30-01-2020 00:00 - Secteur des pêches: un atelier de concertation où jeux et enjeux s’emmêlent

Secteur des pêches: un atelier de concertation où jeux et enjeux s’emmêlent

Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme - Le Ministère des pêches a organisé, les 13, 14 et 15 du mois courant, un deuxième atelier de concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur. Il était question de «Journées nationales de concertation sur les rapports des groupes thématiques élaborés dans le cadre de la stratégie nationale pour un développement durable et inclusif du secteur de la pêche maritime pour la période 2020-2024».

Dans l’ensemble, les documents présentés à cette occasion ne semblent pas trop changer par rapport à ceux déjà soumis lors du premier atelier d’octobre 2019 sur l’évaluation de la mise en œuvre de la stratégie de 2015-2019.

En d’autres mots, on persiste dans le jeu de vouloir éviter de mettre en exergue les vraies insuffisances du fameux "changement de paradigmes", concept utilisé alors pour introduire certaines réformes répondant à des intérêts de groupes particuliers du pouvoir.

Confier les études de la stratégie en cours de préparation à des personnes ayant été concernées par la conception et la mise en œuvre de l’ancienne ou fortement liées aux vrais responsables de ce qui s’est passé dans le secteur des pêches de 2015 à 2019, constitue une autre illustration du jeu auquel fait-on allusion.

La présence de (4) anciens Ministres dont 3 de la pêche serait inscrite du côté folklorique de ces jeux. Il parait que les motivations de Messieurs les Ministres étaient différentes et vont du simple principe du respect des principes protocolaires à des relations personnelles ou l’espoir de contribuer à tout travail sérieux.

Les observations qui suivent sur les travaux desdites journées de concertation, résument le point de vue d’un participant indépendant et qui n’est pas du tout candidat aux postes dont le partage suivra l’adoption officielle de la stratégie en vue et la mise en place d’un nouvel organigramme pour le département.

Groupe thématique 1 : préservation de la ressource et du milieu marin et côtier:

On se limite ici à rappeler quelques menaces sur la ressource dont d’abord le fait que l’évaluation des stocks, mission première de la recherche scientifique, commence à être sérieusement affectées par la quantité et la qualité des statistiques : régression des campagnes des navires de recherche, les privilèges accordés à certaines sociétés (y compris les pontons privés) qui les rendent inaccessibles, difficulté de contrôler les débarquements sur une côte longue d’environ 750 km, transbordements en mer, motivation insuffisante des chercheurs et techniciens concernés par la collecte et le traitement des données statistiques, etc.

Il y a également l’usage d’engins et techniques de pêche destructeurs de la: usage à grande échelle du monofilament, chalut bœuf dont l’interdiction avait été levée quand on avait changé, en catimini, le décret concerné et pour l’intérêt particulier de quelques clients, l’autorisation de l’usage de filets avec 28 mm de mailles alors que le décret réglementant ces mailles à 40 mm est encore en vigueur, etc.

Si suivre la pratique dans la sous-région est un argument valable, il aurait été plus judicieux de changer le décret au lieu d’entacher l’IMROP et la GCM en les impliquant dans un avis (procès-verbal) qui transgresse un texte fort (décret), encore en vigueur.

Aussi, beaucoup de gens citent des pratiques illicites qui risquent de devenir la règle; l’entrée négociée dans des zones interdites pour quelque temps et le débarquement d’espèces interdites et le dépassement des quotas étant parmi les plus regrettables.

Une autre source d’inquiétude à ce sujet, en constitue l’insuffisance criante dans la détermination du TAC, en amont et dans le suivi de sa consommation, sous forme de quotas, en aval (là, on ne se réfère pas aux quotas qui ont donnés par l’Ancien Président de la République à des individus).

La négligence du suivi de l’effort de pêche, la tolérance accordée aux fabriques de farine de poisson malgré leurs impacts sur la ressources et la santé de l’environnement et des personnes et enfin, les régimes particuliers dont bénéficient certains ‘’investisseurs’’ sur la ressource, n’ont pas été étudiés comme il se doit.

Les experts avaient en effet superficiellement analysé les rôles de l’Administration centrale, de la recherche et de la surveillance des pêches et évité ainsi de situer les responsabilités.

Quant aux recommandations et propositions formulées par ce groupe pour la nouvelle stratégie, elles sont pertinentes et nourrissent beaucoup d’espoir. Une plus grande prise en compte des questions de l’environnement, en général et des changements climatiques, rassurerait davantage tout observateur soucieux d’une préservation durable de notre patrimoine halieutique et d’une pérennisation des gains socioéconomiques tirés de l’exploitation dudit patrimoine.

Groupe thématique 2 : développement des activités de pêche et des chaines de valeur

C’est le groupe dont le rapport a, avec la partie fiscalité du groupe 3, le plus suscité l’intérêt des participants et sur lesquels se sont concentrés les débats.

Serait-ce peut être la nature des questions soulevées qui avait encouragé des intervenants à dire clairement que le secteur des pêches traverse une crise que l’on ne peut plus cacher ni à son monde, ni à une société civile plus déterminée désormais à jouer son rôle et moins encore à des citoyens plus conscients aujourd’hui de leurs droits et devoirs.

Dans l’ensemble, ont été vivement et ouvertement critiqués les sociétés Sun Rise, Polyhondon, les usines de farine et huile de poisson, l’affrètement et les navires turcs. L’Autorité de la Zone Franche de Nouadhibou, la SMCP, le CNM et le Port Tanit l’ont été, eux aussi, mais à des degrés différemment moindres.

Pour les participants, on ne peut plus tolérer les avantages qu’accorde à Sun Rise son agrément par la Zone Franche et à Polyhondone le statut de convention d’établissement, d’un côté et les pratiques quotidiennes de ces deux sociétés, de l’autre.

Ces participants avaient également très clairement soutenu les experts sur le fait que la filière farine et huile de poisson nuit à la ressource et qu’elle ne contribue pas à l’objectif de création de la valeur ajoutée et qu’elle affecte l’environnement, en général et la santé des populations, en particulier.

Aussi, seules deux ou trois parmi ces usines appartiennent effectivement à des mauritaniens alors que les autres sont des sociétés délocalisées prête-noms (http://cridem.org/C_Info.php?article=730028).

Concernant l’affrètement, il a été considéré comme pratique incompatible avec l’objectif de domiciliation des activités de pêche. C'est-à-dire le développement (i) d’une flotte nationale dont les unités sont adaptées pour pêcher les différents types de nos ressources, (ii) d’infrastructures suffisantes pour recevoir les produits pêchés dans la ZEEM (iii) d’une industrie de transformation avec une capacité satisfaisante.

Cette domiciliation signifie aussi une main d’œuvre nationale suffisante et qualifiée au niveau de chacun des trois maillons précédents (production, débarquement et transformation). Sous toutes ses formes, l’affrètement compromet la création de la valeur ajoutée et est toujours source de beaucoup d’injustices entre les citoyens.

A propos, les navires de type turc et qui assurent actuellement, à côté des grandes embarcations de types sénégalais, le ravitaillement de la majorité des sociétés en place, sont fortement décriés.

D’autre part, les participants n’ont pas manqué de rappeler les transactions autour du domaine public maritime à Nouadhibou et à Tanit et restent, dans leur ligne de mir, les projets de ports plus au sud (PK28 et N’Diago).

Groupe thématique 3 : amélioration de la gouvernance et de l’efficience da la fiscalité du secteur des pêches.

Là, il parait qu’il y avait une différence entre le rapport cosigné par l’ensemble des experts de ce groupe 3 et la version présentée en plénière.

En tant que ‘’Rapporteur Général des journées’’, je n’ai retenu que les recommandations relatives ‘’au changement du statut de l’IMROP et au recrutement de nouveaux cadres’’ et le constat ‘’ les cadres compétents et expérimentés ont été écartés du Ministère’’.

En ce qui concerne la recommandation, elle devrait plutôt être l’organisation d’un audit externe et une meilleure valorisation du personnel disponible au garage dans l’Antenne IMROP de Nouakchott, au Ministère, au Projet PRAO-MR et peut être ailleurs.

Quant au constat, c’est une simple manière de dire que Messieurs les Ministre choisissaient consciemment des collaborateurs dociles comme le faisaient alors l’Ancien Président Aziz dont le système s’est caractérisé par « la capacité de Son Excellence à gérer le pays, et à l’échelle du plus petit détail, avec l’aide de quelques collaborateurs de confiance, de son ordinateur, de son téléphone et d’autres accessoires technologiques sophistiqués (voir ce lien : http://cridem.org/C_Info.php?article=725840) ».

Tel sont quelques éléments qui laissent entrevoir que l’échec des uns et des autres parmi les auteurs des rapports thématiques dans leurs jeux consistant à cacher une partie de la réalité ou à la présenter maquillée.

Cet échec ou cette manière de voir les jeux s’emmêler aux enjeux, était grâce à la vigilance des participants et à l’espoir du changement qu’ils placent dans le nouveau Président de la République Ghazouani.et en son gouvernement.

Chapeau bas pour les experts ayant eu le courage de mettre parfois le doigt sur le mal et pour les participants ayant exprimé haut et fort leurs avis critiques au sujet d’un patrimoine dont la gestion durable engage, normalement, la responsabilité morale de chacun d’entre nous.

Quant à ceux qui redoutent l’histoire parmi les participants, une chance est toujours devant eux pour se racheter car le processus de l’élaboration de la nouvelle stratégie, continue encore.

Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme



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