24-12-2019 14:30 - Algérie : la mort de Gaïd Salah peut-elle faire bouger les lignes ?

Algérie : la mort de Gaïd Salah peut-elle faire bouger les lignes ?

Le Parisien - La disparition de l’homme fort du régime pourrait permettre au nouveau président algérien de disposer d’une plus grande marge de manœuvre pour gouverner et d’engager un dialogue avec les contestataires.

Les Algériens ne sont pas près d'oublier cette année 2019 qui a commencé en février par la contestation contre le président Bouteflika et qui s'achève avec la disparition soudaine du général Ahmed Gaïd Salah, le tout puissant chef d'état-major de l'armée.

Celui-là même qui avait forcé en avril le chef de l'Etat algérien à se retirer après l'avoir auparavant soutenu dans sa quête chimérique d'un cinquième mandat. Et qui avait fini par imposer le 12 décembre Abdelmadjid Tebboune à la présidence de la République au terme d'élections bâclées.

Le plus haut gradé de l'Armée nationale de Libération (ANL) est mort lundi, à 79 ans, terrassé à son domicile par une crise cardiaque, ont annoncé les autorités algériennes. Ironie de l'histoire, quatre jours plus tôt, il avait été élevé à la distinction de « sadr » dans l'Ordre national du mérite par Tebboune lors de la cérémonie d'investiture du nouveau président. Une décoration jusqu'ici réservée… aux seuls chefs d'Etat.

« On sent un soulagement dans la population »

Les Algériens, qui avaient compris depuis longtemps que le chef d'état-major, par ailleurs vice-ministre de la défense, tirait en réalité toutes les ficelles de la politique du pays, ont d'abord accueilli avec une certaine incrédulité l'annonce de sa mort. « Beaucoup ont cru à une simple rumeur, d'autres ont imaginé qu'il avait été victime d'un coup d'Etat », témoigne un journaliste algérien.

Selon sa biographie officielle, Gaïd Salah s'était engagé dès l'âge de 17 ans au sein de l'Armée de libération nationale (ALN) combattant le pouvoir colonial français, ce qui faisait de lui, parmi la haute hiérarchie militaire, un des derniers « moudjahides ».

Dans un communiqué officiel, le président Tebboune n'a pas lésiné sur les mots pour rendre hommage à son bienfaiteur : « L'histoire écrira en lettres d'or les hauts faits du Général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah que Dieu le Tout-Puissant ait son âme parmi les martyrs et les saints. » Trois jours de deuil national ont d'ailleurs été décrétés.

« On sent un soulagement dans la population, un peu comme un verrou qui saute », commente l'universitaire franco-algérien Saïd Belguidoum qui a scruté les réactions sur les réseaux sociaux. « Sa mort aurait été bienvenue il y a deux semaines ( NDLR : avant l'élection présidentielle ). Aujourd'hui, son travail est hélas accompli », soupire une activiste du Hirak, le mouvement de contestation populaire.

« Pas une question de personnes mais de système »

« Gaïd Salah représentait le noyau vraiment dur au sein de l'armée, estime Saïd Belguidoum. Il n'était pas un simple exécutant d'un groupe de pression, il avait son mot à dire et se montrait souvent colérique. Il tenait d'une main ferme l'état-major et a imposé jusqu'au bout une ligne de fermeté hostile à toute négociation. »

Son remplaçant par intérim, le général Chengriha, n'aime guère s'exposer et n'a pas la réputation d'être « un politique ». Agé de 74 ans, il avait été nommé à la tête du Commandement des forces terrestres en septembre 2018, ce qui en faisait le successeur naturel de Gaïd Salah.

« Si le nouveau chef d'état-major adoptait une ligne plus ouverte ou plus en retrait cela pourrait donner au président une marge de manœuvre », analyse Pascal Boniface, le patron de l'IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques). »

Le chef de l'Etat a déjà évoqué un « dialogue sérieux avec les représentants du Hirak ». Mais les contestataires assurent que le décès de Gaïd Salah ne va pas changer grand-chose à leur mobilisation sur le terrain. « Ce n'est pas une question de noms ou de personnes, c'est une question de système. Pour nous, le système actuel doit changer », souligne un activiste.

Par Philippe Martinat avec Fayçal Metaoui, correspondant à Alger (Algérie)





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