18-10-2020 18:45 - Etude de cas : Ould Abdel Aziz. Coincé entre les articles 93 et 27 de la constitution, un très gros risque pour lui

Etude de cas : Ould Abdel Aziz. Coincé entre les articles 93 et 27 de la constitution,  un très gros risque pour lui

Mohamed Chighali - Le débat des avocats fait rage autour de l’interprétation de l’article 93 de la constitution. De ce fait Il y’aura évidemment beaucoup de places pour eux tous, sur ce champ où s’échangent des tirs croisés entre les avocats du « mis en cause » Aziz ceux de la défense donc, et ceux l’état mauritanien la partie civile.

Le juriste « impopulaire » qui a libellé l’alinéa 1er de l’article 93, donne à ses confrères du fil à tordre et, par effet d’entrainement, de la matière à réflexion et un sujet de débat qui tourne autour d’une question très épineuse.

Pour le collectif des avocats de l’état, les avocats français de Mohamed Ould Abdel Aziz confondent « l’inviolabilité », inhérente à la qualité de président de la République dont ne bénéficie qu’un chef d’Etat dans l’exercice de ses fonctions donc au cours de son mandat, et « l’immunité fonctionnelle » qui ne protège le chef d’Etat que pour les actes accomplis dans le cadre de l’exercice de sa fonction présidentielle.

Pour Mes Ebety, Lô Gourmo et autres que l’état s’est choisi pour conseils et auxquels il confie sa défense et celle de ses intérêts, « l’immunité fonctionnelle » n’empêche pas d’engager des poursuites contre l’ancien chef d’Etat pour des infractions « détachables » de sa fonction présidentielle. En d’autres termes, pour eux, rien n’empêche de prendre à l’encontre du président toutes mesures de contraintes si ces mesures s’appliquent à des actes commis et qui sont au vu des textes de référence incompatibles avec sa qualité de président.

Cela signifie donc, que les avocats de la partie civile (l’état) cherchent à prouver que l’ancien président a été auteur d’actes qui l’ont détaché de la qualité de chef d’état. Cette manœuvre, si elle réussie, va leur permettre d’isoler Aziz, « l’accusé » de son armure 93 qui le « rend » constitutionnellement invulnérable.

Si ce « déminage » réussi, les avocats de l’état vont exposer l’ancien président à des risques de poursuites pour d’autres infractions qui ne sont pas la trahison. Ce qui veut dire, en terme simplifiés, que si cette « barrière » est franchie, l’ancien président sera poursuivi, au même titre que n’importe quel citoyen.

Tout porte à croire que le collectif des avocats de l’état mauritanien sont à deux doigts de « mettre à nu » juridiquement parlant, l’ancien président et de ce fait, arriveront à renvoyer se balader Mes Rajjou et Brigant dans leurs quartiers chauds des banlieues de Marseille, de Paris et de Brest où ils ont élus domicile de leur cabinet peut être « fictif » puisque sans adresse précise. Les expressions « inviolabilité inhérente à la qualité» et « immunité fonctionnelle » sont entrées dans le vocable des avocats pour expliquer que les poursuites contre l’ancien chef de l’état mauritanien peuvent être engagées en « contournant » le piège des qualifications de faits qui constituent le barrage « 93 » de la constitution.

Ce contour s’il est effectué va libérer la voie à l’engagement de poursuites pour des délits « connexes » inhérents à la qualité. Une brèche donc qui va permettre d’entrer dans une mise en examen de celui qui est au centre d’intérêt de cette affaire judicaire.

Le 93 « lance-missile » anti missiles.

Si la manœuvre réussie, les avocats de la partie civile (l’état) vont détacher le boulet qui trainait à leurs pieds les empêchant de porter certaines accusations contre le président. Ce qui va rendre ce dernier plus vulnérable et va l’exposer à des risques de poursuites pour des infractions passées sous silence par la constitution.

Cette prouesse semble leur réussir. Si c’est le cas elle risque d’atteindre en plusieurs endroits l’homme à « abattre ».

C’est vers cette option que s’oriente le travail du collectif des avocats de l’état mauritanien et c’est aussi d’ailleurs pourquoi sans doute le département de la justice a mis en place un mécanisme juridique à trois pôles qui seront gérés par des magistrats différents dont les instructions à la fin de l’enquête vont converger en direction d’ un centre de gravité ou se retrouvera « isolé » de sa fonction présidentielle pour certains faits l’ancien chef de l’état acculé par des preuves matérielles irréfutables.

Dans ses différentes déclarations « télévisées » l’ancien chef de l’état, persiste et signe pour dire qu’il est riche, mais affirme qu’aucune « ouguiya ne provient des caisses du trésor et qu’aucun dollar ne provient des caveaux de la BCM ». Toutefois il refuse d’expliquer clairement au peuple mauritanien l’origine de son immense fortune.

Au lieu d’apporter une réponse claire à la question, devant les enquêteurs de l’Assemblée Nationale, devant les policiers de la criminelle et devant les cameras de télévisions du monde entier, l’ancien président de la république, ancien président de l’organisation de la Ligue Arabe, ancien président de l’Union Africaine et ancien Président du Groupe du G5 Sahel préfère jouer aux insinuations en disant qu’il faut poser la question à son successeur.

Si Ould El Ghazouani devait répondre à la question de savoir d’où provient une fortune, se serait évidemment sa fortune à lui et se ne sera que dans quatre ou cinq ans peut être, si la question devait se poser. En attendant, se n’est pas sur Ould El Ghazouani que les projecteurs sont dirigés. Et ce n’est pas l’origine de la fortune de ce dernier qui suscite la curiosité des enquêteurs.

C’est celle d’Ould Abdel Aziz. Une fortune colossale éparpillée selon certaines informations entre des « prête-noms », ou domiciliée dans des comptes bancaires offshores, ou confondue dans des capitaux de sociétés nationales et multinationales d’« appui ». Et ce sont ces montages financiers qui, justement, poussent à la curiosité des enquêteurs. Et la raison est simple.

Ould Abdel Aziz arrivé au pouvoir en 2008 très riche, en ressort en 2019 hyper riche.

Ould Abdel Aziz est arrivé au pouvoir en 2008. Il était entré au palais par effraction politique, effraction constitutionnelle et infraction morale. Il est entré au palais avec dans « ses poches » 1.400.000.000 d’ouguiyas anciens. Cette déclaration de patrimoine il l’a faite lui même. Il était donc arrivé au pouvoir déjà très riche ou en tous cas par rapport à ces fonctions de l’époque. D’où venait cette fortune ? Il ne l’avait pas expliqué et personne à l’époque ne s’était intéressé à savoir.

En 2019, il quitte le pouvoir. Un audio qui circule sur les réseaux sociaux chiffre sa fortune à 50 milliards sans préciser si ce sont des ouguiyas, des dollars ou les deux confondus.

En tous cas, 800.000.000 d’ouguiyas, (pris en compte comme cumul de ses salaires de 10 ans de fonction) ont été retrouvés placés dans un compte à taux d’intérêt, dans une banque de la place.

La question pour laquelle les enquêteurs cherchent toujours une réponse c’est d’où provient la fortune. Question légitime si l’on se réfère à certaines dispositions juridiques des termes de la constitution.

Justement par rapport à cette constitution, si l’article 93 qui sert au général Aziz de « missile » « anti-missiles » contre toutes poursuites qui n’entrent pas dans la qualification des faits de « haute trahison », par ailleurs, l’article 27 de cette même constitution brouille le 93. Si l’article 93 a le mérite d’être précis en ce qui concerne l’immunité du président, l’article 27 a lui aussi le mérite d’être très clair. Cet article stipule : « La charge de Président de la République est incompatible avec l'exercice de toute autre fonction publique ou privée ». Et c’est justement cette phrase « fonction publique ou privée » qui semble pousser Lo Gourmo et Cie à essayer d’entrainer l’ancien président sur le terrain glissant des « actes détachables de sa fonction présidentielle ».

Les enquêteurs, grâce à des « dissidences » des « repentirs » des pressions et peut être des « chantages » de certains accusés, sont parvenus à la conclusion que l’ancien chef de l’état exerçait bien des activités à buts lucratifs soit par « personnes interposées », soit derrière des écrans de fumée, soit par le biais de sociétés anonymes.

Cela signifie que Me Ebety est probablement entrain de se frotter les mains, parce que les preuves matérielles rassemblées, les « aveux » obtenus et certains « recoupements » des montages financiers prouvent bien que l’ancien président était bel et bien le « maitre d’œuvre » de certaines pratiques révélées au grand jour par des rapports de la PJ des crimes économiques.

Si donc les avocats français ont trop « bus » au point de confondre la constitution mauritanienne à la constitution française et s’ils ont cherché à se faire de la hauteur dans l’insolence et la mauvaise éducation au point d’« intimer l’ordre » au président de la république d’ « arrêter cette mascarade » et s’ils croient , qu’ils vont, par leurs médiocres et archaïques prestations de services gagner cette bataille pour laquelle le gouvernement a presque achevé le « ratissage » ils se trompent.

Des « prête-noms » et des « écrans de fumée » découverts.

Les jeux sont faits. La police des crimes économiques mauritanienne a effectué un travail de fourmi pour faire la corrélation « d’affaires » entre l’ancien président et certains noms ou sociétés anonymes.

SMA-MAN, M2P, MTC Sa, Wafa-Mining, OPM, LTS Logistique, Sté TECH Transit, Sté LMS Logistique, les Cigarettes Winston, Sté EEM Energie, COMACO.SA, toutes ces entreprises à consonnassions (peu populaires) dans le monde traditionnel des affaires du pays, nées sous le régime de Ould Abdel Aziz sont soupçonnées de servir de « prête-nom », « d’écran de fumée » ou à des activités de « sous-traitance » au profit de Ould Abdel Aziz ou des membres de sa famille. Les enquêteurs croient être parvenus à identifier par l’existence physique de ces sociétés de la dernière génération, (c'est-à-dire de naissance spontanée à d’effets d’enrichissements immédiats), des sociétés qui hébergent les placements de l’argent de la corruption dans de petits paradis fiscaux mauritaniens.

A cela il faut peut être ajouter, l’existence de parts dans certains capitaux de banques et d’Agences de Micro finances. A la BMI par exemple, où l’ancien président selon certaines information fondées sur des preuves matérielles, détient 40% des actions, il faut peut être ajouter une grosse poignée des actions « non identifiées » retrouvées ailleurs dans d’autres institutions financières sur lesquelles les enquêteurs n’ont pas pu pour le moment coller d’étiquettes.

En tous cas, Il semble qu’il n’a pas été difficile pour les enquêteurs de parcourir le chemin sinueux emprunté par les montages financiers de certaines activités industrielles et commerciales qui portent, soit « l’empreinte présidentielle » soit sa « couverture aérienne ».

C’est cette signature et cette couverture qui, d’après certains, planent sur l’Imprimerie Mazaya, qui a obtenu au forceps le marché de l’impression des bulletins de vote, Afriplast, le fournisseur de la SNDE en consommables, ELECTRAMA.SA qui fournissait la SOMELEC en pièces de rechanges, Maurilog logistics qui monopolise le plus gros marché de prestations de service de Taziast, IPR, Société de pêche de poisson à la pelle incontrôlable et qui n’a jamais été frappée de taxes.

La police dans ses investigations a pu par exemple mettre une étiquette sur tous les « prête-noms » utilisés par certains membres de la secte du pillage et de la corruption qui opéraient en circuit et cercle fermés. Mohamed Abdallahi Ould Iyaha, Hamady Bouchraya, Zein Abidine, Babiya Ould Eleya, Ould Jeyrib, Mohamed Lemine Ould Ahmed, Baba Ould Bobatt, Ehel Lahah, Ould Ghade (l’autre caisse noire de l’ancien président) Mohamed Ould Boussabou, le gendre de l’ancien chef de l’état (qui n’a rien pris à personne, mais qui n’a rien laissé aussi) et Asma très active dans les milieux d’affaires sont des éléments clés du groupe le plus important des personnes qui servaient de machines à laver pour « blanchir » l’argent de la corruption ou puisé sur les surfacturations de gros marchés d’investissements obtenus de grès-à-grès entre l’acheteur et le fournisseur quelques fois la même personne.

Des nouveaux candidats pour la maison d’arrêt peu ordinaires.

Pour simplement expliquer aux plus novices en droit que les avocats de l’état cherchent à déplacer « les mobiles » d’un article « bunker » (le 93) vers un article mitrailleur (le 27). Une guerre de mots que se livrent les collectifs de la défense et ceux de l’accusation qui risque bien de se terminer par des maux. Si l’article 27 l’emporte, l’ancien président et bon nombre de ses « coaccusés » risquent de se retrouver dans des situations embarrassantes avant de se bousculer à l’entrée des maisons d’arrêts et de correction.

Et tout cela parce que certains d’entre eux qui sont au centre de gravité des poursuites judicaires engagées, ont fait comme la vache qui parait-il disait au début « wily », « wily » mais à la fin disait « rassi », « rassi ». Une telle attitude n’est pas forcément de la « trahison » ça peut être aussi simplement un calcul d’intérêt, pour espérer la clémence de la justice.

Mohamed Chighali






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Commentaires (1)

  • hamaodo (H) 18/10/2020 20:26 X

    bon on verra bien.