05-12-2019 13:12 - Déclaration de Biram Dah ABEID, député et candidat à l’élection présidentielle de juin 2019

Déclaration de Biram Dah ABEID, député et candidat à l’élection présidentielle de juin 2019

Biram Dah ABEID - A la suite d’une annonce, par des collègues députés, d’une commission d’enquête sur les crimes économiques de la décennie, je tiens à lever le doute relatif aux allégations de mes prétendues réserves.

1. Je soutiens toute investigation indépendante qui contribuerait à établir la vérité sur la mauvaise gouvernance et la délinquance en col blanc, de la part des agents de l’Etat et réfute toute forme d’immunité au profit des contrevenants.

Cependant - et il s’agit ici - d’une condition préjudicielle, je n’accorderais mon concours ni celui de mes compagnons de lutte, à une telle initiative tant que les auteurs ne prendraient l’engagement, solennel et écrit, de voter l’abrogation de la loi « Loi numéro 93-23 du 14 juin 1993, portant amnistie » des crimes d’épuration ethnique.

Je demande, aux promoteurs de la Commission d’enquête, de bien vouloir signer leur résolution à effacer, de notre corpus législatif, cet obstacle de la honte. Ainsi, à la mémoire des centaines de soldats tués de sang froid, des victimes civiles de la torture, de la déportation, de la spoliation foncière et de l’humiliation, nous rétablirions l’échelle de valeurs de l’humanité, quand elle place l’intégrité du corps et de la vie, au dessus de la matière.

Un pays libre, s’il aspire au respect, se doit, à l’évidence, d’éradiquer la banalisation du racisme et son substrat, le déni par le silence. Sans la promesse, individuelle, de voter la levée de la norme scélérate de 1993, je ne participerais à aucune entreprise de moralisation, parce que la sélectivité y prévaudrait.

2. Si mes collègues acceptent ce préalable minimal du point de vue de l’éthique, je m’associerai à eux, sans réserve et irait au terme de l’effort commun. Néanmoins, en guise d’avertissement, il convient de rappeler que l’opération d’assainissement ne s’arrêterait plus à l’ancien Président Mohamed Ould Abdel Aziz mais couvrirait l’ensemble des infractions imputables aux bénéficiaires de ses deux quinquennats.

Je suis d’autant plus à l’aise dans le zèle envers l’industrie tribale de la rapine que nos électeurs et partisans n’en ont jamais tiré fortune. Depuis la constitution du capital privé national sous les régimes de junte, licences de pêches, subventions, prêts sans garantie, exonérations de taxes, permis d’exploration minière, agréments de banques, importation de faux médicaments, tolérance de diplômes frauduleux, nominations complaisantes et bien des forfaitures du genre n’enrichissent ni ne reproduisent que le noyau de la domination ethnique. Une vraie tentative d’assainissement de la gestion de l’Etat, selon la dynamique « mains propres » ou « tolérance zéro », ne saurait viser une seule personne.

3. Une faction de législateurs qui entend jouer, à plein, son rôle de gardien du droit, est tenue de diligenter une demande d’information, au gouvernement, sur les pratiques de torture et le classement des plaintes visant les auteurs d’esclavage, pendant la décennie écoulée. L’une de nos lois qualifie un tel « crime contre l’humanité » et, pourtant, nos juges endoctrinés à l’école de l’extrémisme, continuent à décourager les victimes et dédouaner les tortionnaires ; le récente affaire Ghaya Maïga illustre mon propos. Demain, n’importe lequel de nos concitoyens peut subir l’arbitraire et la contrainte physique. La roue de l’histoire tourne.

4. Enfin, les élus de l’Assemblée nationale, pour leur honneur, devraient annuler l’article 306 du code pénal, qui viole nos engagements internationaux en matière de protection de la personne contre les groupes terroristes et la haine religieuse. Je tiens, ici, à rappeler que la Mauritanie ne peut prétendre combattre le jihadisme au titre du G5 Sahel et continuer d’appliquer le programme juridique de Daesh. C’est un non-sens et une imposture monumentale envers nos alliés dans la guerre. Il est temps de lever l’hypocrisie. Ce genre d’hypocrisie tue.

En conclusion, je le répète, à l’endroit de mes collègues députés : soit nous sommes une chambre d’enregistrement - et alors vivons à l’ombre du pouvoir exécutif - soit nous respectons le suffrage de nos compatriotes ; le second choix comporte l’obligation de légiférer en conscience, dans l’intérêt général. Comme l’exprime si bien le proverbe hassaniya, « la discrétion et l’avidité sont incompatibles ». Je n’insulte et ne renvoie nulle accusation mais souhaite, seulement, élever le discernement et la vérité au rang de vertu parlementaire.

Nouakchott, le 04/12/19

Biram Dah Abeid, député à l’Assemblée nationale





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Commentaires (7)

  • mine-you (H) 05/12/2019 20:16 X

    Le refus de Biram de s'associer à une enquête sur les crimes économiques de Mohamed Ould AbdelAziz est très curieuse quand même? Peut être d'autres surprises sont devant nous.

  • bilbassy (H) 05/12/2019 16:09 X

    Merci pour la clarification et la précision,la déclaration confirme notre post d'hier. Les opportunistes et autres donneurs de leçons avaient vite fait de condamner le refus de Biram de rejoindre sans conditions la Fameuse Commissions. Personne ne saurait etre dupes sauf les apprentis sorciers. Ces députés sont les mêmes qui ont voté toutes les lois scélérates, soutenu le pouvoir aventurier. Maintenant, les choses sont claires, une opération main propres doit avoir des fondements claires et non des réglements de comptes.

  • Ibadou (H) 05/12/2019 15:05 X

    Biram est bien trop courageux qu'il risque d'être pris pour un extrémiste avec le danger que les autorités publiques prennent peur de toute initiative de normalisation de la situation. Cette litanie de redressement de tous ces torts accumulés depuis au moins 5 décennies, risque de braquer un certain nombre de personnes jouissants de privilèges indus auteurs de ces reproches et autres atteintes aux droits de l'homme.

  • Kouleyb (H) 05/12/2019 14:23 X

    Une des rares et belles plaidoiries que Ould Yessaa offre a IRA

  • mdmdlemine (H) 05/12/2019 13:52 X

    Nous soutenons le futur président que nous saluons pour le sang froid et la retenue quant à l'alternance pacifique au pouvoir En effet, il faut être correct à tous les points de vue mais pas droit pour certains cas et injuste pour d'autre Le passif doit être résolu globalement et définitivement pas avec des cures sporadiques et partielles

  • Pierre lavache (H) 05/12/2019 13:51 X

    En lisant cet article qui vous est forcé de mettre en ligne et dont les prémices ont été développé dans votre conférence de presse, on peut tout de suite comprendre que ceux qui vous entourent ne vous laisse pas le choix, pourtant, les mauritaniens attendaient que vous guidez cette commission et que rien ne sera laissé au hasard, mais votre refus réconforte les autres qui disaient que votre complicité avec le système, l’outil humain du système comme cela se dit, cela fait de vous aujourd’hui un homme politique peut stable et sans conviction mais saussi corrompu dans sa lutte, comment un député de votre envergure peut refuser de faire part dans une mission aussi noble, au profit des populations qui n’attendent que ça de vous, mais la grande déception sera loin d’être oublié, Biram vous avez raté la rentrée dans la porte de l’histoire parlementaire, les autres réussiront là ou vous avez échoué et pour de bon. Je suis déçu de vous voir lier tout à l’esclavage, alors les causes de l’esclavage sont liés à l’économie dilapidé par des hommes comme Aziz et sa famille politique, quelle honte.

  • moukhabarat (F) 05/12/2019 13:20 X

    Biram aurait-il un accord secret avec Aziz? Nous savons que c'est la candidature de Biram appuyée par les élus de l'UPR qui a donné sa légitimité à la réélection de Azziz.