22-10-2020 00:00 - Les départs massifs et démesurés du peuple soninké pour l’Europe

Les départs massifs et démesurés du peuple soninké pour l’Europe

Ismael TRAORE - La traversée de la mer Méditerranée ou Journey of uncertainty (Voyage d’incertitude) est certes devenue meurtrière, mais c’est le dépeuplement graduel de nos territoires qui me fait davantage peur.

C’est terrible et cauchemardesque ! N’avons-nous pas encore pris conscience du péril et de la gravité de la situation ? De même, ne nous rendons-nous pas compte, de nos jours, du départ massif de nos populations vers l’Espagne et la France qui restent les pays les plus convoités de L’Europe ?

Aujourd’hui, dans beaucoup de villages soninkés de la Mauritanie, dont je suis originaire, du Mali, du Sénégal, de la Gambie…, seuls les enfants en bas âge, les jeunes mariées, les vieilles mamans de 65 à 79 ans ainsi que quelques employés de domicile venus d’ailleurs, occupent les demeures.

Le phénomène est alarmant car, même les jeunes scolarisés, en l’occurrence, les collégiens, les lycéens voire les universitaires commencent à abandonner les études pour aller à l’étranger peu importe les risques qu’ils encourent. L’objectif n’est plus d’accroître leurs aptitudes intellectuelles et d’avoir des diplômes, mais plutôt de devenir milliardaires.

Il est bien et attrayant de posséder de belles voitures, de belles concessions et de jolies épouses. Mais comme le dit cet adage populaire : « Qui trop embrasse mal étreint ». La perte est à présent colossale tant humainement, matériellement qu’intellectuellement.

Il y a de cela plusieurs décennies, l’on quittait le cercle familial soit pour aller faire fortune, soit pour poursuivre ses études, et d’y retourner quelques années plus tard pour investir ou travailler, ou encore pour s’occuper des parents fragiles, vulnérables et irremplaçables.

Il était jadis perçu comme une malédiction pour un enfant et un abandon pour un père de partir très loin de sa famille pour une durée démesurée. Il en était de même pour un cadre qui choisissait de vivre à l’extérieur de son pays pour ses convictions philosophiques. Toutefois, les choses ont changé. Les Soninkés, désireux de mieux vivre, n’hésitent plus à risquer leurs vies en empruntant des voies clandestines périlleuses.

C’est ainsi qu’on les retrouve aujourd’hui partout dans le monde. Dès lors, le milieu rural devient synonyme de déguerpissement et/ou de renonciation et c’est à tous les échelons. Ainsi, s’il est avéré qu’au niveau de la diaspora « leur contribution à l’essor des économies nationales des pays d’immigration et d’émigration n’est plus à démontrer », il est tout de même indubitable que le peuple soninké, par le biais de la migration et de l’émigration a tendance à banaliser beaucoup de faits liés à la sécurité, au bonheur et bien-être des populations locales.

Enfin, si comme le dit ce proverbe soninké : « Il vaut mieux travailler à l’étranger que mourir chez soi », que deviendront alors nos villes/villages si tout le monde se sent obligé de partir au loin, en quête d’une vie meilleure ? Aussi, la carence, autrement dit l’absence des membres masculins dans nos foyers ne constitue-t-il pas un danger d’éclatement éducatif et matrimonial pour nos communautés d’origine ?

Ismail Traoré

Étudiant-chercheur à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Limoges / France

ismael172017@yahoo.com





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Source : Ismael TRAORE
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Commentaires (4)

  • Maxamallé (H) 22/10/2020 18:53 X

    Monsieur Traoré, nous africains avons des problèmes à tous les niveaux de notre vie, Soninkara en particulier. Si on voit que même le boutiquier dans nos villages est "etranger" ce qu'il y a un problème. Au niveau de nos dirigeants on ne voit aucune volonté politique, ni de projets viable pour le long terme, en dehors des propositions de loi pour modifier celle ci afin de continuer à rester aux commandes.

  • mystere1 (F) 22/10/2020 10:57 X

    Un article logique et sensé, confrère ismaîl, je comprends votre amertume et inquiétude au sujet de ces émigrations clandestines vers la mort au lieu de l’eldorado occidentale, la plupart de la jeunesse africaine migrent à cause du manque de moyens et des non emplois crées par leurs dirigeants, en particulier, pour vos cousins soninkés qui sont connus pour migrer là-bas ! et d’après le proverbe soninké que tu as relaté, c’est clair que rien ne peut les arrêter !, à chacun sa nature, ainsi, c’est le chômage qui oblige ! mais au moins, merci de sensibiliser par votre plume cette obsession d’émigrer obstinément à travers l’espace mortelle océanienne de nos confrères africains, dont la vie y reste pour la plupart d’entre eux regrettablement, ne les blâmes pas ! car la faute est à nos dirigeants africains, dont la gouvernance est mauvaise, médiocre ou bien aussi Bad ! Comme disent les anglais, que Dieu nous Sauve et Sauve notre pauvre grand-mère Afrique !

  • serranus (H) 22/10/2020 10:24 X

    Ce cri de coeur n'est plus à l'ordre du jour. La solution est du côté de nos gouvernants. Créer de l'emploi pour retenir les jeunes (diplômés ou pas) désemparés parceque sans emploi. On ne vit pas de la chair des uns des autres.

  • bala (H) 22/10/2020 08:53 X

    Les soninké y vont n'ont pas fuir la misère mais préfèrent s'installer en Europe.Ce dépeuplement de leurs villages poussera d'autres à venir s'y installer