Amadou Tidjane DIA - Fin 2014, la Mauritanie comptait trois écoles d’ingénieurs qui se caractérisaient chacune prise individuellement par des effectifs très réduits (autour de dix élèves par promotion), un personnel enseignant faible, aucune accréditation des diplômes, un ancrage très limité au niveau du marché national et une ouverture à l’international quasi-nulle.

C’est ainsi que le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique(MESRS) a lancé immédiatement, dés 2015, une stratégie de rénovation des formations d’ingénieur existantes avec pour principal objectif de mutualiser les moyens disponibles tant matériels qu’humains afin d’en tirer une meilleure efficacité et surtout d’arrimer ces formations aux standards internationaux en la matière.

Le premier acte posé dans le cadre de cette réforme fut la création de l’Institut Préparatoire aux Grandes Ecoles d’Ingénieurs (IPGEI) dés la rentrée 2015/2016.

Dans la même foulée, les 3 écoles d’ingénieurs existantes ont été fusionnées dans un nouvel établissement qui garde le nom de l’Ecole Supérieure Polytechnique (ESP) mais avec une nouvelle structuration, une nouvelle gouvernance académique suite à son placement sous la double tutelle du MESRS et du Ministère de la Défense Nationale, ces deux entités travaillant en parfaite synergie, chacune dans son cœur de métier, pour la réussite de ce projet novateur.

L’ESP compte actuellement six départements : Mines, Pétrole, Gaz – Génie Civil, Hydraulique et Environnement - Génie Mécanique - Génie Industriel – Informatique, Réseaux et Télécommunications – Electricité, Electronique, Electrotechnique et Automatisme.

Un autre volet de la réforme des formations scientifiques et techniques porte sur la mise en place d’instituts techniques spécialisés connus pour être d’une meilleure efficacité externe : meilleure adéquation avec la demande d’emploi et donc meilleure employabilité et insertion plus rapide des diplômés.

C’est ainsi que depuis 2015, et quasiment, à chaque rentrée universitaire, un nouvel institut supérieur des métiers est créé au sein de l’ESP :

► un Institut Supérieur des Métiers du Bâtiment, des Travaux Publics et de l’Urbanisme (ISM-BTPU), créé en Septembre 2016 et situé à Aleg

► un Institut Supérieur des Métiers de la Mine (IS2M), créé en Septembre 2018 et situé à Zouerate).

► Un institut Supérieur des Métiers de la Statistique(ISMS), créé en Septembre 2019.

► Un institut Supérieur des Métiers de l’Energie (ISME), prévu à la rentrée 2020

L’IPGEI a pour mission essentielle, à l’instar des classes préparatoires en France, au Maroc, en Tunisie,… de préparer, en deux ans de formation, aux concours d’entrée aux écoles d’ingénieurs tant au niveau national (cycle ingénieur ESP et Académie Navale pour le moment) qu’au niveau international (ouverture de centre de concours pour des Ecoles d’Ingénieurs Françaises, Tunisiennes et Marocaines).

Avant la mise en place de cet institut, les étudiants inscrits dans les écoles d’ingénieurs qui existaient n’avaient aucune passerelle leur permettant de continuer leurs études dans des cycles d’ingénieurs à l’étranger après leurs deux premières années de formation et il n’ y avait aucune possibilité d’ouvrir des centres de concours à Nouakchott dans ce contexte (classes préparatoires intégrées ne correspondant pas au standard requis pour accéder à ces grandes écoles) . Actuellement, et régulièrement depuis trois années maintenant, les concours internationaux ci-après sont ouverts à Nouakchott, y compris cette année malgré la situation sanitaire internationale avec le coronavirus :

â–º Le concours de la prestigieuse Ecole Polytechnique de Paris

► Le concours Commun Mines Ponts (CCMP) regroupant une dizaine d’écoles françaises de Mines et de Ponts (dont l’Ecole des Mines de Paris et celle des Ponts de Paris),

► Le concours commun polytechnique (CCP) regroupant plus de 30 écoles d’ingénieurs françaises

► la Banque d’Epreuves aux Concours des Ecoles d’Actuaire et de Statistique (BECEAS) regroupant 5 écoles françaises et une école Marocaine spécialisées dans les domaines d’Actuariat, de Statistique, de Finances et d’Assurances

► le concours de l’Ecole Centrale de Casa (ECC), une école faisant partie du réseau international des écoles Centrale (France, Chine, Inde et Maroc)

► le concours de l’Ecole des Mines de Benguerir au Maroc (Université Polytechnique Mohamed VI),

► le concours d’entrée aux écoles d’ingénieurs de Tunisie (ENIT, Polytechnique de Tunis)

Profitons-en pour signaler la résilience du système face à la COVID. En effet, les étudiants de l’Institut ont pu continuer leurs cours et terminer les programmes, via l’enseignement à distance ; ce qui a permis de passer tous ces concours cette année aussi.

Soixante dix (70) anciens étudiants de l’IPGEI ont réussi, ces trois dernières années, à ces concours d’entrée aux grandes écoles d’ingénieurs à l’international, ce qui montre, si besoin en est, la qualité de la formation dispensée dans cet institut et son arrimage réussi aux programmes suivis dans les classes préparatoires de référence. En effet, le taux de réussite aux concours internationaux des élèves de la classe étoile (deuxiéme année), depuis 2017, tourne autour de 100%.

Ces anciens de l’IPGEI, en cette année universitaire 2019/2020, inscrits dans les grandes écoles à l’international se répartissent comme suit :

► France : 27 étudiants dont 11, soit plus de 40 % à la prestigieuse Ecole Polytechnique de Paris (1 en 3eme année, 2 en deuxième année et 8 en première année) et les autres dans de non moins réputées écoles d’ingénieurs (l’Ecole Supérieure de Physique Chimie Industrielle de Paris, ESPCI - l’Ecole Nationale Supérieure d’Informatique et de Mathématiques appliquées de Grenoble, ENSIMAG – l’Ecole Nationale Supérieure de Géologie de Nancy, ENSG,…)

► Maroc : 25 étudiants dont 5 à l’Ecole des Mines de Ben guérir (Université Polytechnique Mohamed VI) et 20 à l’Ecole Centrale de CASABLANCA qui, fait partie du groupe Français des Ecoles « Centrale » à l’instar de la « Mahindra école Centrale(Inde), et de l’Ecole Centrale de Pékin (Chine )

► Tunisie : 15 dans les Ecoles Nationales d’Ingénieurs de Tunis, de Sfax, de Carthage,… dont 12 terminent cette année

► Sénégal : 3 à l’ENSAE (Ecole Nationale de Statistiques et d’Analyse Economique) de Dakar

La création de l’IPGEI s’est accompagnée par la mise en place d’un corps des Professeurs agrégés qui n’existait pas jusque là en Mauritanie.

Au démarrage, le MESRS a recruté, via la coopération, une dizaine de professeurs agrégés tunisiens et français pour le compte de l’Institut et a mis en place un plan de nationalisation de ces postes en attribuant des bourses à plusieurs jeunes mauritaniens titulaires de master (sélectionnés suite à un concours de recrutement) pour aller préparer leur agrégation au Maroc et en Tunisie.

C’est ainsi qu’actuellement le premier noyau de professeurs mauritaniens agrégés est en place : 5 professeurs mauritaniens agrégés en Mathématique, 2 en Sciences de l’Ingénieur, 1 en Physique et 1 en Français. A présent, seuls 5 professeurs agrégés expatriés officient à l’institut : 4 en Physique et 1 en Mathématique.

Signalons que 24 stagiaires agrégatifs ( 16 en première année et 8 en deuxième année) sont en cours de formation au Maroc et en Tunisie et devraient progressivement venir étoffer le corps professoral à l’IPGEI, et même pourquoi pas, dans les lycées d’excellence (terminales C notamment) comme c’est le cas dans beaucoup de pays.

De manière générale, l’amélioration de l’encadrement au niveau des établissements d’enseignement supérieur grâce aux différents recrutements d’enseignants qui ont eu lieu ces dernières années, n’a aucun équivalent dans la sous-région :

-en 2016 : 119 postes ouverts, 75 pourvus (34 pour l’Université de Nouakchott - 17 pour l’Institut Supérieur de Comptabilité et d’Administration des Entreprises, ISCAE - 9 pour l’Institut Supérieur d’enseignement technologique de Rosso, ISET - 5 pour l’Ecole Nationale d’Administration, de Journalisme et de Magistrature, ENAJM

- 4 pour l’Ecole Normale Supérieure, ENS - 3 pour l’Ecole Supérieure Polytechnique, ESP - 3 pour l’Institut Supérieur Professionnel pour les Langues, la traduction et l’interprétariat, ISPLTI)

-en 2017 : 21 postes ouverts : 5 postes pourvus (4 pour l’ESP et 1 pour l’Académie Navale)

-en 2018 : 38 postes ouverts : 19 postes pourvus (14 pour l’ESP et 5 pour l’Académie Navale)

-en 2020 : lancement prévu d’un recrutement de 201 enseignants au profit de tous les établissements dont une vingtaine pour l’ESP et ses différents instituts rattachés.

C’est le lieu de saluer la vision éclairée et innovante, l’engagement sans faille et le leadership du Ministre de l’Enseignement Supérieur ,qui ont permis dans la durée l’atteinte de ces résultats et leur consolidation année après année. Une véritable révolution silencieuse a eu lieu au niveau de ce ministère avec des résultats concrets que nul ne peut contester.

Puisse notre pays, continuer dans cette voie pour aller encore plus loin, dans la prochaine décennie, sur le chemin de la réalisation de ses objectifs de développement de son capital humain, seul gage actuel d’émergence pérenne, avec l’essor de l’économie de la connaissance.

DIA Amadou Tidjani

Directeur de l’Institut Préparatoire aux Grandes Ecoles d’Ingénieurs (IPGEI)