06-07-2020 20:16 - Réforme de l’Education nationale : «la priorité doit être accordée au fondamental» (Horizons)

Réforme de l’Education nationale : «la priorité doit être accordée au fondamental» (Horizons)

Initiatives News - Un des principaux engagements du candidat Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani en 2019 était « une réforme de l’éducation centrée sur l’élève, dont la réussite constituera l’ultime objectif, et aura comme premier allié l’enseignant, dont le rôle sera reconnu socialement, valorisé et renforcé.»

Sidi Ould salem, ministre mauritanien de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, porte-parole du gouvernement, a déclaré lors du point de presse d’après conseil des ministres que les actions de la réforme de l’éducation seront conduites de façon participative.

Cette réforme, a aussi annoncé le ministre, sera effectivement lancée à partir de la prochaine rentrée scolaire. Horizon continue sa série de recueil d’avis de professionnels du secteur avec Dahaba Tandia, professeur de français, inspecteur de l’enseignement secondaire à la retraite.

Monsieur Tandia, estime que « Pour donner à l’école publique la notoriété qui lui sied, il faut que l’on croie à notre propre système. » Et, Pour ce faire, « une mesure révolutionnaire doit être prise : que l’ensemble des hauts fonctionnaires de l’Etat inscrivent obligatoirement, leurs enfants dans les écoles publiques au lieu de les envoyer dans l’enseignement privé.»

Dans le programme du président de la République, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, il est prévu « une extinction progressive de l’école fondamentale privée, à partir de la rentrée scolaire 2020-2021, pour laisser place à une école publique de cohésion qui renforce l’unité nationale. ».

L’inspecteur Dahaba Tandia a, ces 20 dernières années, activement participé à la réflexion sur les programmes et les reformes de l’éducation nationale. Lire l’intégralité de sa contribution au débat portant sur la future réforme de l’école mauritanienne.

Proposition pour la future réforme



A mon humble avis, toute future réforme de l’école mauritanienne doit porter en priorité sur l’école fondamentale, notamment sur le triptyque connu : les enseignants (qu’il faut bien former) les programmes (qu’il faut adapter aux réalités du moment) et les manuels (qu’il faut rénover à la lumière des programmes).

Après avoir séjourné à la maternelle (qui, au passage, il faut généraliser et rendre obligatoire) où il a été initié aux activités d’éveil, l’enfant doit trouver progressivement son autonomie du point de vue intellectuel. Et cela doit commencer déjà au fondamental où il doit parvenir à lire avec fluidité et à écrire librement.

Pour cela, la méthode syllabique me semble bien indiquée. A l’école coranique, on a été amené à découvrir et à identifier l’alphabet, à connaître le système de vocalisation, à lire les syllabes puis les mots avant de lire et de réciter des sourates.

C’est à peu près la même démarche que nous trouvons dans le syllabaire et ses assimilés. Je pense qu’il serait bien de privilégier cette méthode au fondamental pour qu’au sortir, nos jeunes esprits sachent lire, parler et écrire en arabe et en français. Ainsi, le cycle du fondamental pourrait être organisé comme suit :

La Première et la deuxième année du fondamentale sont considérées comme des années de langue consacrées à l’enseignement de l’Arabe et du Français et l’Instruction Religieuse et le Dessin (à partir du 3e trimestre de la 1re AS). Pour chaque langue, l’apprenant sera amené à :

– découvrir l’alphabet ;

– reconnaître toutes les formes de graphie ;

– reproduire toutes les formes de graphie et d’images simples ;

-Découvrir, reconnaître et lire les différentes combinaisons syllabiques ;

-Lire des mots, des phrases courtes et de textes très simples ;

-Lire des extraits de versets de coran ;

-Comprendre un discours simple articulé distinctement par l’enseignant.

A ce niveau, l’enfant apprendra juste à écouter afin de comprendre ce qui se dit, à lire et à dire oralement et par écrit ce qu’il pense de manière plus ou moins compréhensible.

Troisième et quatrième année fondamentale : Consolider les acquis des deux premières années et introduire les Mathématiques et l’Instruction Civique.

Cinquième et sixième année fondamentale : : Consolider les acquis des années précédentes et introduire l’Histoire-Géographie et les Sciences Naturelles.

Il est par ailleurs possible que les autorités de l’éducation traitent avec l’enseignant qui aura la charge de déclencher le génie qui sommeille en l’enfant-apprenant, quels que soient les moyens et la méthode que ce dernier utilise. Ce qui importe en fin de compte, c’est qu’il obtienne des résultats satisfaisants.

Il s’agira alors, à la fin de la 2e AF, d’amener l’enfant :

– à lire assez correctement un texte du niveau CP en Arabe et en Français ;

– à s’exprimer de manière compréhensible en Arabe et en Français ;

Toutefois il reste soumis à un contrôle strict et permanent. En effet, son travail sera évalué périodiquement (à la fin de chaque trimestre par exemple) à l’aide d’une grille appropriée qui sera établie par les inspecteurs.

Des dispositions similaires seront prises pour les mêmes élèves en 3e AF, en 4e AF, en 5e AF et en 6e AF.

Une évaluation générale sera faite de la réforme dont la tête de cohorte vient de parachever le cycle fondamental. A la lumière des résultats obtenus, on pourra envisager soit une révision soit une réécriture des programmes du secondaire.

La réforme de 1999



Un rappel rapide et bref des grandes réformes du système éducatif en Mauritanie permet de comprendre la logique qui a conduit à celle de 1999 (selon le rapport Diagnostic synthétique de SOFRECO.BECAPRESS n°146/DPEF/PNDSE/2015)

1968 à 1978 : Bilinguisme français-arabe préconisé.

1979 à 1999 : Adoption d’un système bicéphale : « arabisants » et « francisants » qui se regardent en chiens de faïence.

A partir de 1999, harmonisation et unification du système éducatif : les disciplines scientifiques sont enseignées en français et les sciences sociales en arabe. La langue de formation s’impose de facto à l’apprenant, selon qu’il choisit ou qu’il est orienté dans une série scientifique ou littéraire.

Il est hors de doute que ce choix porte un cachet politique. Il est sans doute discutable mais il fallait trouver une alternative pour éviter une explosion sociale. La tension était si vive qu’au moindre incident, le pays pouvait basculer dans des troubles préjudiciables à l’unité nationale.

Une décennie après la mise en œuvre de cette dernière réforme, on a constaté qu’elle présentait des dysfonctionnements qu’il fallait d’abord identifier puis corriger. C’est à ce titre que les états généraux de l’éducation et de la formation (EGEF) ont été organisés en Février 2013.

A l’issue de ces journées, il a été fait des recommandations dont la mise en application aurait permis d’améliorer nos enseignements de manière très sensible. Permettez que je rappelle ici quelques points relatifs à l’aspect pédagogique.

4-L’ouverture de deux pôles au niveau secondaire : pôle des Humanités et pôle des Sciences et Techniques avec :

a) –transformation de la filière scientifique en filière des « Sciences Expérimentales » comportant trois options : Sciences de la Vie et de la Terre, Sciences environnementales et sciences de la matière inerte.

b)-transformation de la filière des Mathématiques en une filière avec double option : Mathématiques et Technologie, Mathématiques et Sciences

c)- ouverture d’une filière des Sciences Economiques avec option unique.

d)-transformation des filières Littéraires et Originelles en une filière dénommée « Littérature et Sciences Humaines » avec triple option : Littérature et Sciences Humaines, Littérature et Sciences Religieuses et Littérature et Linguistique.

5-Réadaptation et mise à jour des programmes d’enseignement ainsi que les moyens et supports didactiques et la formation initiale et continue des enseignants tout en prenant en considération les dispositions de réformes attendues, particulièrement le respect des critères et la recherche continue de l’amélioration de l’efficacité des formes d’enseignement dispensé.

8– L’enseignement des disciplines scientifiques dans les langues maternelles (arabe- pullar –wolof –soninké).

10– Introduction de l’Informatique dans tous les niveaux de l’enseignement général et technique.

11– L’enseignement du français de manière à assurer un meilleur niveau pour les élèves du primaire et du secondaire.

21-Conception et développement des programmes des langues d’enseignement de manière à assurer le bilinguisme à la fin de l’enseignement de base de 9 ans en axant, d’une part sur la maîtrise des compétences de communication (compréhension et production écrite et orale) et l’acquisition des compétences linguistiques permettant la compréhension des connaissances véhiculées à travers ces langues d’autre part.

26– Coordination entre les groupes de travail disciplinaires pour prendre en compte les relations interdisciplinaires et ce, pour assurer la conformité de ces disciplines aux niveaux horizontal et vertical.

34-Amélioration de la capacité des professeurs pour la compréhension des disciplines scientifiques.

L’enjeu maintenant est de savoir pourquoi ces résolutions n’ont pas été appliquées ? Manque de moyens ? Absence de conviction et/ou de volonté politique ?…

La question relative à la pertinence reste posée parce qu’elle est en fait liée au choix de la langue d’enseignement. L’idéal serait de permettre au génie de chacun de s’exprimer à travers sa langue ou la langue qu’il maîtrise le mieux.

Mais hélas ! Nous ne sommes pas encore arrivés à ce niveau de libéralisme et d’émancipation politique et intellectuelle. C’est pourquoi jusqu’ici on se demande que sera la prochaine réforme ? On reste à l’écoute des orientations du Haut Conseil de l’Education ou des autorités politiques.

Insuffisances des programmes et des manuels scolaires actuels

A partir des observations faites lors des assises des EGEF en Février 2012, de nombreuses activités ont été menées pour améliorer et adapter les programmes et les manuels scolaires.

En 2013 : l’Inspection Générale de l’Enseignement Secondaire a fait l’état des lieux du bilinguisme dans les enseignements au niveau du secondaire, sur toute l’étendue du territoire national.

En 2014, au regard des résultats de la mission sur le bilinguisme, il a été procédé à une révision des curricula des classes du collège au cours de laquelle des directives ont été données pour privilégier l’interdisciplinarité et rendre pratiques les enseignements.

En 2015 : le cabinet du MEN a initié un toilettage des programmes qui a impliqué plusieurs équipes disciplinaires composées d’un côté de conseillers et d’inspecteurs pédagogiques et de l’autre, d’enseignants expérimentés.

En 2016, l’Inspection Chargée de l’Enseignement Secondaire a procédé à la réécriture des programmes scolaires pour les alléger et les rendre plus faciles à exécuter.

En toute légitimité on peut dire que des travaux d’ateliers ont régulièrement été engagés en vue d’améliorer nos programmes d’enseignement. A titre d’exemple, je rappellerai que des cahiers de Travaux Pratiques(TP) ont été conçus pour chaque chapitre de Physique-Chimie et chaque chapitre de Sciences Naturelles pour tous les niveaux d’enseignement du 2nd cycle de l’enseignement secondaire.

La plupart de ces TP sont programmés pour être exécutés dans les laboratoires qui n’existent pas du tout ou ne sont pas suffisamment équipés. Par conséquent on voit bien que le problème d’équipement, un complément fondamental, reste posé de manière criante.

Concernant les manuels, à ce que je sache, les exemplaires de guides pédagogiques n’étaient pas mis à la disposition des enseignants. Ou du moins, de l’ensemble des enseignants. Pour certaines disciplines, l’organisation du contenu est difficile à cerner malgré les fiches de progression établies.

Il est vain d’éditer des livres pour des enfants qui ne savent ni lire ni écrire

A mon avis, il faut envisager la politique du manuel à un double niveau :

a– Les manuels existants, du moins dans certaines disciplines et à certains niveaux tels que les manuels de français du 2nd cycle du secondaire, doivent être révisés : réorganiser les contenus en les déclinant carrément en leçons. En plus, chaque thème doit comporter un aperçu général qui tienne lieu d’introduction, des textes variés et actuels montrant les différentes facettes du thème d’étude…

Des groupes disciplinaires constitués veilleront, pour chaque discipline concernée, à améliorer ou si nécessaire à réorganiser systématiquement les contenus de leurs manuels.

Les documents d’accompagnement du manuel présentés sous forme de guide pédagogique doivent être édités parallèlement et mis à la disposition de l’Enseignant pour l’orienter dans l’exécution du programme officiel.

b– Pour la cohorte qui va être formée selon la nouvelle réforme, il faudra concevoir de nouveaux manuels qui vont répondre à l’esprit de celle-ci. Dans tous les cas, il sera plutôt urgent de mettre en place des sortes de livrets ou de fascicules légers correspondant à des genres syllabaires d’abord en Arabe puis en Français parce qu’il est vain d’éditer des livres pour des enfants qui ne savent ni lire ni écrire.

Donc je pense que pour cette nouvelle cohorte, on ne parlera de manuel qu’à partir de la 3e AF dont les contenus seront déterminés par les professionnels que sont les conseillers pédagogiques et les garants des programmes que sont les inspecteurs pédagogiques.

Pour donner à l’école publique la notoriété qui lui sied, il faut que l’on croie à notre propre système. Pour ce faire une mesure révolutionnaire doit être prise : que l’ensemble des hauts fonctionnaires de l’Etat inscrivent obligatoirement, je dis bien obligatoirement leurs enfants dans les écoles publiques au lieu de les envoyer dans l’enseignement privé.

Parce qu’autrement, ils désapprouvent un système qu’eux-mêmes ont mis en place. Leur propre système. Sinon pourquoi envoyer leurs enfants dans les écoles de prestige et de renommée qui enseignent autre que le programme mauritanien ou qu’on croit capable de mieux enseigner le programme national. N’est-ce pas l’expression d’un déni ?

Je rappelle à ce titre deux recommandations issues des EGEF de Février 2013 :

Interdiction aux mauritaniens de s’inscrire dans les écoles étrangères et obligation pour les responsables de celles-ci d’appliquer la loi.

2-Seuls les nationaux sont autorisés à enseigner dans les écoles privées pour préserver les valeurs et la morale et le cas échéant le bénéficiaire doit avoir une autorisation spéciale.

Propos recueillis par Khalilou Diagana

Source/Quotidien national Horizons



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Commentaires (2)

  • lass77 (H) 08/07/2020 19:07 X

    Tout ça reste un voeux pieux monsieur Tandia. Il faut aussi interdire aux mauritaniens d'envoyer leurs enfants dans les établissements étrangers sur le territoire national en l'occurrence le lycée Français théodor Monod etc... L'école mauritanienne est à l'image des maux de la Mauritanie, tout est intimement lié.

  • medabdul (H) 06/07/2020 22:16 X

    jeune homme tu perds ta salive.... YA PAS D EDUCATION EN MAURITANIE.