans la diversité de ses enfants. Malheureusement le jeune avocat peu expérimenté et si pressé, a choisi l’axe arabe, marginalisant du coup ses minorités négro-africaines.

Je tacherai d’être prudent, car j’avais un an lorsque Maître Daddah a bouleversé le système éducatif en 1966. Cette année constitue l’épicentre des tensions sociales sur fond racial, dans notre pays. Un système que j’ai fini par désapprouver à l’âge adulte.

Je ne suis pas français pour accepter l’histoire de nos ancêtres les gaulois, et je ne serai jamais arabe pour me soumettre à une assimilation forcée. Dans le subconscient collectif, le Sud mauritanien a changé de mains, les colons français ont passé le témoin aux esclavagistes arabo-berbères, sans absoudre la féodalité des chefs de villages déchus, longtemps bras armés du maitre blanc entre la savane et la forêt.

Je suis et resterai un Peul attaché à ses racines. La langue est un trésor et une mémoire pour que vive l’âme de nos enfants dans les méandres du Fouta ancestral. En conséquence, notre langue est la base de notre identité et aussi l’une des formes les plus vivantes de son énergie.

En 1970, le Roi Hassan II a fini par accepter dans la résignation, l’existence de la Mauritanie comme un Etat de fait, entre le Maroc et le Sénégal.

Les présidents Senghor du Sénégal, Houphouët de la Côte d’Ivoire et Bourguiba de la Tunisie, ont fini par forcer le Roi du Maroc a accepté son voisin docile et malléable. Ainsi commence la valse de la Mauritanie face au problème du Sahara, tantôt avec le Maroc, et tantôt avec l’Algérie, sans écouter leurs frères sahraouis, les dirigeants mauritaniens ne sont plus crédibles sur le sujet.

Et le Roi a laissé cette célèbre formule à méditer : « Il ne faut pas perdre son temps à avancer des arguments de bonne foi, face à des gens de mauvaise foi. » Dans ce jeu d’équilibriste au milieu d’une région soumise à la géopolitique des intérêts, la France ancienne force colonisatrice, n’est pas en reste, pour profiter des gisements de fer au Nord du pays, dont le consortium MIFERMA est en avance pour exploiter le sous-sol.

Qu’allait devenir la Mauritanie sans la Miferma ? Comme l’avait dit Audibert l’administrateur du projet, bien avant l’indépendance de notre pays : « Qui veut influencer les cours des choses doit savoir agir avant terme, et donc anticiper les relations de cause à effet. »

Si la Miferma et la Mauritanie sont confondues, il faut m’aider à trouver la cause pour découvrir l’effet. Il n’est pas exclu que l’une a facilité la création de l’autre. J’ai envie d’interpeler Audibert dans sa tombe, quand il dit : « L’histoire de la Miferma et la Mauritanie, c’est la fable du fort et du malin. »

C’est en 1973, que cette fable connaitra son épilogue, car le malin Daddah a bousculé la forte Miferma, pour introduire la souri Snim, par la pirouette de la nationalisation.

Le président Daddah s’est trompé, car il croyait que la famille Mauritanie était unie par une chaine d’argent dont il avait le nœud. La situation du pays n’a peut-être jamais été heureuse. Il faut renoncer dès le départ à idéaliser notre passé en imaginant un âge d’or où l’époque Daddah, tout n’aurait été qu’ordre et beauté.

J’étais encore enfant pour être dans le secret de Dieu, et savoir ce qui se passe dans le cerveau du jeune président, pris en otage dans la sphère tribale au milieu du chantier Mauritanie. Il a quitté Saint-Louis dans la précipitation avec les registres de l’Etat civil d’une nation dans le berceau et surtout dont les premiers babysitteurs sont des négros-mauritaniens, dont la majorité a bénéficié de la scolarisation coloniale.

Il fallait à tout prix, couper le cordon ombilical de la Mauritanie avec sa famille naturelle de l’Afrique de l’Ouest, et le Sénégal en tête de pont.

Le deuxième fait d’arme du président en quête d’identité, est d’introduire l’ouguiya une monnaie nationale, à la place du Franc CFA. Le choix est clair, la Mauritanie a basculé dans le camp arabe. Le changement est douloureux et l’euphorie de courte durée, comme disait Proust : « La vérité n’a pas besoin d’être dite pour se manifester. On peut la recueillir plus sûrement sans attendre les paroles. »

Les cadres négros-mauritaniens dépositaires intellectuels d’une nation en devenir, n’ont rien vu venir, parmi les urgences de leurs compatriotes arabes, c’est de reprendre les rouages de la fonction publique, par la politique d’une diplomatie douce.

La priorité recommande d’envoyer beaucoup de petits maures à l’école et dans les universités, en prévision d’une relève forcée. La machine de la discrimination est en marche, pour freiner l’élan intellectuel des Peul, Soninké et Wolof.

La langue arabe en outil efficace de blocage et d’amortisseur, fut introduite dans l’école mauritanienne, pour séparer les enfants d’un même pays. Français et Arabe comme barrière linguiste, dont le choix est lié aux origines de l’écolier innocent, pris en otage par une classe dirigeante avec son agenda politique caché.

C’est dans cette dynamique d’exclusion que notre pays est rentré dans l’ère de la dictature civile du parti unique.

Le Part Unique (1960 – 1978)

Je suis né avec le biberon Miferma dans la bouche, arraché par l’impitoyable Snim, qui a licencié mon père en 1977, pour hypothéquer l’avenir d’une famille. Que puis-je retenir de cette période sombre ? Rentré à l’école en 1973 à Zouerate la minière, je me rappelle du trajet quotidien que j’effectuais entre mon école et notre maison de la Cité Blanche, à quelques encablures du Mif-Hôtel où mon père officiait comme Maitre d’Hôtel.

Chaque dimanche, je rejoignais mon oncle, qui s’occupait de la piscine du Club, pour apprendre à nager dans la cuvette du désert.

Zoueratt est un miracle du destin dont le gisement de fer à ciel ouvert, a rendu nos dirigeants aveugles et voraces. La Miferma avec l’expérience coloniale, a construit une cité flambant neuve avec toutes les commodités digne d’une prison dorée : (Logements - Clinique – Hôtel – Economat - Salles de Cinéma – écoles – terrains de jeux) et d’autres « avantages » pour détourner l’esprit ouvrier de l’essentiel.

Si l’on crée pour les pauvres beaucoup d’objets de subsistance, non pas qu’ils n’en puissent consommer mais qu’ils n’obtiennent de revenu en échange de leur travail. Il n’est pas douteux qu’ils soient fort disposés à être mieux nourris et mieux logés.

Si le Président a commis l’erreur de nationaliser prématurément la Miferma, sans ressources humaines, ni expérience, pour en assurer la continuité. Le poisson et le fer ont supplanté l’agriculture et l’élevage, qui faisaient vivre 80% de la population mauritanienne.

Nos dirigeants oubliant que la nation doit faire le sacrifice et supporter la privation de richesses matérielles, pour acquérir des forces intellectuelles et sociales. Elle doit sacrifier des avantages présents pour s’assurer des avantages à venir. Malheureusement l’avocat a choisi une option suicidaire en érigeant un Etat-tribal. D’erreur en erreur, la Mauritanie fut embarqué dans la locomotive incertaine du Parti unique (PPM).

La plus grave erreur qu’a commise notre président, c’est la guerre du Sahara. C’est ainsi que l’avocat est rentré en contradiction avec lui-même, car il disait à la veille de l’indépendance : « Au moment où la France, par des institutions généreuses, nous donne le droit de nous gouverner nous-mêmes et de nous déterminer librement, je dis non au Maroc ! Mauritaniens nous étions – Mauritaniens nous sommes et Mauritaniens nous resterons ! »

De cette situation devait découler une partie des problèmes de notre pays. Les clivages raciaux et les divergences internes avaient commencé à fissurer l’édifice Mauritanie. C’est à partir de ce moment que le président est tombé dans le piège marocain, pour devenir l’otage du Roi Hassan II.

Le rêve d’une Mauritanie trait d’union, a volé en éclat. Le projet politique était bien de bâtir une nation forte et soudée par-delà le clivage ethno-tribal. Il est clair que rapidement devant les difficultés, peut-être parce que ce discours dans la bouche des dirigeants n’était pas sincère.

Là où la Mauritanie aurait pu se fonder sur un brassage, pour s’enraciner dans le métissage sur un socle islamique. On assistait en fait, à un réarmement identitaire des ensembles tribaux et ethniques.

La politique d’arabisation pour mériter la reconnaissance du monde arabe, la nationalisation de la Miferma et le retrait de la zone franc, pour le choix d’une monnaie nationale en 1973 (Ouguiya). Sans oublier la lune de miel avec le Maroc sur le lit brûlant du Sahara (1974 – 1978).

Voilà des évènements qui traduisent la mise en place par le président Moctar d’une politique d’assimilation progressive mais certaine, des communautés (Peuls – Soninké et Wolof.) Il faut aussi souligner la question délicate de mes cousins Haratine de culture Hassanophone.

Ils sont devenus maures par défaut à cause des séquelles de l’esclavage, mais ils sont et resteront négro-africains d’origine et d’ascendance. Sans oublier nos compatriotes Bambara dont l’identité est enterrée avec l’eau du bain dès la naissance du pays.

Oui, c’est ma part de la Mauritanie, coincée entre mer et désert, avec la marche forcée de la dune vers le fleuve. Il y’a aussi les rêves perdues dans l’illusion de nos mariages mixtes, avec le souffre douleurs de nos enfants métisses.

Les doux fruits du destin, sont devenus amers sous la braise des familles en feu. Les pauvres métisses n’ont jamais pu jouer leur rôle de jonction, car réduits au silence de la résignation, avec les stigmates du mi-figue, mi-raisin. Quel gâchis !

L’abandon de l’objectif d’une Mauritanie pays pont entre deux Afrique, était manifeste. La récupération du territoire sahraoui fut la goutte d’eau, qui a fait déborder la vase. Je me souviens de cette guerre imposée. Je devais avoir douze ou treize ans, quand Zoueratt était devenue une cible facile du front Polisario, le mouvement de libération du Sahara occidental.

Mon père face à sa famille, se demandant en silence, quel malheur l’avait conduit à amener les tiens au milieu de cette guerre sans visage. Des mauritaniens dressés contre d’autres mauritaniens. Les balles pouvaient venir de l’intérieur comme de l’extérieur.

Je me souviens de mon jeune camarade de classe Limame, dont la famille fut embarquée manu militari par l’armée mauritanienne. Je ne sais pour quelle destination. Le seul tort de cette famille, c’est d’être Regueibi, la principale tribu au Sahara.

Et n’oublions pas la gageure de l’histoire car la majorité de cette armée nationale était constituée de negro-mauritaniens du Sud, venus envahir leurs compatriotes du Nord, comme le murmurait à l’époque l’élite intellectuelle arabo-berbère. Ainsi sont nées les premières fissures de l’édifice avec les orientations politiques hasardeuses.

L’amalgame, la crainte, la suspicion et la peur de l’autre, ont aggravé une situation déjà tendue. La géante Mauritanie est devenue un chameau blessé, qui se déplaçait à trois pattes. L’armée se sentant menacée et vulnérable, décide de mettre fin au régime civil du maitre Moctar O/ Daddah, un matin de 10 juillet 1978.

Une nouvelle page d’histoire de la dictature militaire s’ouvre, avec la rentrée des loups dans la bergerie Mauritanie…

À suivre …

NGam Seydou, ngamseydou@yahoo.fr



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Source : NGam Seydou
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Commentaires (1)

  • BassoumH (H) 01/08/2019 13:46 X

    Votre part de Mauritanie est très touchante. j'aimerais bien que vous faites cet article un livre enfin que toute la Mauritanie y accède. je vous encourage dans ce que vous faites et attendre avec impatience la suite.