29-09-2020 19:30 - Misère d’amitié, misère de politique. Par Pr ELY Mustapha

Misère d’amitié, misère de politique. Par Pr ELY Mustapha

Pr ELY Mustapha - « Une amitié qui ne peut pas résister aux actes condamnables de l'ami n'est pas une amitié.» (Alain)

Si l’on se devait de faire abstraction des crimes économiques d’un politique, juste le temps d’une contemplation humaine de l’amitié entre deux hommes, compagnons de route, l’on ne peut, au nom de la morale, que se poser des questions de ce qu’il advint entre ces deux hommes.

Compagnon d’arme et de fortune (mal acquise), de plus de 30 ans, de Ghazouani, Aziz est lâché par ce dernier qui l’a laissé, publiquement, à la vindicte parlementaire et aux crocs judiciaires. Invoquant, il est vrai, les principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs.

D’aucuns diraient qu’il n’a que ce qu’il mérite, mais au-delà du droit et de la justice, qu’en dirait la morale ?

Le philosophe Alain écrivit « qu’une amitié qui ne peut pas résister aux actes condamnables de l'ami n'est pas une amitié.”

Comment concevoir au-delà des faits qu’un homme arrivé au sommet de l’Etat, puisse contempler son compagnon trainé dans la boue, malmené moralement et physiquement. Pas une intervention personnelle de soutien moral, ne serait-ce qu’un mot d’amitié et de réconfort. Laissé à son destin Aziz se débat et invoque à demi-mots le soutien d’un ami qui ne vient pas.

Machiavel écrivit : « Un homme qui veut être parfaitement honnête au milieu de gens malhonnêtes ne peut manquer de périr tôt ou tard. Un prince qui veut se maintenir doit donc apprendre à n'être pas toujours bon, pour être tel que les circonstances pourront l'exiger. » (Le Prince – chapitre 15) Et c’est probablement cet esprit, qui a supplanté l’élan d’amitié et qui dicta au détenteur du pouvoir de laisser son compagnon à son sort.

Mais cette attitude semble déroger à notre culture et à nos valeurs sociales, dans lesquelles il est bien affirmé que la vraie fraternité s’exprime durant les dures épreuves de la vie. (إنما الأخوان في الشدائد). S’il y a un enseignement à tirer de cet épisode d’une amitié qui a tourné en inimitié, c’est bien que les grecs avaient excellemment défini l’amitié en ce qu’elle ne peut être qu’une relation libre entre égaux. Elle ne survit plus lorsque l’ami devient sujet du prince, son ami.

Cette situation explique le rejet de la morale en politique. La seconde renvoie au champ du pouvoir soumis à la tactique que dictent les rapports de force. Quant à la première, la morale, elle relève du monde des principes qui en politique font souvent défaut.

C’est en cela que dans son « Eloge à l’amitié », Tahar Ben Jelloun affirmait à juste titre que “la politique dénature et ruine l'amitié.” Et il est fort probable que la misère de cette amitié que nous contemplons, n’est que l’expression la plus évidente de la misère politique, de l’esprit, de l’humanité et de la morale que avons vécu durant ces trente dernières années.

Le poète Ibnou el Abd n’écrivit-il pas ;

عَنِ المَرءِ لا تَسأَل وَسَل عَن قَرينَهُ * * فَكُلُّ قَرينٍ بِالمُقارِنِ يَقتَدي

Misère d’amitié, misère de politique.

Pr ELY Mustapha



إِذا شاءَ يَوماً قادَهُ بِزِمامِهِ ** وَمَن يَكُ في حَبلِ المَنيَّةِ يَنقَدِ

إِذا أَنتَ لَم تَنفَع بِوِدِّكَ قُربَةً ** وَلَم تَنكِ بِالبُؤسى عَدوَّكَ فَاِبعَدِ

أَرى المَوتَ لا يُرعي عَلى ذي قَرابَةٍ ** وَإِن كانَ في الدُنيا عَزيزاً بِمَقعَدِ

وَلا خَيرَ في خَيرٍ تَرى الشَرَّ دونَهُ ** وَلا قائِلٍ يَأتيكَ بَعدَ التَلَدُّدِ

لَعَمرُكَ ما الأَيامُ إِلّا مُعارَةٌ ** فَما اِسطَعتَ مِن مَعروفِها فَتَزَوَّدِ

عَنِ المَرءِ لا تَسأَل وَسَل عَن قَرينَهُ * * فَكُلُّ قَرينٍ بِالمُقارِنِ يَقتَدي

(من معلقة طرفة بن العبد)




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Commentaires (7)

  • kaykouta (H) 30/09/2020 09:21 X

    Merci professeur. Vous avez totalement raison, ce qui arrive entre AZiz et Ghazaouani est l'exmple meme de ce qui est arrive à nos valeurs ici. L amitie n existe pas , rien que le mensonge et la faussete. c est vrai comme vous l avez bien dit Aziz est un voleur mais le comportement de son "ami" est une bonne lecon pour nous a l avenir de croire en ces gens-la et leurs promesses. Et vous avez conclu avec un vers qui dit tout. عَنِ المَرءِ لا تَسأَل وَسَل عَن قَرينَهُ * * فَكُلُّ قَرينٍ بِالمُقارِنِ يَقتَدي C est un article qui ne defend pas Aziz et Ghazouani mais qui donne a reflechir sur les valeurs de notre pays. Merci comme toujours c est brillant.

  • unitéRIM (H) 30/09/2020 07:54 X

    Pro; ELY, vous voulez que l'amitié entre M.GHAZOINI et M.AZIZ soit au détriment de notre patrie? En politique il n'y a pas d'amis, il y a plutôt des intérêts. Et ce peuple pauvre dont les richesses auraient été pillées???

  • Ahmedabdallah (H) 29/09/2020 23:10 X

    "De l'insoutenable légèreté de l'être"! Voilà notre insondable professeur émérite, Ely Mustapha, qui insinue ici que Ghazouani devrait venir à la rescousse de son "ami" de plus de 30 ans! Cet Aziz sur qui pèsent des accusations gravissimes de corruption d’une une échelle dépassant tout entendement humain! Incompréhensible! Mais je ne pense pas que cela soit un pas de géant dans la direction de la moralisation de la politique nationale du pays! En Afrique le plus difficile et le plus improbable a toujours été d'introduire de la morale dans la vie publique (donc dans la politique)! Parce que les hommes et les femmes qui y tiennent lieu de politiques ne sont que des chacals, pire des loups qui se mangent entre eux sans pitié! Pour ce qui est de la Mauritanie, l'on peut dire que Ghazouani est un homme rusé et futé, plus que son ancien compagnon "arr" et qu'il est en plus très chanceux d'avoir compris assez tôt les regrets du susnommé "arr" d'avoir lâché les rênes du pouvoir trop vite et sans aucune conviction! Ghazouani a alors eu bien raison d'assurer ses arrières en mettant K.O débout très rapidement ce gros glouton! Sans cette rapidité d'un lièvre, il allait y avoir à Nouakchott une mare de sang s'il le faut pour la reconquête du pouvoir par Aziz! L'homme a une pierre à la place du cœur! Et il demeure encore aujourd'hui impitoyable et dangereux! Il est prêt à tout pour laver l'affront qu’il pense que Ghazouani lui a infligé! Le Cheickh a pourtant bien raison de ne pas protéger les milliards d'ouguiyas soustraits, par ce délinquant en boubou blanc issu des ruelles de Louga, au maigre budget du peuple mauritanien! Sa sécurité personnelle serait compromise gravement, si notre notre général marabout se mettait à observer, sans rien faire, les bras ballants! Et Aziz, qui se targue toujours de n’avoir jamais « échoué », n’a pas dit son dernier mot ! Il se vengera de Ghazouani, et de toute la lignée de Ghazouani s’il se relève de ses déboires actuels! Ça, il ne faut pas en douter!

  • Le Bucheron (H) 29/09/2020 21:11 X

    Simple, claire et compréhensible comme article et pas comme les romans qui faisait dormir à la lecture et souvent on se perd la dans. En effet mon cher Pr, son ami ne prend pas le risque de laisser filer avec tout ce pactole et lui laisser avec un état agenouillé a quatre pattes sans rien, je suis entièrement d’accord avec son silence en se refugiant derrière la séparation des pouvoirs, pour la première fois dans l’histoire ce pays qui n’a connu que la dictature depuis 1978.

  • Le Bucheron (H) 29/09/2020 21:11 X

    Aziz a exagéré avec ces complices et compagnons de fortunes, personnes ni même son fils ne pouvait lui laisser filer avec tous ces complices ministres, directeurs, hommes d’affaires et autres membres de son clic qui ont détournés tous les deniers de ce pays et sans scrupules aucune, Aziz doit répondre avec ces hommes, donc justice doit être rendu au peuple qui attend les résultats. Ghazouani ne veut pas se retrouver demain dans de sales draps qui pourront lui couter la vie lui et sa famille pour avoir couvert une bande de voleur National.

  • morelam (F) 29/09/2020 20:20 X

    Le propre de l'argent sale est de mieux rémunérer le trafic que le commerce et la trahison que la fidélité

  • morelam (F) 29/09/2020 20:15 X

    Il ne peut y avoir d'amitié là où se trouvent la cruauté, la déloyauté, l'injustice. Entre méchants, lorsqu'ils s'assemblent, c'est un complot et non une société. Ils ne s'aiment pas mais se craignent. Ils ne sont pas amis, mais complices. Etienne de La Boétie