10-08-2020 10:35 - Attaque au Niger : le Sahel, un repaire de djihadistes de plus en plus dangereux

Attaque au Niger : le Sahel, un repaire de djihadistes de plus en plus dangereux

Le Parisien - Cette vaste région de l’Ouest de l’Afrique a été le théâtre d’une nouvelle attaque armée qui a tué six Français dimanche près de Niamey (Niger). La présence militaire française depuis sept ans n’a rien résolu.

Même si l'Elysée et le Quai d'Orsay restaient, dimanche soir encore, très prudents quant à la nature et l'origine de l'attaque armée qui aurait fait huit victimes dont six Français, une évidence s'impose : le Niger est devenu un des points de cristallisation du conflit dans le Sahel.

C'est en effet, la troisième fois en un an que ce pays de l'Afrique de l'Ouest est la cible de raids terroristes. Les deux précédents, qui avaient eu lieu en juillet en décembre 2019, avaient été revendiqués par des groupes djihadistes.

Ces derniers, l'État Islamique au Grand Sahara (EIGS), Al Qaïda du Maghreb islamique (Aqmi) ou encore Boko Haram, qui pullulent dans la zone, sont souvent « « concurrents » entre eux. « Il est clair désormais que le Niger est entré de plain-pied dans la guerre du Sahel et que celle-ci, partie du Mali, s'est depuis étendue au Burkina Faso et désormais au Niger et au Tchad », souligne Bertrand Badie, professeur émérite des Universités à Sciences-po Paris.

«La stratégie Barkhane exacerbe le conflit»

Depuis 2013, la France, avec les opérations Serval puis Barkhane, est engagée militairement au Sahel et compte aujourd'hui quelque 4500 militaires déployés dans cette vaste zone. Quarante-trois soldats y ont depuis perdu la vie, dont 13 en novembre dernier, au cours d'un accident d'hélicoptères.

Un an plus tard, en 2014, cinq états de la région — Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad — se réunissaient au sein du G5 Sahel (G5S) afin de coordonner leurs politiques de développement et de sécurité. Sept ans après, ces efforts semblent vains, alors que les attaques terroristes se multiplient et font tache d'huile au Sahel. Depuis dix ans, de nombreux Français y ont été enlevés ou tués. Au Niger déjà, le 8 janvier 2011, deux jeunes Français, Antoine De Léocour et Vincent Delory, avaient été enlevés en plein centre de Niamey avant d'être tués au cours de l'opération militaire pour les délivrer.

« Le drame de Kouré est d'autant plus préoccupant qu'il a lieu à quelques dizaines de kilomètres de la capitale, Niamey, insiste Bertrand Badie. C'est la preuve supplémentaire que la stratégie mise en place avec Barkhane et le G5S n'est pas la plus efficace. Non seulement elle n'atténue en rien le conflit mais elle l'exacerbe », poursuit cet expert en relations internationales.

Depuis quelques années, la France, n'est plus aussi bienvenue qu'au début de son engagement décidé par François Hollande. « Contrairement aux Etats-Unis qui avaient subi des attentats d'Al Qaida sur son propre sol, la France semble promouvoir au Sahel une guerre préventive, ce qui provoque un désir de vengeance de la part des Africains », soulignait il y a quelques mois Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherche à l'IRD (Institut de recherche pour le développement) dans une interview à L'Opinion. Cette défiance s'est d'autant plus renforcée que la France a pu être mêlée malgré elle à des exactions armées de ses alliés africains. »

Que peut faire la France ?

La convocation par Emmanuel Macron en décembre 2019 d'un sommet à Pau des cinq chefs d'États des pays du Sahel pour qu'ils « clarifient » leur position, avait soulevé un tollé dans l'opinion publique malienne, burkinabée et nigérienne, renforçant le camp anti-France dans ces pays.

Alors que les États-Unis, eux, montent en puissance dans la région — Washington s'apprête à fournir au Niger des équipements militaires et 60 véhicules blindés, pour un coût total de 21 millions de dollars (17,8 millions d'euros) — trois options s'offrent à la France. Le statu quo avec le risque de l'enlisement, le renforcement de son engagement militaire et le risque d'intensifier l'incompréhension avec les États du Sahel et, enfin, le désengagement progressif.

Même si au Quai d'Orsay, l'heure n'est pas officiellement à la remise en cause de l'opération Barkhane, la question est mise sur la table. « La France n'a pas de fonction propre à tenir dans la région, estime Bertrand Badie. Elle ne devrait pas s'entêter dans une action militaire qui est une distorsion très claire avec les enjeux réels de ces pays. On ne retrouvera la paix civile et la sécurité dans cette région qu'en s'attaquant aux problèmes structurels : la crise économique, sociale, écologique et la déliquescence des Etats. » En attendant, les forces françaises de Barkhane étaient sur le pont ce dimanche pour fournir un appui à l'armée nigérienne après le drame de Kouré.

Par Jannick Alimi




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