19-09-2020 11:29 - En Mauritanie, un maraîcher transforme le désert en jardin

En Mauritanie, un maraîcher transforme le désert en jardin

Le Monde Afrique - De la maison de Carlos Gil Casado, on ne ressort jamais les mains vides.

A l’entrée de sa villa de Nouakchott, sur de grands plateaux, des semis de différentes variétés de tomates jouxtent des plants d’artémisia ou de persil. Il y a deux mois, il a acheté des figues sèches chez un épicier et en a fait germer les graines. « Voilà le résultat », dit-il pointant quelques dizaines de pousses.

« Si, dans quelques années, on pouvait distribuer cinq figues par jour à tous les enfants de Mauritanie, on aurait réussi un défi fabuleux ! », lance-t-il. En Mauritanie, 43,9 % de la population active a souffert d’un retard de croissance pendant l’enfance, selon l’ONU.

« Si tu veux nourrir quelqu’un, donne-lui des tomates. Si tu veux le sauver, apprends-lui à les cultiver. » Carlos Gil Casado pourrait faire sien cet adage traditionnel revu et corrigé. En ce début septembre, l’Espagnol installé depuis dix ans en Mauritanie a terminé il y a quelques semaines la formation au maraîchage qu’il dispense. Une activité pour laquelle il réserve sa patience, lui qui, en route dans sa vieille guimbarde pour récupérer du fumier de cheval dans un centre équestre, s’impatiente dans les embouteillages de Nouakchott.

En grande banlieue de la capitale du pays, il a transformé un petit coin de désert en un jardin vert rebaptisé El Jenna (« le paradis »). Et ce matin de septembre, des caisses de tomates s’y empilent en bout d’allées, prêtes à partir pour le marché où « elles seront vendues en vingt minutes », assure Mohamed Mokhtar, ingénieur en agriculture venu faire un stage.

A 17 kilomètres au sud de la ville, l’Espagnol a transformé un hectare désertique en une zone de maraîchage où poussent désormais des tomates, des aubergines, des gombos, des concombres, des feuilles de bissap. Et même « du piment pour mettre dans le yassa ou le thiéboudienne » se félicite Mohamed Mokhtar.

Une ferme pédagogique

De janvier à juillet, la ferme pédagogique de Carlos Gil Casado a formé trente élèves. Pendant sept mois, ils ont suivi une heure quotidienne de cours théorique puis des ateliers pratiques. Au début de sa formation, chaque élève a reçu une parcelle d’environ 10 m2. « Le but est que chacun puisse créer son propre jardin en fonction d’un projet intégrant la nature des plantations, la surface cultivable et le prix des légumes à la vente », explique Mohamed Mokhtar.

Chaque bénéficiaire à commencer par monter son propre business plan. C’est le sens du projet global de Carlos Gil Casado, financé par l’Union européenne et mis en œuvre par Agri Sahel et le Groupe de recherches et de réalisation pour le développement rural (GRDR).

Avant de suivre sa formation, Fatimatou Mint Deya, 62 ans, était cuisinière et ignorait « comment poussaient des légumes », et même « qu’il fallait de l’eau et du soleil ». Aujourd’hui, elle garde une partie de sa production pour sa famille et vend l’autre pour « une source de revenus supérieure à celle d’autrefois ».

Du maraîchage sur un sol très aride

Comme elle, les autres stagiaires ont apprécié et la plupart se sont regroupés en coopérative au terme de leur apprentissage. « Ils se sont installés autour de nous ce qui nous permet de rester en contact et de continuer à suivre leur projet », assure Carlos Gil Casado.

Lorsqu’on lui demande comment il est possible de cultiver sur un sol aussi aride composé de coquillages concassés, l’agriculteur-enseignant rappelle que son « modèle est simple : il faut de l’engrais naturel, du sable, un goutte-à-goutte bien réglé et une plante brise-vent. » Pour cette dernière, il utilise du malafalfa, une herbe qu’il a découverte lorsqu’il faisait sa coopération au Nicaragua et « qui est parfaitement adaptée aux conditions sahéliennes puisque des amis en ont fait pousser au Niger, au Sénégal et au Mali ».

A El Jenna, où un deuxième hectare a été acheté pour développer des plantes fourragères (malafalfa et moringa), il faut juste éviter de planter des légumes dont les racines se développent en profondeur dans le sol, comme les navets ou les carottes. Mais tout le reste serait envisageable.

Plus globalement, la ferme pédagogique prouve pour l’instant qu’il est possible de faire du maraîchage à quelques kilomètres de la capitale mauritanienne et pas uniquement le long du fleuve Sénégal où la terre est très fertile. Autour du site, des centaines de producteurs, inspirés par la réussite de la ferme agricole et un vaste projet gouvernemental de zone agricole périurbaine, ont commencé à planter en suivant le modèle impulsé par l’Espagnol.

« Je suis heureux d’être copié, mais je le serai encore plus lorsque les Mauritaniens mangeront tous leurs propres tomates », espère Carlos Gil Casado. Il suffit d’un peu de patience.

Pierre Lepidi (Nouakchott, envoyé spécial)





Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 2
Lus : 4765

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (2)

  • pyranha (H) 19/09/2020 15:06 X

    Mon ami choses tu es simplement extraordinaire. Depuis des années je te suis dans tes postings que tu renouvelés sans cesse mm par tel.je t'ai félicité. Mais te demande a partir de ce jour je te demande de cesser de compter sur cet état de dealeurs.fais comme cet espagnol qui se met en pratique et dans des zones très hostiles.je vais poster un petit article à ce sujet.je te renouvele mes félicitations mon frère .

  • chos (H) 19/09/2020 11:37 X

    Sans espoir d'être compris: La diversification des marques du machinisme agricole est une cause de l’echec de l’Agriculture en Afrique et en Mauritanie où on peut recenser 65 marques de moissonneuses, de tracteurs ou de motopompes qui imposent à l’agriculteur de voyager vers le pays d’origine pour acheter un roulement ou une courroie qui coute 500 UM à sa machine immobilisée. Connaissant que Houary Boumediane avait lancé le slogan de l’achat du cerveau allemand pour fabriquer les tracteurs, moissonneuses, moteurs en Série de cylindré Unifié (SU) j’avais voyagé en 88 pour signer avec Abassy à Sidi Bel Abbass (Algérie) PDG de l’usine PMA de fabrication de moissonneuses tracteur Deutz Fahr un protocole d’accords d’echange de nos besoins par troc avec l’Algérie sans réaction de l’Etat ni du secteur privé. Protocole que j’avais renouvelé lors de mon dernier voyage en Algérie avec le PDG de la Banque BNM ou je lui servais de Conseiller agricole d’il y a 3 ans aprés une audience avec le Président de la Zone franche de Nouadhibou. Je gage que l’intégration du machinisme agricole de la Mauritanie avec l’Algérie peut réduire les coûts de production de 50% tout en créant un centre d’exportation pour l’Afrique toute entiére. cheikhany_C'était mon commentaire