08-09-2020 07:30 - L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (6ème partie) / Par le Pr El Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (6ème partie) / Par le Pr El Arby Mohamedou

Kassataya - L’avènement d’un régime hybride

La destitution, le 6 août 2008 du Président élu Sidi OULD CHEIKH ABDALLAHI, par le mouvement rectificatif prôné par le Haut Conseil d’Etat (HCE), met fin à la parenthèse d’expérience démocratique. Ainsi, le pays renoue avec les coups d’Etat militaires.

Certains facteurs tels que : la recrudescence en (2007-2008) de l’insécurité particularisée pour la première fois dans le pays par une série d’attentats terroristes contre les expatriés occidentaux (Aleg, le 24 décembre 2007) et les forces armées et de sécurité, les crises sociales et économiques, les mouvements de contestation des étudiants et des travailleurs poussées par la flambée des prix et la démission d’un groupe d’une quarantaine de parlementaires de la formation politique du Président de la République, ont contribué à justifier et précipiter le renversement du régime civil.

Rompant avec les usages les plus partagés par les régimes issus des coups d’Etat militaires, la nouvelle junte s’aménage dans sa charte constitutionnelle la gestion du pouvoir exécutif tout en laissant fonctionner les deux chambres du Parlement accouchant ainsi d’un système hybride sans précédent dans les pratiques constitutionnelles.

Ce rarissime cas d’espèce dénote de l’attachement du HCE aux acquis du processus électoral de la période de transition 2005-2007, tout en remettant en cause la régularité de l’exercice par le Président de la République des ses pouvoirs.

Plusieurs raisons sont évoquées en l’occurrence : l’abus de pouvoir, l’incarnation de la faiblesse de l’institution de la Présidence au regard de l’opinion nationale et internationale et la gestion improvisée et désastreuse de certains dossiers de grande importance pour la vie de la nation.

La succession de ces mobiles a justifié la destitution du Président élu par le mouvement rectificatif du HCE. Cette destitution reste, en dépit des motifs avancés, au regard de certains protagonistes, une action anticonstitutionnelle nulle et non avenue.

Pour faire face à cet état de fait, d’autres parlementaires associés à des formations politiques ont constitué un front national pour la sauvegarde de la démocratie (FNDD). Cette opposition au coup d’Etat ou au mouvement de rectification selon le bord politique où on se place, a livré une dynamique résistance renforcée en cela par le refus du Président Sidi OULD CHEIKH ABDALLAHI de démissionner de sa fonction.

Suspendu de l’Union Africaine, de l’Organisation de la Francophonie et objet de certaines sanctions émanant de quelques partenaires au développement tels que l’Union Européenne qui n’a pas hésité à user de l’application de l’article 96 de l’accord de Cotonou qui gèle toute forme de coopération, le régime en place cherche à esquiver un mécontentement interne grandissant et une pression internationale accrue.

La paralysie du pays et le saut vers l’inconnu dans lequel, il se projette vont conduire le Président civil et le FNDD ainsi que le HCE et ses partisans à chercher une issue de dénouement à travers la voie de la négociation avec la facilitation de certaines organisations internationales.

Pour transcender le blocage politique et la crise constitutionnelle que vit le pays, les protagonistes admettent de se confier à une médiation internationale. Aussi, sous les auspices de certaines institutions internationales telles que l’Organisation des Nations Unies, l’Union Africaine, l’Organisation de la Conférence Islamique, l’Union européenne, l’Organisation de la Francophonie et la Ligue des Etats Arabe, une table ronde est organisée à Dakar au Sénégal pour discuter et échanger sur les voies et moyens de revenir à l’ordre constitutionnel.

Après de tumultes et rudes cycles de négociations, les deux parties ont finalement accepté de conclure un accord dénommé « Accord de Dakar », paraphé à Dakar le 2 juin 2009 et signé le lendemain à Nouakchott.

Les principales dispositions de cet accord international instituent une transition politique que soutiendra la nomination d’un gouvernement d’union nationale, la création d’une commission électorale nationale indépendante, la démission officielle du Président de la République déchu par le coup d’Etat, la démission du Président du Haut Conseil d’Etat et l’assurance de l’intérim de la Présidence par le Président du Sénat ainsi que l’organisation d’une élection présidentielle fixée au 18 juillet 2009 avec la supervision d’une observation internationale.

A ces principales clauses s’ajoute l’engagement de deux parties d’amorcer, durant la période postélectorale, un processus d’échange et de négociation qui soit de nature à améliorer le système démocratique du pays.

Au terme de cet accord, les engagements auxquels les parties avaient souscrits, ont été respectés, l’élection organisée a été remportée par le candidat Mohamed OULD ABDEL AZIZ au premier tour avec plus de 52% des voix exprimées. Un nouveau régime s’installe par le retour du Président du HCE en qualité de ‘’Président élu’’.

A suivre …

Professeur El Arby Mohamedou



Lire aussi :

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (1ère Partie) / Par le Professeur EL Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (2ème Partie) / Par le Professeur EL Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (3ème Partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (4ème partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (5ème partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou



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Commentaires (5)

  • abdou rabbany (H) 08/09/2020 10:53 X

    Une couverture justifiée. Cridem a mis à la disposition de ses lecteurs, un ensemble d'articles qui couvrent les périodes des pouvoirs décriés des militaires dans ce pays. Cette initiative est louable. Elle a donné au public l'opportunité de lire sur l'évolution des coups d'état militaires. Aussi, le public a le droit d'être informé et c'est la mission des institutions de l'information.Cridem a joué ce rôle et a mis à la disposition de son public ces articles qui traitent des liens entre le pouvoir politique et l'institution militaire en Mauritanie.

  • moulaye sidine (H) 08/09/2020 10:28 X

    J'ai lu vos articles publiés par le site KASSATAYA et d'autres sites, et je trouve que leur contenu peut servir de base pour appréhender l'ingérence illégitime de l'institution militaire dans le pouvoir en Mauritanie. Aujourd'hui, les dirigeants doivent composer avec les obligations de la conjoncture actuelle qui refusent l'intervention des militaires dans les domaines civils.

  • LE PARRAIN (H) 08/09/2020 10:19 X

    Intéressant, ce travail, il a mis en exergue, une partie de notre parcours politique obscure. Il faut oser écrire sur ces décennies noires de la Mauritanie.

  • chos (H) 08/09/2020 09:29 X

    Professeur El Arby Mohamedou, Pourquoi continuer à marteler au pays l’Histoire de la mal gouverbnance et de la corruption institutionalisée au détriment du redressement que notre pays doit engager par l’opportunité d’engager le 1er Octobre 2020 un enseignement gratuit pour tous les fils du pays et Bac à 16 ans au lieu de 24 ans et politique d’autosuffisance et d’emplois que nous proposons au nouveau Gouvernement occupé dans la routine administrative et judiciaire stérile . cheikhany_ouldsiidina@yahoo.fr .

  • alteregoo (H) 08/09/2020 09:20 X

    Cher Monsieur, qu’y a t’il d’énigmatique dans vos articles? Arrêtez de polluer la toile avec ces torchons. Une pure narration d’événements connus par tous, sinon vécus, digne d’un journaliste, sans aucune analyse, ni valeur ajoutée. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un soi-disant Professeur. A vous lire on comprend bien la raison de la décadence de nos Universités et de la médiocrité de nos étudiants : les chiens ne font pas des chats !